Entretien

Sabrina Ouazani pour Kali : “Le métier d’acteur représente le champ des possibles et des infinis”

30 mai 2024
Par Lisa Muratore
Sabrina Ouazani dans le film d'action “Kali”, disponible le 31 mai sur Amazon Prime Video.
Sabrina Ouazani dans le film d'action “Kali”, disponible le 31 mai sur Amazon Prime Video. ©Desirée do Valle

Sabrina Ouazani prête ses traits à Lisa dans Kali, le nouveau film d’action d’Amazon Prime Video. À l’occasion de sa sortie ce 31 mai, L’Éclaireur a rencontré la comédienne afin de revenir sur son personnage, le tournage du film et sa préparation.

Les spectateurs vous associent à la comédie aujourd’hui. Pourquoi avez-vous voulu vous frotter au drame et à l’action ? Est-ce un challenge en tant qu’actrice ?

Je vous avoue que je ne suis pas d’accord avec votre question, mais vous allez comprendre pourquoi [rires]. Effectivement, récemment on m’a vue dans des films de comédie qui ont connu un certain succès, et qui ont été vus par le plus grand nombre, mais il faut rappeler que j’ai commencé avec les films d’Abdellatif Kechiche. Je viens plutôt du cinéma d’auteur. J’ai tourné ensuite avec Asghar Farhadi, avec Cédric Klapisch, avec Claude Berri aussi. Finalement, la comédie ne représente que 10 % de tout ce que j’ai pu tourner.

Avec Kali, en revanche, je m’essaie à un genre que je n’avais jusqu’ici pas expérimenté, celui de l’action. Je suis très contente d’avoir participé à ce projet, car je ne veux pas qu’on m’enferme dans une case. Le métier d’acteur représente, pour moi, le champ des possibles et des infinis. La créativité et l’imagination ne s’arrêtent jamais et doivent être complètement libres.

Je me suis rendu compte assez vite dans la société dans laquelle on vit et dans le monde dans lequel j’évolue, c’est-à-dire le monde du cinéma, que l’on est très vite rattrapé par des étiquettes ou des cases dans lesquelles on a envie de nous enfermer. J’ai toujours aimé me diversifier devant la caméra en travaillant avec Kechiche ou Franck Gastambide, tout en allant vers le théâtre déclamer du Camus ou du Shakespeare.  

C’est un plaisir particulier de participer à un film d’action ? 

Je suis avant tout guidée par l’histoire, la rencontre, le réalisateur. Après, on ne va pas se mentir, on a toutes et tous déjà rêvé de se la jouer façon Tomb Raider à un moment donné [rires] ! J’étais très heureuse de participer à un film d’action dans lequel on va plein pot, qui est très libre dans sa mise en scène, dans sa lumière. Et qui y va franchement dans les coups et dans les gunfights.

Bande-annonce de Tomb Raider.

À côté de cela, il ne faut pas oublier que c’est un film qui parle de sujets très profonds. On a tendance à voir des films d’action qui tracent sans que l’on sache de quoi ils parlent vraiment. Certes, le moteur de Lisa est la vengeance, mais c’est aussi un film qui traite du deuil, de l’amour, et de la sororité. Ce sont les vrais moteurs de Lisa pour avancer dans sa quête de vérité. 

Vous citez justement Tomb Raider. Avez-vous eu d’autres inspirations durant le tournage pour construire le personnage de Lisa ?

J’ai immédiatement pensé à ma mère, parce que c’est une guerrière. C’est une femme qui va de l’avant, qui a quitté son pays d’origine pour offrir une vie meilleure à ses enfants. Être une femme dans notre société, c’est être une guerrière, c’est devoir se battre contre plusieurs d’injonctions que l’on a banalisées et qui ne devraient pas l’être. J’ai adoré comment le personnage de Lisa était écrit, car elle prend le contre-pied de ces injonctions. C’est une dure à cuire qui aurait pu être incarnée par un homme. 

C’est quelque chose qui m’a fait aller de l’avant. Plus jeune, je rêvais de Lara Croft. Je pense aussi à Uma Thurman dans Kill Bill. C’est le revenge movie qui m’a le plus marquée. L’œil, la lumière de Tarantino et sa mise en scène sont incroyables. Pour moi, c’est un coup de foudre. Il a fallu du temps pour qu’en France on arrive à avoir des films avec des femmes en premier rôle dans des films d’action. On a Luc Besson qui l’a fait avec Nikita, mais j’aurais aussi aimé être Léon plutôt que Mathilda dans Léon

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Sur le tournage, avec Julien Seri, on ne s’est pas posé de question sur le fait que ce soit un personnage féminin. On a fait un film qui, je l’espère, va plaire aux spectateurs. En tout cas, j’ai fait un film que j’aurais voulu voir en tant que spectatrice et que j’aurais aimé voir quand j’étais petite. J’espère qu’il y a des jeunes filles et des jeunes actrices qui vont réussir à s’identifier, à se dire que si j’ai été capable de faire ça, elles pourront l’être aussi. 

« Kill Bill est le revenge movie qui m’a le plus marquée. »

Sabrina Ouazani
Kali

Vous parlez de Julien Seri. Quel genre de réalisateur est-il sur le tournage ? Quel souvenir gardez-vous de son travail ? 

Julien et moi avons eu un rapport assez fort et fusionnel sur le plateau. Je viens d’une école où je ne regarde pas vraiment le combo, car mon réalisateur, c’est mon repère. Je peux compter sur lui et j’ai envie de servir sa vision. Avec Julien, ça a tout de suite marché, dès le moment où il m’a présenté son film. Il a voulu me rencontrer pour que nous en discutions. Nous avons longuement parlé, sans que j’aie lu le scénario. 

Affiche de Kali avec Sabrina Ouazani. ©Amazon Prime Vidéo

C’était magnifique de voir les scènes à travers ses yeux. Il avait l’énergie d’un petit garçon avec des convictions d’adultes. C’est un réalisateur sur qui j’ai pu beaucoup compter. On se retrouve dans un autre pays, avec d’autres codes, avec des gens qui ne parlent pas forcément notre langue. J’ai pu vraiment m’appuyer sur lui. J’ai eu la chance d’avoir un réalisateur que je pouvais appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour lui poser des questions sur Lisa, sur son enfance, son rapport à la famille, son rapport au deuil, son rapport aux autres femmes.

Julien a tellement rêvé de son film pendant des années que c’était merveilleux. Il n’y avait aucune question à laquelle il ne pouvait pas répondre. Il me laissait aussi suggérer des choses pour qu’on puisse créer mon personnage ensemble, et que je puisse y apporter mon sentiment en tant que femme. 

Comment avez-vous façonné le personnage de Lisa émotionnellement, mais aussi physiquement ?

J’avais une base très solide grâce au scénario, avec un personnage qui était bien écrit et rempli de dualité, avec cette complexité humaine. Les traits de caractère du personnage étaient assez bien définis. Ensuite, il y a eu toute la préparation physique, chapeautée par notre coordinateur cascade, Mathieu Lardot, qui interprète aussi mon mari dans le film. 

« J’espère qu’il y a des jeunes filles et des jeunes actrices qui vont réussir à s’identifier, à se dire que si j’ai été capable de faire ça, elles pourront l’être aussi. »

Sabrina Ouazani

Il a été incroyable, il m’a accompagnée dans l’apprentissage de toutes ces disciplines. J’ai dû apprendre à manier les armes de manière très naturelle, très automatique et, en même temps, il a fallu que je travaille mon jujitsu brésilien, des techniques de combat, mon cardio, toute ma condition physique. Jouer un personnage physique, c’est une chose, mais jouer un personnage physique qui est un ancien agent des forces spéciales, c’est assez particulier. On a dû travailler les déplacements, car ce sont des entraînements qu’ont ces agents-là dans la vraie vie.

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C’est encore autre chose, c’est une autre précision, une autre rigueur, une autre discipline, une autre concentration, un autre état d’être. C’est très enrichissant en tant qu’actrice de trouver le personnage de cette manière. En plus, dans les forces spéciales, il y a très peu de femmes. J’étais donc obligée de travailler d’arrache-pied et d’être hyperexigeante. C’est aussi cette exigence-là que j’ai pu demander à mon réalisateur et à mon chef cascadeur. D’autant plus que Julien et Mathieu m’ont laissée faire toutes mes cascades moi-même. J’avais évidemment envie d’être à la hauteur, d’être efficace et de ne pas les décevoir.

Je dois aussi saluer le travail de Mounia Moula, car c’était merveilleux d’avoir une femme dans un monde d’hommes et de voir comment elle évolue. C’était très inspirant ! J’ai adoré travaillé avec l’équipe de Mathieu et de Mounia, ils m’ont tellement apporté et m’ont permis d’avoir un regard bienveillant sur moi-même. Le personnage de Kali ne serait rien sans eux et c’est aussi grâce à eux que je suis celle que vous allez voir sur vos écrans.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste