Critique

The Boys : une saison 4 plus polarisée que jamais

12 juin 2024
Par Aurelien Bouron
“The Boys”, saison 4, le 13 juin sur Prime Video.
“The Boys”, saison 4, le 13 juin sur Prime Video. ©Prime Video

C’est l’une des séries phénomènes de ces dernières années, et chaque saison est marquée par son lot de surprises, de violence et de complots. Les trois premiers épisodes de cette quatrième partie ne font pas exception, mais prennent un virage différent.

Attention, si vous n’avez pas visionné les trois premières saisons, cet article contient des spoilers !

Les superhéros sont LE prisme parfait pour analyser toute la complexité de la société, de l’actualité, les travers de l’humain, mais aussi ses qualités. Un exercice dans lequel The Boys excelle. La série n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes et s’est attaquée frontalement à l’actualité durant ses trois premières saisons. La quatrième, disponible dès le 13 juin sur Prime Video, s’ouvre sur un monde au bord du chaos, avec Victoria Neuman proche de la présidence.

Homelander est de plus en plus impitoyable et ses ambitions sont de plus en plus grandes, alors que Butcher, avec quelques mois à vivre, a tout perdu. En effet, le fils de Becca est maintenant aux côtés d’Homelander, et les Boys ne lui font plus confiance.

Adaptée du comics à succès de Garth Ennis et Darick Robertson, la série, dirigée par Eric Kripke, mélange habilement critique sociale et action explosive, tout en explorant les thèmes de la corruption et du pouvoir avec une audace sans précédent.

Homelander, héros des masculinistes et des complotistes

The Boys est une satire incisive de l’extrême droite, abordant le racisme, le sexisme, l’homophobie, les violences sexuelles… Et la liste est encore longue. On avait adoré les parallèles faits entre Trump et Homelander, notamment la parodie du slogan « Make America Great Again » devenue « Make America Super Again ». La saison 4 continue sur la même lancée, mais de manière plus psychologique.

Elle analyse les motivations du super-héros, l’origine de son mépris pour l’humain et sa peur de la faiblesse. Homelander est hanté par l’idée de vieillir, de perdre sa virilité et de ne pas marquer suffisamment l’histoire. Un poil blanc l’effraie. Le fait de ne pas être sur le devant de la scène est insupportable. Autant de détails qui le poussent à verser dans un discours masculiniste, transphobe et antiprogressiste.

Cependant, cette idéologie n’est qu’une façade. Son véritable objectif, c’est la domination, et ses paroles simplistes exploitent les émotions et frustrations des citoyens. Nous étions habitués à voir Vought utiliser les Seven à des fins de marketing et de communication, mais dans cette quatrième salve, la manipulation atteint de nouveaux sommets. Le but d’Homelander est désormais clair : soumettre l’humanité.

Des personnages qui gagnent en profondeur

Au fil des saisons, la série a abordé le désir de pouvoir et de vengeance, mais cette nouvelle partie explore de manière très personnelle la culpabilité. Un sentiment qui entre en totale contradiction avec les ambitions d’Homelander, qui est bien incapable de ressentir une telle émotion. Cependant, Butcher (et son rapport à Ryan) en est le parfait représentant.

D’un côté, le « Supe » veut se servir de son fils à des fins personnelles en le présentant comme le super-héros ultime qu’il a lui-même engendré. À travers ce dernier, il veut se faire passer lui-même pour une figure divine. À l’opposé, Butcher veut sauver son enfant des griffes de son père, par amour pour lui, pour Becca (la mère, décédée, de Ryan) et comme moyen de rédemption pour toute la culpabilité qu’il a accumulée au fil de son existence.

©Prime Video

Mais la quatrième saison ne s’arrête pas là et décortique le passé et la culpabilité d’A-Train et de Frenchie (enfin). Ces développements donnent plus de profondeurs à certains personnages qui jusque-là en manquaient, même si cela pourrait aller plus loin. Cela laisse tout de même présager une suite intéressante et destinée à se complexifier.

Un scénario qui tombe dans le piège de la polarisation

Deux camps très distincts se créent. Face à Homelander et ses adeptes, on retrouve les « Starlighters », soutiens d’Annie « Starlight » January. Les fans de la super-héroïne sont en totale opposition avec les pensées défendues par l’autre camp.

Leurs idées progressistes sont déformées et exagérées, des théories complotistes les accusent de trafics d’enfants et ils sont tenus pour seuls responsables du délitement d’une société que les conservateurs ne reconnaissent plus. Avouons-le, le parallèle avec « l’anti-wokisme » est très habilement réalisé. La série capture ainsi l’essence d’une société divisée, reflétant les fractures culturelles et politiques réelles.

©Prime Video

Le show tombe néanmoins dans le binaire et la polarisation à outrance et cela peut être vu comme une régression par rapport à la richesse narrative des saisons précédentes. The Boys s’est distingué par la complexité de ses personnages et la diversité de leurs motivations. La série ne se contentait pas de présenter des gentils contre des méchants, mais montrait une mosaïque d’intérêts personnels et de luttes de pouvoir.

Cela nous donnait un scénario tentaculaire et passionnant, contrairement à cette nouvelle salve qui ne présente presque que deux camps. On comprend la tentation, surtout en pleine année d’élection présidentielle américaine, mais en privilégiant une lecture binaire de la société, la production risque de diluer son message et de simplifier à l’excès les enjeux complexes qu’elle abordait autrefois avec tant de brio.

The Boys flirte avec le thriller politique, mais à quel prix ?

Si d’un côté le scénario semble s’être simplifié, de l’autre, la série s’est adoucie. On ressent un manque de ce « petit quelque chose » qui pique et dérange, dans le début de cette quatrième saison. Le show nous a habitués à un mélange de gore, de vulgarité, de sexe et de provocation gratuite qui fonctionne grâce à son exagération.

Cependant, cette dernière partie est un peu moins percutante. Parce qu’elles sont plus rares, les scènes sanglantes peuvent paraître hors de propos. Dommage, quand on sait que le comics originel est bien plus poussé à l’extrême.

©Prime Video

Néanmoins, cet adoucissement se justifie pour laisser plus de place au jeu politique. Le tournant avait déjà été pris lors de la troisième saison, mais, pour cette quatrième, une véritable partie d’échecs a été mise en place. Chaque camp recrute ses pions et les fait avancer dans un but bien précis. The Boys prend donc des airs de thriller politique, et le fait vraiment bien.

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