La suite de Spider-Man: Into the Spider-Verse portait de grandes responsabilités. Elle y répond, comme prévu, avec de grands pouvoirs.
À sa sortie en 2018, le petit bijou d’animation que constituait Spider-Man: Into the Spider-Verse (renommé New Generation en France) avait donné un sacré coup de jeune à cette licence qu’on croyait cantonnée à l’univers déjà surchargé du MCU. Des rôles de petits jeunes flanqués de coéquipiers plus puissants ou sujets à des crises d’adolescence, digérant mal le passage à l’âge adulte : une vision bien réductrice d’un des mythes des comics de Marvel. Sony Pictures, en donnant carte blanche à ses auteurs et réalisateurs, allait pourtant donner naissance à un chef-d’œuvre.
S’appuyant sur la puissance créatrice de Sony Pictures Animation, Ara Productions, Lord Miller Productions et Pascal Pictures, le long-métrage brisait le plafond de verre des productions du genre, en réussissant tout à la fois le tour de force de respecter les comics originaux, de leur faire hommage dans son rendu graphique unique, tout en n’oubliant pas d’innover sur le plan technique. Et une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le fait que ce film constitue le début d’une trilogie promettait un crescendo potentiellement jouissif.
En multivers et contre tous
Après que Miles Morales a détruit le fameux Synchrotron à l’origine de l’arrivée de personnages issus d’univers parallèles, non sans avoir, à regret, laissé ses nouveaux amis « Spider » rentrer dans leurs mondes respectifs, on pensait que les choses allaient revenir à la normale. Hélas pour le jeune héros new-yorkais, ses mésaventures interdimensionnelles ne faisaient que commencer !
Avec le retour dans son monde de Spider-Woman/Gwen Stacy, Miles espérait surtout pouvoir se rapprocher à plus d’un titre de la jeune femme. Leur idylle naissante se voit vite interrompue par l’irruption dans cet univers d’une version « Renaissance » du Vautour, au style graphique à couper le souffle.
Première scène d’action du long-métrage, la bataille entre le duo et cet ennemi venu d’un lointain passé expose déjà une grande partie des enjeux et des qualités du programme. Des mélanges de styles artistiques osés, mais jamais ratés, plus transgressifs encore que n’avait pu l’être ceux de sa préquelle, un véritable exploit en soi.
Surtout, la scène marque l’entrée en jeu d’une véritable milice de Spiders alternatifs, voyageant à travers le Spider-Verse pour tenter de préserver le précieux canevas temporel. Là encore, le film précédent fait figure de proposition gentillette face à tant de diversité, presque de complexité. Et c’est clairement une qualité.
Mille et une pattes
À tel point que le plaisir savoureux de (re)découvrir cette multitude d’araignées, du passé, du futur ou complètement loufoques, donnera parfois le tournis tant aux spécialistes des comics qu’au grand public. Un inventaire quasi complet des multiples déclinaisons du mythe de Spidey, au masculin, au féminin, sous forme animale (le génial dino Spider-Rex), et même de bébé. Interventions récurrentes ou caméos d’une seconde rendent l’inventaire presque impossible en un seul visionnage… Préparez-vous à être surpris, à rire, ou encore à voir de lointains souvenirs ravivés.
Tour de force là encore, ce barnum ne fait jamais perdre au long-métrage sa maîtrise. Action, émotion et touches d’humour se disputent les premiers rôles, autour de thématiques fortes et parfois inattendues. L’acceptation de soi et des événements qu’on ne peut contrôler, drames inévitables de la vie, résilience… La liste est aussi longue que celle des qualités purement visuelles et sonores, c’est dire.
Côté réalisation, on retrouve la patte inimitable du film précédent, dans une version boostée aux hormones radioactives. Les animateurs et la direction artistique ont redoublé d’efforts pour nous livrer un spectacle à couper le souffle, de nouveaux effets visuels mêlant 3D, comics « à l’ancienne » et purs moments de grâce esthétique insoupçonnés.
Le dynamisme, les jeux de caméra couplés aux effets « cases » de BD fonctionnent à plein régime pour une réalisation au charme atypique. Le tout se voit soutenu par une bande-son puissante, plus sombre, à l’image de la menace que constitue The Spot, un super-vilain au départ super-pathétique, devenant par la suite super-flippant. Pourtant, la plus grande frayeur qui attend les spectateurs n’est pas celle liée à cet antagoniste capable de voyager entre les dimensions.
Des araignées plus venimeuses
Les liens tissés dans le premier film entre Miles, Gwen et Peter B. Parker en font un trio terriblement attachant, mais vont être mis à mal par l’arrivée de nouveaux Spider. Spider-Man 2099, à la détermination aussi froide que le sang coulant dans ses veines vampiriques, fait presque figure de dictateur du Spider-Verse.
Ayant rallié nombre d’alter ego à sa cause, luttant contre les risques pour le canevas temporel à tout prix, il ne veut rien concéder à son combat, refusant toute forme d’empathie. Sur une note plus légère, Spider Punk assure le show, son attitude contestataire outrancière apportant la fraîcheur nécessaire pour rendre l’atmosphère globale moins pesante.
Pour terminer ce voyage dans le multivers arachnide, on évoquera deux ou trois légers écueils dans cette suite. Si elle peut s’ouvrir à des spectateurs n’ayant pas vu le premier film, elle reste plus dense et moins digeste avec ses nombreux guests pour les non-initiés, sans toutefois que cela ne constitue un frein au plaisir. De même, quelques longueurs émaillent sans doute les quelque 140 minutes du récit, mais permettent aussi de souffler un peu dans cette escalade dramatique frénétique.
Et, sans surprise, l’assurance d’un troisième volet risquait fort de voir ce second se conclure sur un cliffhanger, qui rendra l’attente insupportable. Une impatience qui résonne comme un gage de la réussite absolue de celui qui a su faire de son prédécesseur une sorte de brouillon de luxe. Pris dans la toile de cette suite géniale, on attendra le 29 mars 2024 pour découvrir Spider-Man: Beyond The Spider-Verse, en espérant être encore plus ébahis.