L’interprète de Rey dans la dernière trilogie Star Wars est de retour dans La Vie rêvée de Miss Fran, un film indépendant américain dans lequel elle incarne une employée de bureau discrète. À l’occasion de sa sortie, le 10 janvier dernier, L’Éclaireur a rencontré Daisy Ridley et la réalisatrice, Rachel Lambert.
Rachel, qu’est-ce qui vous a intéressée en tant que réalisatrice sur ce projet ?
Rachel Lambert : Plusieurs choses m’ont attirée. La première, c’est une histoire qui est centrée sur un personnage féminin très complexe. Fran est une héroïne intéressante dans sa complexité. La thématique principale du film autour de l’inconfort par rapport au reste du monde, bien que l’on veuille en faire désespérément partie, a fortement résonné en moi.
J’ai aussi beaucoup aimé l’aspect technique que le long-métrage demandait. L’aspect visuel était passionnant, car quand je suis arrivée sur le projet, les scénaristes n’avaient pas écrit la partie rêvée. J’ai donc disposé d’une grande liberté sur le tournage de ces scènes, mais aussi en général par rapport au script initial. C’est rare d’avoir une telle liberté.
Daisy, qu’est-ce qui vous a marqué à la lecture du scénario ?
Daisy Ridley : J’ai lu le script à plusieurs reprises et, chaque fois, je me suis fait avoir par la scène durant laquelle Fran demande à Robert s’il aurait préféré ne jamais la rencontrer. Pour moi, c’est l’une des choses les plus tristes que l’on peut dire à quelqu’un. J’ai trouvé cela très touchant, notamment pour une personne qui essaie de se connecter au monde. C’est aussi très courageux de dire cela, car en prononçant cette phrase, elle lui avoue quelque chose qu’elle n’a jamais dit à personne avant.
Il y a des moments très spécifiques qui sont d’une grande humanité dans le film, car ils reflètent tout simplement la volonté de deux êtres de se connecter. Bien qu’elle éprouve beaucoup de mal à sortir de son monde, Fran est accueillie par Robert avec beaucoup de bienveillance et de gentillesse. C’était vraiment très beau à lire.
Vous reconnaissez-vous dans le personnage de Fran ?
R. L. : Vous savez, je suis réalisatrice [rires]. Le cinéma, c’est ma manière de me connecter au monde. C’est grâce à cet art que je trouve ma place dans la société. Le parcours de Fran résonne en moi. Je ne suis pas comme elle, mais sa trajectoire fait écho à ma propre expérience en tant qu’artiste. Je comprends ce qu’elle traverse.
D. R. : Je ne pense pas être comme Fran, car elle est bien plus solitaire que moi, mais c’est intéressant, car je suis plus à l’aise dans mon travail que dans la vie quotidienne. Je suis ce genre de personne qui durant un dîner va vous faire un compliment sur votre tenue, mais lorsque je vais rentrer chez moi, je vais me poser un milliard de questions sur cette interaction. Je vais refaire le film de la discussion en espérant n’avoir vexé personne. C’est quelque chose qui pourrait m’empêcher de dormir. Sur ce point, je suis peut-être comme Fran !
Comment avez-vous travaillé ensemble pour trouver ce personnage ?
D. R. : Rachel et moi avons beaucoup discuté pendant la préparation. Nous avions des conversations sur elle, sur sa personnalité et sur son monde. On discutait de ce qu’elle ferait dans certaines situations. Mais le personnage de Fran a été facile à trouver pour moi, en tant qu’actrice, car à l’origine, dans le script, il y avait une voix off. Cette voix off était très bien écrite, ce qui m’a beaucoup aidée dans ma préparation. Puis, pour des raisons de montage, elle a disparu du rendu final.
À plusieurs reprises, Rachel a aussi laissé la caméra tourner pour saisir des moments de vie naturels, sans qu’on le sache. Les gens vivaient leur vie et, même si j’étais intégrée au reste de la troupe, il y a eu des moments où j’étais naturellement et physiquement à part. Cela a participé à mettre en scène la solitude de Fran et m’a aidée à comprendre l’agonie qu’elle vivait.
C’est un personnage difficile à saisir. Pour autant, en tant que spectateur, on ne veut pas qu’elle soit blessée. Comment avez-vous fait pour ne jamais être dans le jugement vis-à-vis de Fran ?
D. R. : Nous avons beaucoup parlé de la notion de jugement avec Rachel. Lorsque l’on regarde le film, c’est facile de ne pas la juger, car elle représente sa propre personne, avec une personnalité complexe. Dans le film, Rachel a donné de l’espace à chacun des personnages pour que chacun échoue et ne fasse pas forcément toujours les meilleurs choix.
R. L. : Je pense aussi que l’absence de cynisme était vraiment importante dès le moment où nous avons débuté le tournage. Cela a permis de créer une atmosphère humaniste et je suis sûre que la caméra a su le capter !
Qu’avez-vous appris sur le tournage en tant que réalisatrice ?
R. L. : J’ai beaucoup appris auprès de Daisy. J’ai notamment appris à raconter une histoire complexe avec une partenaire incroyable. Ça a sûrement été l’expérience la plus inattendue, mais aussi l’une des plus belles de ma vie artistique.
Daisy, vous avez fait partie de l’une des plus grandes productions hollywoodiennes avec la saga Star Wars. Qu’est-ce qui rend La Vie rêvée de Miss Fran si unique pour vous ?
D. R. : C’est la première fois que j’ai été si impliquée dans un projet cinématographique, du début à la fin. C’était vraiment excitant. J’ai eu l’impression de faire partie d’une grande famille. Rachel savait ce qu’elle voulait. Je me suis abandonnée à sa vision, bien qu’au début de vieux réflexes soient revenus. Au départ, j’avais peur que l’on n’ait pas assez de séquences tournées ou de gros plans, mais ce n’était pas à moi de décider de cela.
Quand j’ai vu le film pour la première fois, j’ai vraiment eu le sentiment de voir le projet que nous avions tourné, contrairement à d’autres films – comme Star Wars – que j’avais faits précédemment. Ici, j’ai appris à faire confiance à une réalisatrice et à lâcher prise.
Difficile de savoir si Fran imagine des fantasmes, des rêves ou bien des cauchemars. Comment avez-vous pensé cet imaginaire qui est le sien ?
R. L. : Ces scènes ont toujours représenté un challenge important pour moi, car j’ai l’habitude d’arriver très préparée sur mes tournages. Ces séquences de rêves m’ont demandé un lâcher-prise important. Ces scènes ont également demandé un investissement conséquent à mes équipes, d’autant plus que l’on a dû s’adapter au fait qu’elles ne pouvaient pas être anticipées.
Pour imaginer ce monde rêvé, j’ai dû faire confiance à mon instinct, au tournage que l’on a débuté tôt le matin, aux discussions avec mes équipes et à Daisy. Par exemple, j’ai imaginé le plan final seulement deux jours avant le tournage. Je suis très fière de cette scène et de l’investissement que toutes ces séquences ont demandé. Finalement, en procédant ainsi, c’est comme si je rentrais instinctivement dans l’imaginaire de Fran ! Il fallait se libérer des contraintes de tournage et autoriser la psychologie du personnage à déterminer ces fantasmes, à nous guider. Cette expérience créative m’a aussi beaucoup appris.
Malgré la relation entre Fran et Robert, le film n’est pas une histoire d’amour, mais davantage un récit d’apprentissage. Êtes-vous d’accord avec cette définition ?
R. L. : Je pense que c’est une bonne définition. Chaque personnage, peu importe son âge, connaît une évolution à travers sa vie. Fran va se libérer grâce à sa rencontre avec Robert. C’est une grande étape pour elle.
D. R. : C’est très juste de voir dans le film un récit d’apprentissage, un coming-of-age movie. C’est presque une comédie romantique, mais le travail émotionnel qu’effectue Fran n’est pas en lien avec les autres. C’est avec elle-même. Elle veut dépasser ses propres obsessions. Même si ce n’est plus une adolescente, comme dans les coming-of-age movies classiques, elle évolue à sa manière, elle grandit ! On ne s’arrête finalement jamais de grandir. Le cinéma permet de grandir aussi !
La Vie rêvée de Miss Fran, de Rachel Lambert, avec Daisy Ridley et Dave Merheje, 1h31, en salles depuis le 10 janvier.