Critique

Twilight of the Gods : Zack Snyder et la mythologie, une rencontre évidente

19 septembre 2024
Par Quentin Moyon
Twilight of the Gods : Zack Snyder et la mythologie, une rencontre évidente
©Netflix

Des dieux, du sang, du sexe, de l’animation française… Bref, Twilight of the Gods est du pur Zack Snyder.

Le prolifique Zack Snyder a encore frappé. Après avoir consacré une grande partie de sa carrière aux héros en cape et collants, se faisant principal artisan de l’esthétique DC post-Nolan ou plus largement d’univers futuristes pour le cinéma, le cinéaste semble avoir changé de cap.

Il faut dire que les échecs latents des blockbusters netflixien Army of the Dead (2021) et du diptyque Rebel Moon (2023) n’ont pas aidé. Avec Twilight of the Gods, une série d’animation nous plongeant dans la mythologie nordique, une question se pose : et si l’avenir du réalisateur était désormais dans le passé ?

Nom de Dieu(x)

Odin, Thor, Loki… Twilight of the Gods est une minisérie Netflix coécrite, réalisée et produite par Zack Snyder qui nous plonge au cœur de la mythologie nordique et de ses dieux. Au menu ? Un mariage rouge version Game of Thrones, une traque vengeresse éperdue, des voyages à l’autre bout du monde – celui des vivants ou des morts – des corps nus et des réflexions profondes. Des péripéties d’une rare violence qui conduiront à la destruction d’Asgard. Comme quoi, quand les dieux s’y mettent…

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Mais, pour Zack Snyder, rien de bien nouveau de ce côté-là. Il faut dire que les dieux et le cinéaste ont toujours fait bon ménage. Dans sa trilogie consacrée à l’univers de Superman – Man of Steel (2013), Batman vs Superman : l’aube de la justice (2016), Zack Snyder’s Justice League (2021) –, les atours qu’il prêtait à son super-héros étaient déjà dignes des divinités les plus mémorables.

Puissance, rapidité. Là où Marvel détricotait entièrement les figures héroïques et les dieux, livrant une version de Thor démystifiée en le rendant maladroit, blagueur et finalement plus humain qu’il n’a jamais été, Snyder nous proposait un Henry Cavill taiseux, à la plastique et aux pouvoirs surnaturels.

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Zack Snyder aurait aussi songé à donner une origine kryptonienne aux dieux de l’Olympe dans Justice League, c’est dire. Avant le super S, le professeur Manhattan de son cultissime Watchmen possédait lui aussi de nombreuses caractéristiques divines. En plus d’un travail sur des films de super-héros, la mythologie était déjà une thématique à laquelle Zack Snyder s’intéressait dans ses œuvres. 

Par exemple, 300 invoquait la figure de l’oracle et transformait l’empereur perse Xerxès en divinité. Son désir était aussi profond d’adapter les légendes arthuriennes, tout en les transposant dans l’Ouest américain, afin de développer dans ce pays tardif un panthéon, une mythologie américaine.

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Malgré cet intérêt, le réalisateur, souvent scénariste, n’a que rarement fait de la vraisemblance historique une condition sine qua none. Si la violence crue d’un 300 corrobore les écrits sur la seconde guerre médique que l’on tient d’Hérodote, les invraisemblances et les incohérences historiques sont nombreuses.

En tout cas en ce qui concerne Sparte. Avec Twilight of the Gods, le cinéaste délaisse finalement ses ambitions de Grand Ouest au profit du Valhalla et se dote de coscénaristes pour pallier ses problèmes avec la vérité.

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De son imagination et de l’important travail de recherche et d’écriture effectué avec ses comparses Jay Oliva (à l’origine du storyboard de Justice League) et Eric Carrasco (Je verrai toujours vos visages), le panthéon nordique s’imprègne alors de mœurs humaines.

D’une faiblesse du jugement et d’une violence gratuite et incontrôlée pour Thor. D’une fourberie, mais d’un sentimentalisme inattendu pour Loki. D’une sagesse et d’une froideur clivantes pour Odin. Le tout dans un décor d’une précision et d’une beauté pleinement immersive.

C’est le Nord !

Héroïsme épique. Lutte entre le Bien et le Mal. Déconstruction des mythes et réinterprétations modernes. Si les obsessions snyderesques habitent Twilight of the Gods, pour développer un projet d’une telle ampleur, la magie du père de Sucker Punch seule ne suffisait pas. Cette écriture à six mains a permis de tisser le fil subtil qui relie les huit épisodes d’une trentaine de minutes – d’une grande qualité. En découle un univers très poétique, d’une noirceur sublime et d’une humanité profonde… même chez les dieux. 

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Sexe et sang sont les deux ingrédients de ce monde de passions où le rationnel laisse place à la vengeance et le bonheur à l’honneur. Un monde qui puise son esprit communautaire et ses grandes batailles dans le Seigneur des anneaux de Tolkien, qui évoque le monde sombre de la BD Arthur du scénariste David Chauvel et dessine les contours d’un univers crédible, bien que divin. 

Ajoutez à cela un casting voix efficace au grain purement viking : John Noble (Le Seigneur des anneaux : le retour du roi), Paterson Joseph (Boat Story), Stuart Martin (Miss Scarlet, Détective privée) et Sylvia Hoeks (Blade Runner 2049) donnent respectivement vie à Odin, Loki, Leif et Sigrid, couple vengeur, pour n’en citer que quelques-uns.

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Des vocalises qui se mêlent aux mélodieuses compositions signées Omer Benyamin et Steven Doar, tous deux portés par le maître absolu : Hans Zimmer. Un univers qui ne serait rien sans une animation d’une grande beauté, bien loin des CGI souvent laids auxquels Snyder a pu nous habituer : une esthétique cousue main, made in France.

Cocorico 

Twilight of the Gods est une nouvelle pièce dans l’édifice désormais cossu que Netflix a su bâtir en animation, notamment avec ArcaneNimona, ou encore Pinocchio. Et pour faire de sa série mythologique un succès d’une grande beauté, présenté au festival du Film d’animation d’Annecy en 2024, le géant du streaming a fait appel à un studio bleu, blanc, rouge. 

Les Zinzins de l’espace ? Oggy et les cafards ? Si vous êtes emplis d’un enthousiasme particulier à la lecture de ces noms, deux options : soit vous avez été jeune dans les années 1990, soit vous avez su apprécier le savoir-faire du studio français Xilam.

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Il faut dire que, loin de ces madeleines de Proust, le studio a fait ses preuves en délivrant des œuvres d’une très grande qualité, à l’image de l’immense J’ai perdu mon corps (2019) de Jérémy Clapin. Ainsi, bien que colorée, l’atmosphère de cet univers divin aux visages carrés rappelant les pommettes saillantes du Hercule de Disney est d’une grande noirceur.

Comme pour rappeler à grands coups de fusain que l’être humain n’est que nuance, grisaille et contradictions, et que les dieux leur ressemblent fort. Car, comme le dit si bien Loki dans la série : « Je ne suis que ce que les hommes ont fait de moi. »

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