Entretien

Mélissa Da Costa : “Je veux aller là où on ne m’attend pas”

31 juillet 2024
Par Clara Authiat
Mélissa Da Costa : “Je veux aller là où on ne m’attend pas”
©Pascal Ito

L’année a bien commencé pour Mélissa Da Costa, nommée autrice la plus lue en France, détrônant ainsi Guillaume Musso. Elle continue sur cette même et belle lancée avec la publication de deux nouveaux ouvrages : un roman et une bande dessinée. Rencontre avec cette romancière audacieuse, poétique et prolifique.

En 2023, plus de 1,2 million de personnes ont acheté vos livres. Vous êtes l’autrice la plus lue en France. Cela a-t-il impacté votre rapport à l’écriture ?

Avoir un roman sous contrat et en librairies était la réalisation d’une vie. J’ai ensuite pu en publier d’autres et vivre de ma plume. Mais de là à devenir l’autrice la plus lue en France… On ne fantasme pas aussi loin. Cependant, je n’aime pas les cases, ni être contrainte par les attentes de mes lecteurs et lectrices. C’est un peu comme un réflexe enfantin : ”Je fais ce que je veux (rires) ! Je ne veux pas réécrire en boucle ce qui a été un succès commercial. Je veux aller là où on ne m’attend pas. Cette confiance du lectorat me donne des ailes. Je veux qu’ils ouvrent le prochain livre sans savoir où ils vont.

Justement, cet été vous publiez votre huitième roman : Tenir debout chez Albin Michel. À quoi les lecteurs et lectrices peuvent-ils s’attendre ?

De roman en roman, je vais vers davantage de noirceur, notamment dans La doublure (2022). Certains lecteurs ont été perturbés, d’autres ont adoré. Quand j’ai annoncé la sortie de Tenir debout pour le 14 août prochain, avec une couverture plutôt sombre, la première question que l’on m’a posée, c’est : “Est-ce que c’est dans le genre de Tout le bleu du ciel (2019), qui est mon premier roman, ou de La doublure ?” Réponse : aucun des deux !

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C’est encore une autre musicalité dans l’écriture et un autre univers, qui est une sorte de huis clos au sein d’un couple dont je décortique les mécanismes. L’idée de ce livre est née suite à l’écriture de Douleurs fantômes (2022), dans lequel le couple de Tim et Anton est touché par le handicap et la dépendance. J’avais envie de creuser ce sujet.

Une autre actualité estivale vous ramène cinq ans plus tôt : l’adaptation en BD de Tout le bleu du ciel (2019). Quel regard posez-vous sur cette histoire et ses protagonistes des années après les avoir écrits ?

Je dois tout à ce roman : il m’a fait connaître et permis ce succès fulgurant. Je suis toujours agréablement surprise de le voir encore parmi les meilleures ventes. Et en même temps, Tout le bleu du ciel est mon roman de débutante. Aujourd’hui, je vois tous ses défauts. Depuis, j’ai écrit d’autres livres que je juge meilleurs.

Ma plume s’est affinée, je suis allée vers davantage de noirceur et de nuances dans la psychologie de mes personnages. L’œuvre par laquelle on pénètre dans l’univers d’un auteur ou d’une autrice est souvent celle qu’on préfère. Mais cette adaptation en BD m’a permis de le redécouvrir sous un nouveau jour. Carbone, la scénariste, avait une liberté totale pour donner vie à sa vision singulière de l’histoire. Cette fois-ci, le focus est mis sur Joanne, qui, selon elle, est le personnage principal du récit.

La mise en dessin de votre roman correspond-elle à ce que vous aviez pu vous imaginer ?

Je ne suis pas une lectrice de bande dessinée, donc ce fut une surprise totale. Les derniers albums que j’ai dû lire devaient être Astérix et Obélix ou Tintin. On est loin de l’univers de la dessinatrice Juliette Bertaudière, à qui s’est associée la scénariste. Elle a son propre tracé et ses codes couleurs qui reflètent les différentes émotions des personnages. Ça fonctionne très bien ! Une autre adaptation du livre se prépare… en film cette fois-ci, pour TF1.

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Seriez-vous curieuse d’expérimenter de nouveaux formats d’écriture, comme le scénario de film ou de série ?

Jusqu’à présent, j’ai toujours dit non. Lors de l’écriture d’un roman, j’aime avoir le contrôle, jusqu’à la moindre virgule. L’idée de travailler avec une équipe de plusieurs personnes et de composer avec une direction imposée me donnait l’impression d’abandonner mon œuvre… Maintenant que j’ai plusieurs romans publiés, je n’écarte pas la possibilité de m’aventurer sur de nouveaux terrains. La réalisatrice Géraldine Danon travaille sur une adaptation de mon roman Les femmes du bout du monde (2023) pour le cinéma. Elle a fait des partis pris très intéressants : elle a modifié le passé de mon personnage et mis un coup de projecteur sur d’autres aspects de l’intrigue. C’est passionnant et c’est ce qui me fait dire “pourquoi pas” aujourd’hui.  

En cinq ans, vous avez publié huit romans. Avez-vous une routine d’écriture ?

Ça donne l’impression que j’ai un rythme effréné (rires) ! Mais il y a une explication : Tout le bleu du ciel est d’abord paru en auto-édition avant d’être repéré par une maison d’édition en 2019. Cela faisait déjà plus d’un an que je l’avais terminé et durant ce laps de temps, j’ai écrit Les lendemains (2020). Quand je suis en phase d’écriture, que l’inspiration est là, je suis habitée par une espèce d’urgence à écrire, de fièvre, d’obsession presque. J’y passe des journées et des soirées entières.

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À l’inverse, il peut se passer trois ou quatre mois sans que je sois emportée par une idée. Dans ces cas-là, soit je n’écris pas, soit je démarre un roman, je tâtonne. Ça m’est arrivé de travailler plusieurs mois puis d’abandonner un texte. Mais ce n’est pas perdu. Je le laisse dormir quelques années puis je le reprends. C’est ce qui s’est passé pour mon livre qui sortira l’année prochaine. Il y a plus de cinq ans, j’ai développé une idée, sans aller plus loin, mais elle est restée dans un coin de ma tête.

Quel genre de lectrice êtes-vous ?

Je suis très friande de roman noir. Mon autrice préférée est Sandrine Collette. J’adore sa plume poétique et son univers plein de noirceur, qui nous immerge dans les méandres de l’âme humaine. Récemment, j’ai découvert Laure de Rivières avec La belle famille. Mais je me délecte aussi des livres de Franck Thilliez, David Foenkinos, Delphine de Vigan, ainsi que de mes amies autrices Sophie Tal Men et Valérie Perrin. 

Qu’est-ce qu’un bon roman ? Le curseur d’évaluation est-il le même lorsque vous êtes lectrice et autrice ?

Autrice comme lectrice, j’aime quand un roman m’embarque dans un univers que je ne connais pas du tout et qui, au premier abord, ne m’attire pas. C’est un vrai défi ! Pour La doublure, je n’avais aucune connaissance en art et aucun attrait pour la peinture, mais j’avais le personnage de Clara, une peintre torturée, donc il fallait que je me lance… et ça m’a fascinée ! J’ai pu apporter beaucoup plus de contenu et de détails sur l’art, la mythologie et la religion, parce que je me suis laissée happer. Il faut qu’un roman me surprenne et me sorte de ma zone de confort.

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