Vingt-deux ans après le film culte mettant en scène un groupe de jeunes gens dans une favela brésilienne, l’univers du romancier Paulo Lins est de retour à l’écran avec une magnifique série télévisée diffusée sur Max.
En 2002, la sortie de La Cité de Dieu (Fernando Meirelles) a été très remarquée à l’international, notamment au Festival de Cannes. Dans ce récit choral, adapté d’un roman – lui-même basé sur l’histoire réelle d’une favela construite dans les années 1960 –, on suivait l’enfance et la jeunesse d’une bande d’adolescents durement frappée par la pauvreté et la ségrégation sociale, qui s’aggravait au tournant des années 1980.
Une partie d’entre eux basculait alors dans le crime organisé, jusqu’à un déchaînement de brutalité auquel certains personnages tentaient malgré tout d’échapper – dont Buscapé, apprenti photographe luttant de tout son être pour fuir la spirale de violence en marche.
Plus de 20 ans plus tard, et après un feuilleton au long cours reprenant une partie des personnages, les protagonistes du film (et leurs acteurs) sont de retour pour La Cité de Dieu : la lutte continue, une série à découvrir sur Max à partir de ce 26 août.
“Un moment majeur dans notre pays”
Pour l’actrice Roberta Rodrigues (Berenice), cet événement a une importance particulière au Brésil. « La Cité de Dieu a été un moment majeur dans notre pays. C’était le premier film à mettre en vedette des acteurs noirs et à parler de leur vécu […]. Ensuite, La Cité des hommes a été regardée par des millions de téléspectateurs ! »
« C’était important de faire une série aujourd’hui, car [ce format laisse] davantage de place pour parler d’autres sujets que dans le film, confirme Alexandre Rodrigues (Buscapé). La place de la communauté et des liens entre les gens, la manière dont les milices se sont organisées et font face de manière violente aux criminels […], c’était important de pouvoir raconter tout ça. »
Une favela en pleine effervescence
Et c’est effectivement une dimension que l’on retrouve dans La Lutte continue. La série se déroule une vingtaine d’années après la fin de La Cité de Dieu et en reprend de manière extrêmement fluide une partie de la conclusion. On y suit à nouveau une cohorte de personnages hauts en couleur, au début des années 2000, alors que le quartier s’apprête à subir de nouvelles transformations. Le show s’intéresse particulièrement au retour de Buscapé, devenu photographe professionnel, et de Berenice, cherchant à retrouver sa place dans la communauté après l’avoir quittée pendant un temps.
Ce qui frappe immédiatement, c’est la très large place que cette nouvelle saga laisse aux mécaniques de relations intracommunautaires et à la vie au sein du quartier. Des sujets déjà évoqués par le film de 2002, mais qui n’étaient alors que survolés, l’intrigue s’intéressant surtout à l’ascension et à la chute de deux gangs rivaux.
Ici, on s’attarde bien davantage sur la structure des associations d’habitants, les rapports avec la classe politique, la montée en puissance des mouvements sociaux ou encore les problématiques de rapports entre les citoyens et la police.
Une série pour changer de regard sur le Brésil
Pour le réalisateur Fernando Meirelles, c’est une évidence : « Une série comme celle-ci peut aider à générer des transformations dans la société. » Et, effectivement, La Lutte continue traite en profondeur les questions politiques et sociales liées aux quartiers les plus défavorisés, avec beaucoup plus d’espoir et de luminosité que ne le faisait le film terriblement crépusculaire de 2002, mais sans pour autant basculer dans une vision angélique. Le récit demeure marqué par la violence, les règlements de compte et les tragédies irréparables, mais laisse une place plus large à l’optimisme.
Il faut dire que, depuis 20 ans, les mouvements sociaux issus des favelas et des communautés noires ont contribué à améliorer les conditions de vie et la représentation politique des habitants. La série est aussi une occasion explicite de revenir sur cette évolution, comme nous le confient Roberta Rodrigues et Alexandre Rodrigues : « Il y a plus d’espoir aujourd’hui ! Avant, on disait souvent que pour ne pas avoir de problème au Brésil, il fallait éviter de parler de deux choses : le foot et la politique. Tout ceci a bien changé, et c’est en partie La Cité de Dieu qui a révolutionné ça, qui a permis aux gens d’en parler ! »
Un passage de relais très réussi
À ce titre, La Cité de Dieu : la lutte continue est un passage de relais assez admirable. Tout d’abord parce que le traitement plus varié des thématiques donne une impression d’immersion inégalée dans le quartier que le show dépeint. Ensuite, car la reprise du même casting et du même réalisateur, restés extrêmement soudés durant ces 20 dernières années, est un tour de force. Lequel se traduit à l’écran par un jeu d’acteur impeccable et une réalisation au cordeau, tout à fait comparable à celle du film.
Touchant, brutal, drôle et spectaculaire, le show est une petite pépite de la rentrée, qui peut s’apprécier sans connaître ni le film d’origine ni La Cité des hommes. Néanmoins, c’est également une bonne occasion de découvrir ce chef-d’œuvre du cinéma des années 2000, tant le long métrage de Fernando Meirelles a particulièrement bien vieilli et s’enchaîne parfaitement avec cette nouvelle saga.