Critique

Black Panther 2 : Wakanda Forever : le deuil façon Marvel

09 novembre 2022
Par Lisa Muratore
Letitia Wright dans “Black Panther 2 : Wakanda Forever”.
Letitia Wright dans “Black Panther 2 : Wakanda Forever”. ©Disney/Marvel Studios

Attendu ce mercredi 9 novembre dans les salles obscures françaises, Black Panther 2 : Wakanda Forever rend fidèlement hommage à Chadwick Boseman, mais tombe dans le piège du blockbuster Marvel.

Chadwick Boseman a enfilé pour la première fois le costume de Black Panther dans Captain America: Civil War (2016), avant de bénéficier de sa propre adaptation en 2018. Après le succès commercial du film réalisé par Ryan Coogler, mais aussi l’impact culturel du long-métrage, les studios Marvel ont rapidement officialisé une suite. Celle-ci a toutefois subi un coup dur après le décès de son acteur principal. Les fans du MCU ont été nombreux à se demander comment les équipes de Kevin Feige allaient bien pouvoir mettre en scène le film sans le comédien. Allaient-elles recaster le personnage ? Ou bien réutiliser des plans et la CGI ? Finalement, aucune de ces options n’a été envisagée et la Maison des idées a préféré se servir de Wakanda Forever pour rendre un dernier hommage à Chadwick Boseman.

Angela Bassett dans Black Panther : Wakanda Forever.©Disney/Marvel Studios

C’est sur cet élément que le film de Ryan Coogler repose. Dès la scène d’ouverture, le postulat de départ est annoncé : le Roi T’Challa se meurt et il est impossible, même pour sa scientifique de sœur (Letitia Wright), de le sauver. La Nation est en deuil et la reine-mère Ramonda (Angela Bassett) doit désormais gouverner le pays. Les premières minutes du blockbuster donnent le ton du film. Tout d’abord, vis-à-vis de son aspect métaphysique.

L’identité de T’Challa se confond avec celle de Chadwick Boseman, ce qui apporte une certaine profondeur au long-métrage. Par ailleurs, le film réussit à ne pas tomber dans le pathos tragique, mais à honorer pudiquement sa mémoire. Cela passe par les honorifiques funérailles wakandaises, mais surtout par une scénographie, des costumes et des mouvements de caméra réfléchis. On sent l’envie de Ryan Coogler d’être, une dernière fois, le plus fidèle possible au personnage des comics, mais aussi à l’acteur.

Le piège du blockbuster Marvel

Un pari qu’il ne tiendra que par instants, cependant, Black Panther : Wakanda Forever basculant rapidement vers ce à quoi il était destiné, c’est-à-dire un blockbuster Marvel. Malgré une scène d’exposition prenante et un caméo surprenant, les faux pas de la photographie vont prendre le dessus sur les intentions de réalisation du cinéaste. Le monde bien trop futuriste du Wakanda empiète alors sur la poésie du film.

On le voit dans le design des vaisseaux grossièrement filmés, les idées de mise en scène sans saveur vis-à-vis de la cité sous-marine de Talokan, ou encore le costume d’Iron Heart, introduite pour la première fois dans le MCU. Si le personnage incarné par Dominique Thorne se veut être l’héritière d’Iron Man, le travail sur son armure ne rend pas justice à son prédécesseur.

Black Panther : Wakanda Forever.©Disney/Marvel Studios

Même chose s’agissant des scènes de combat, étonnamment expédiées. Pourtant, Ryan Coogler a prouvé qu’il savait filmer ce genre de séquences dans le premier chapitre, mais surtout dans Creed I (2015) sur le ring.

Côté scénario, si la disparition de T’Challa est soigneusement dosée vis-à-vis des enjeux qu’elle représente pour son peuple, on ne peut pas en dire autant des problématiques diplomatiques qui sous-tendent Black Panther 2. Comme le premier opus, le film se concentre sur l’ouverture internationale du pays et l’échange de son métal précieux, le vibranium. Si cela est relativement bien expliqué au début du long-métrage, témoignant d’un réalisme inédit pour le MCU, la diplomatie internationale tout comme l’implication de la CIA vont finalement s’étioler à mesure que l’intrigue avance, notamment en raison de l’arrivée d’une nouvelle Nation, celle dirigée par Namor.

Danai Gurira et Letitia Wright dans Black Panther : Wakanda Forever. ©Disney/Marvel Studios

L’entrée en scène de ce nouveau personnage, anti-héros culte des bandes dessinées, vient bouleverser un Wakanda déjà affaibli par la perte de son leader. Néanmoins, ce n’est pas la seule chose qu’il ébranle, ses intentions et son appréhension n’étant pas clairement définies. Black Panther 2 sert davantage d’origin story à Namor et au nouveau Black Panther, plutôt que de suite.

Il en ressort une impression transitoire, qui ne colle pas avec la densité du film en termes de personnages, d’enjeux scénaristiques propres et d’hommage à Chadwick Boseman. Tout se mélange sans que le spectateur ne soit réellement transporté par la précision du scénario. L’histoire souffre par ailleurs de nombreuses longueurs, les modifications scénaristiques entre ce que Black Panther aurait dû être, et ce que Black Panther sera finalement dans le MCU, ayant très certainement causé du tort à l’intrigue finale.

La force de Black Panther 2 ? Son casting

Fort heureusement, Wakanda Forever peut compter sur son casting. On note tout particulièrement la prestation d’Angela Bassett, pleine de force, qui, aux côtés de Danai Gurira (Okoye), de Letitia Wright (Shuri) et de Lupita Nyong’o (Nakia) forme un quatuor aussi convaincant qu’émouvant. Ces quatre personnages sont les dignes héritières de Chadwick Boseman et leur prévalence sur le scénario s’inscrit dans la promesse des studios Marvel de donner plus de place aux héroïnes de comics.

Black Panther : Wakanda Forever. ©Disney/Marvel Studios

Chacune des comédiennes incarne un aspect du regretté acteur et de son personnage, ceci conférant une fois de plus une identité méta au film, tout en abordant la thématique du deuil. On doit aussi souligner la performance du charismatique Tenoch Huerta dans la peau de Namor, digne successeur de Michael B. Jordan (Erik Killmonger). Il arrive à occuper la place qu’est la sienne dans l’intrigue, contrairement à Scarlet Witch (Elizabeth Olsen) dont la direction d’acteur laissait à désirer dans Doctor Strange et le Multivers de la folie (2022), ou encore Gorr (Christian Bale) sous-exploité dans Thor 4: Love & Thunder (2022).

Black Panther 2 : Wakanda Forever s’inscrit dans la longue lignée des blockbusters Marvel qui, malgré les ingrédients dont il dispose, n’arrive pas à les utiliser correctement et concrètement. En dépit de plusieurs éléments prometteurs, émouvants et réfléchis, cette suite peine à convaincre pleinement à cause d’une trop grande densité d’intrigues, d’une mise en scène souvent bancale, ainsi que de certaines facilités scénaristiques.

Difficile de savoir s’il s’agit d’une origin story, d’une suite concrète ou bien d’un long-métrage transitoire permettant aux studios de faire leurs adieux à Chadwick Boseman. Si le film de Ryan Coogler est la proposition cinématographique de la Phase 4 du MCU la plus aboutie grâce à son aspect méta sentimental, cet élément, ainsi que son casting, ne suffisent pas à en faire une œuvre aussi épique et impactante culturellement que le premier chapitre.

Black Panther 2 : Wakanda Forever, de Ryan Coogler avec Letitia Wright, Angela Bassett, Lupita Nyong’o et Tenoch Huerta, 2h47. En salle le 9 novembre 2022.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste