Alors qu’il avait reçu une Palme d’honneur en 2022, Tom Cruise est de retour au festival de Cannes, qui se tient du 13 mai au 24 mai 2025. Après avoir offert une conclusion explosive à la saga « Mission : Impossible »- en salle ce 21 mai- l’icône hollywoodienne de 62 ans s’apprêterait-elle à entamer un nouveau chapitre de sa spectaculaire carrière ?
Il court, il vole, il saute, il s’agrippe, il plonge. Tom Cruise n’avance plus, il fonce à un rythme frénétique, éreintant. Son corps n’est plus que mouvement, il fusionne avec la mécanique, fend les airs, tombe à pic. La star hollywoodienne aime le cinéma passionnément, le défend fiévreusement, s’y consacre intensément. Son coup de gueule sur le tournage de Mission : Impossible 7 durant la crise du Covid (deux membres de l’équipe n’avaient pas respecté les gestes barrières) résonnait comme une déclaration enflammée à ce grand écran dont il est le roi incontesté, à cette industrie dont il reste l’une des dernières figures légendaires.
Mais peut-il encore jouer… plutôt que performer ? Car Tom Cruise semble avoir choisi de se défiler derrière les explosions et le fracas des moteurs ces dernières années. Au point où l’on en aurait presque oublié que la superstar est aussi capable d’impressionner autrement que par ses cascades spectaculaires et ses millions de recettes. Et pour cause : depuis 2010, l’acteur s’est concentré sur les films d’action (Night and Day, Mission: Impossible- Protocole Fantôme, Jack Reacher et Edge of Tomorrow) et la science-fiction (Oblivion). Après quelques flops (Jack Reacher : Never Go Back et La Momie), l’acteur a prouvé qu’il demeurait encore et toujours le maître du box-office avec les succès stratosphériques de Mission : Impossible – Fallout (2018) et Top Gun : Maverick (2022). Et il fera son baroud d’honneur ce 21 mai avec l’ultime volet de la sage Mission : Impossible The Final Reckoning.
Après avoir incarné l’agent Ethan Hunt pendant près de 30 ans (oui, le premier opus réalisé par Brian De Palma date de 1996), comment appréhender ce vertigineux « après » ? Tom Cruise pourrait-il choisir de se poser et de se réinventer ? Délaisser, ne serait-ce qu’un instant, l’adrénaline et les acrobaties pour renouer avec des rôles plus intimes ? Car s’il prévoit d’être le premier acteur à tourner partiellement dans l’espace, en collaboration avec Doug Liman (Edge of Tomorrow), ce nouveau challenge apparaît bien moins excitant que son futur tournage avec le prodige mexicain Alejandro G. Iñárritu (Birdman, The Revenant), prévue pour le 2 octobre 2026.
Dans ce drame psychologique provisoirement intitulé Judy, Tom Cruise incarnera un homme extrêmement influent qui tente de sauver l’humanité d’une catastrophe qu’il a lui-même déclenchée. A ses côtés, un casting haut de gamme : Sandra Hüller (Anatomie d’une chute), John Goodman, Jesse Plemons, ou encore Emma D’Arcy (House of the Dragon). Ce long-métrage particulièrement alléchant s’annonce d’ores et déjà comme l’un des événements cinématographiques les plus attendus de 2026. Et pourrait même se placer comme un sérieux candidat aux Oscars.
Entre audace et maîtrise
Acteur ultra-puissant, réputé pour son perfectionnisme et son besoin de tout maîtriser- du casting jusqu’au montage- Tom Cruise s’est habitué à gérer chaque micro-détail de ses productions. S’engager à nouveau dans des projets indépendants représenterait pour lui la plus grande prise de risque : celle d’accepter de lâcher prise, de renoncer à ses tendances de control freak absolu au profit d’une forme de vulnérabilité artistique.
Pourtant, il avait fait confiance aux plus grands cinéastes dès le début de sa carrière. Alternant superproductions à grand spectacle et films d’auteurs, l’acteur avait ainsi tenté de casser son image de beau gosse lisse en incarnant dans Né un quatre juillet (1989) d’Oliver Stone un vétéran de la guerre du Vietnam hirsute et en fauteuil roulant. Une performance qui lui aura valu sa première (et unique) nomination à l’Oscar du Meilleur acteur. Par la suite, il avait enfilé la redingote du sulfureux vampire Lestat dans Entretien avec un vampire en 1994, livrant une performance troublante, délicieusement à contre-emploi.
Tom Cruise dans Magnolia (2004)
Dix ans plus tard, on le verra également transcendé en gourou dans le superbe Magnolia (peut-être son meilleur rôle à ce jour) de Paul Thomas Anderson, pour lequel il sera nommé à l’Oscar du Meilleur second rôle. La même année, il se livrera corps et âme dans l’ultime film du génie Stanley Kubrick, le controversé Eyes Wide Shut, aux côtés de son épouse de l’époque, Nicole Kidman. Son dernier rôle véritablement audacieux remonte à Collateral (2004) de Michael Mann, où il jouait un tueur à gages grisonnant, froid et méthodique. Pourquoi Tom Cruise n’a-t-il pas poursuivi sur cette lancée ?
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Le virage « Action man »
Comme le suggère le passionnant documentaire Arte, Tom Cruise Corps et âme, il est probable que l’influence croissante de la star au sein de l’Église de Scientologie ait profondément influencé l’orientation de sa carrière. Son prosélytisme affiché, associés à certains comportements jugés irrationnels -on se rappelle de son débordement d’enthousiasme lunaire sur le canapé d’Oprah Winfrey en 2005- ont contribué à ternir son image. Aux yeux de nombreux professionnels d’Hollywood, le wonder boy serait devenu infréquentable. Certains observateurs estiment même que l’Académie des Oscars aurait sciemment écarté Cruise des distinctions majeures, malgré ses performances saluées.
Tom Cruise au championnat du monde de F1 à Miami en mai 2023
Si depuis, l’acteur a adopté une posture nettement plus réservée concernant sa vie privée et ses convictions, cet épisode semble avoir laissé des traces. Peut-être par prudence, possiblement par ego meurtri, Tom Cruise a progressivement choisi de se retrancher derrière des rôles de héros de films d’action. Un choix stratégique, sans doute, mais surtout confortable : ces personnages taillés sur-mesure lui permettent de conserver son aura tout en se prémunissant des remises en question artistiques ou médiatiques. Hors des turbulences, bien à l’abri dans sa zone de confort, l’étoile Tom Cruise continue à briller intensément. Mais au détriment de rôles plus complexes, plus profonds.
Ainsi, la fin de la saga Mission : Impossible pourrait marquer le début d’une ère de réinvention pour celui qui reste l’une des plus grandes stars de cinéma de tous les temps. A l’instar d’un Brad Pitt qui s’amuse à déconstruire son image de sex-symbol, jusqu’à remporter un Oscar avec Once Upon a Time In Hollywood de Quentin Tarantino, Tom Cruise s’apprête-t-il à réaliser sa plus belle cascade : celle de sa propre mue ? Et nous surprendre là où on ne l’attendait plus ?
