Entre les sombres histoires de famille de Karine Giebel, Claire Favan, Petronille Rostagnat et Kathy Reichs, les drames historiques d’Indridason et Romain Slocombe, l’équipée vengeresse de Craig Johnson, l’horreur selon Alexis Laipsker, la tragédie inversée de Christian Carayon ou encore le multi whodunit de Clare Mackintosh, les polars de poche répondent en mars à toutes nos angoisses…
Glen Affric – Karine Giebel (Harpercollins)
Drame poignant au titre faussement voyageur rappelant une somptueuse vallée des Highlands, le millésime 2021 de Karine Giebel a sans aucun doute été un des meilleurs romans noirs de l’année. Succès à la fois critique et public, Glen Affric a mis tout le monde d’accord en faisant cohabiter dans un feu d’artifice d’émotions le pire et le meilleur de la nature humaine. Une histoire d’injustice, de haine et de cruauté ordinaire où se croisent les destins d’un colosse inoffensif de 16 ans maltraité par la vie et ses congénères, son frère adoptif qu’il imagine vivre au bord d’un paradisiaque Loch écossais et une jeune femme séquestrée et abusée par son oncle.
Une enquête de Walt Longmire : Le Cœur de l’hiver – Craig Johnson (Points)
Archétype de l’écrivain bourlingueur cher à la littérature américaine, Craig Johnson a fait des études très sérieuses et des dizaines de métiers, dont celui de policier à New-York, avant que soit publiée en 2004 la première enquête de Walt Longmire. Fidèle à son héros depuis vingt ans, il fait son retour dans l’actualité littéraire en mars avec la version poche de l’avant dernier tome de la série. Pour Le Cœur de l’hiver, sa seizième enquête, le célèbre shérif du comté d’Absaroka est dans de sales draps. Ne pouvant compter que sur son courage et sa colère, il se lance avec l’énergie du désespoir vers la frontière mexicaine pour libérer sa fille des griffes du dangereux cartel qui l’a kidnappée.
Le Roi et l’horloger – Arnaldur Indridason (Points)
Roman historique publié entre deux épisodes d’une série policière en cours – centrée sur le maussade de Konrad –, Le Roi et l’horloger rompt avec les codes du polar pour mettre en lumière les lois délétères sur la filiation appliquées en Islande par la couronne danoise au XVIIIe siècle. Quittant exceptionnellement Reykjavík pour Copenhague, Arnaldur Indridason s’y intéresse au cas d’un horloger d’origine islandaise engagé pour restaurer une spectaculaire horloge astronomique abandonnée dans les sous-sols du palais royal. Questionné par un souverain au pouvoir vacillant et à la santé mentale défaillante, l’artisan livre la tragique histoire de son père et de sa gouvernante, tous deux exécutés sur ordre de Frederic V, père et prédécesseur du roi dont il vient de se rapprocher. Pour échapper à un châtiment exemplaire, il devra prouver au fragile Christian VII que la sentence royale était injuste…
Hurlements – Alexis Laipsker (Pocket)
Contrairement au poker qu’il affectionne, Alexis Laipsker ne bluffe pas une seconde quand il endosse ses habits d’auteurs de polars. Imparable en matière de suspense, efficace dans la construction de ses intrigues, radical dans sa description de l’horreur, il coche à chaque nouveau roman toutes les cases du thriller dont on a du mal à se remettre. Cinquième opus de son œuvre au noir, Hurlements débute par l’agression presque fatale de la profileuse Olivia Montalvert à son domicile. Avant de quitter les lieux, en la laissant baigner dans son sang, l’agresseur appelle le commissaire Venturi pour lui donner les noms de cinq femmes qu’il se vante d’avoir kidnappé et torturé. Pour sauver celles qui peuvent encore l’être, la chasse au psychopathe doit alors démarrer sans tarder…
La vengeance dans les os – Kathy Reichs (Robert Laffont)
Jamais à court d’idées pour faire briller une héroïne qui lui ressemble tant, Kathy Reichs puise son inspiration dans les innombrables cas pratiques et retours d’expérience que lui offre son métier d’anthropologue judiciaire. Pour la vingt-et-unième enquête de Temperance Brennan, la plus littéraire des expertes en restes humains place cette fois son alter ego de fiction au centre d’un jeu de piste macabre. Histoire de vengeance à coups de meurtres sordides perpétré par un copycat bien informé, La vengeance dans les os réunit Temperance et sa fille dans une enquête qui va vite prendre des allures de casse-tête insoluble.
Comment va la nuit ? – Christian Carayon (J’ai Lu)
Auteur de thrillers d’une noirceur subtile, Christian Carayon privilégie depuis ses débuts les enjeux existentiels des drames humains aux effets tape-à-l’œil des intrigues horrifiques. Pour Comment va la nuit ?, son sixième roman, il rembobine le fil de l’histoire d’un ermite qui a choisi de finir sa vie dans la tristesse et la solitude tout en laissant derrière lui quelques indices sur les racines du mal qui l’a consumé. Sur la base d’une chronologie inversée qui va de l’épilogue au prologue, on assiste alors impuissant à la descente aux enfers d’un homme qui a fait de sa mort une punition purificatrice.
Quand tu ouvriras les yeux – Pétronille Rostagnat (Harpercollins)
Entrée en 2015 dans la galaxie polar après une vie professionnelle et personnelle bien remplie, Pétronille Rostagnat a déjà accroché quelques prestigieuses récompenses à son palmarès. Repérée par un monde audiovisuel en recherche permanente de nouvelles sensations, elle participe actuellement à l’adaptation de deux de ses romans dont Quand tu ouvriras les yeux qui paraît en mars en version poche. Auréolé du prix Iris noir décerné en 2023 à Bruxelles, ce thriller à couper le souffle entre dans l’intimité tumultueuse d’une mère célibataire qui va aider sa fille de 16 ans à cacher le corps de l’homme qu’elle vient de tuer et qui l’aurait agressé. Entre mensonges et non-dits, cet événement tragique entamera l’équilibre déjà précaire d’une famille recomposée que l’autrice excelle à dépeindre.
Qui se souvient de Paula – Romain Slocombe (Points)
Auteur de BD, photographe, illustrateur exposé dans le monde entier et écrivain, Romain Slocombe construit depuis les années 80, en parallèle de ses activités graphiques, une œuvre littéraire principalement orientée vers le roman noir à tendance historique. Après des débuts placés sous l’égide de sa passion pour le Japon, il s’intéresse de près à la traque des juifs par la police française sous l’occupation nazie. Publié en 2008, huit ans avant le premier tome de sa trilogie des collabos mettant en scène l’infâme inspecteur Sadorski, Qui se souvient de Paula est un roman en trois temps qui débute par la lettre d’amour d’une jeune fille qui vient d’échapper à la rafle du Vel d’hiv, se poursuit par le récit de son retour à Paris à la recherche de son père et se conclut cinquante ans plus tard sur internet où toute son histoire est enfin révélée.
Dernière fête – Clare Mackintosh (LGF)
Galloise d’adoption, l’anglaise Clare Mackintosh signe avec Dernière fête un sixième polar plein d’humour et de suspense où sont exposés à travers deux personnages haut en couleurs les rivalités identitaires du royaume de Grande-Bretagne. Après la soirée d’inauguration du luxueux lotissement qu’il vient de terminer, un promoteur gallois détesté par la population locale est retrouvé mort dans un lac voisin marquant la frontière entre l’Angleterre et le Pays de Galles. Sur fond de discorde séculaire entre les deux juridictions britanniques, une enquêtrice du cru, qui a un lien avec à peu près tous les potentiels assassins, et un détective anglais vont devoir mettre leur inimitié de côté pour résoudre une affaire qui ne manque pas de suspects.
De nulle part – Claire Favan (Harpercollins)
Inspirée par une histoire et une culture américaine qui cadre mieux à son imaginaire, Claire Favan a bâti sa réputation d’autrice majeure du thriller français sur des intrigues qu’elle a presque exclusivement situées aux USA. En 2022, quatre ans après son unique incursion dans l’hexagone (Inexorable), elle est de retour du côté de l’Île-de-France avec De nulle part où il est question des destins contraires de deux jumeaux orphelins séparés à la naissance. Alors que l’un n’a appris qu’à survivre entre foyers et familles d’accueil, l’autre a vécu une existence dorée auprès de riches parents adoptifs. Lorsque ce dernier retrouve enfin le frère qui lui a tant manqué, le malheur va rapidement reprendre le dessus. Réfractaire aux happy ends et aux histoires de rédemption facile, Claire Favan reste où qu’elle se trouve dans le noir le plus profond.
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