Critique

Trop semblable à l’éclair de Ada Palmer : des nouvelles du futur

19 novembre 2019
Par Lucas
Trop semblable à l'éclair de Ada Palmer : des nouvelles du futur

Pour son premier roman, l’historienne américaine, Ada Palmer, n’a pas fait dans la demi-mesure. Tome inaugural d’une série plus que prometteuse, Trop semblable à l’éclair s’installe d’emblée dans la cour des meilleures sagas SF en combinant avec une insolente précision, profondeur prospective et audace narrative.

Trop-semblable-a-l-eclairCoup de maître

Jeune romancière américaine de 36 ans, Ada Palmer enseigne l’histoire à l’université de Chicago. Spécialiste de la Renaissance, elle consacre ses premiers écrits à sa période de prédilection avant de se lancer dans la conception d’un roman ambitieux où se mêleraient littérature, rigueur historique, érudition et imagination pour mieux parler du monde de demain, voire d’après-demain. Premier tome d’une tétralogie baptisée Terra Ignota, Trop semblable à l’éclair paraît donc en 2016 aux USA où il reçoit immédiatement un accueil plus que favorable de la part de la critique et du public. Grâce à ce roman d’une impressionnante maturité, Ada Palmer a été sacrée meilleur nouvel écrivain de SF lors du Worldcon 2017, après avoir été une sérieuse prétendante au prestigieux Prix Hugo.

Utopie pour tous

À contre-courant des dystopies qui poussent depuis quelques temps comme des champignons de mauvais augure dans la SF contemporaine, Trop semblable à l’éclair est un roman-monde qui s’inscrit dans la lignée de ceux qu’ont pu produire des géants du genre comme Frank Herbert, Jack Vance ou encore Dan Simmons avec Le cycle d’Hypérion.

Fresque foisonnante fondée sur une utopie, l’intrigue démarre au XXVe siècle sur une terre apaisée, définitivement libérée des fanatismes religieux et nationalistes qui ont conduit au massacre de millions de gens trois siècles auparavant. Dans cette société du bonheur, ouverte et universelle, sans frontières ni pays, l’organisation sociale se fait autour de sept ruches thématiques que chaque individu de la planète rejoint selon ses affinités philosophiques, spirituelles, culturelles ou politiques. Pourtant, face aux démons endémiques qui tiraillent la nature humaine depuis la nuit des temps, l’équilibre entre les ruches reste fragile. Le vol d’un document confidentiel et la découverte d’un adolescent doté de pouvoirs surnaturels vont mettre sérieusement en péril les fondations de ce monde dont la perfection ne tient finalement qu’à un fil.

Des idées et de l’audace

En faisant le choix de concrétiser une utopie, Ada Palmer nous raconte un monde totalement étranger qui nous ressemble pourtant furieusement. Précise et cohérente, elle part d’un postulat totalement inattendu et, encore une fois, à rebours des idées d’aujourd’hui en faisant de la voiture volante l’élément fondateur de la révolution pacifique que connaissent les humains après avoir vécu l’horreur des guerres de religions…

En reprenant à son compte l’un des totems de la SF du XXe siècle, elle y développe l’idée, pas si iconoclaste que ça, que les notions de frontière et de territoire volent en éclat dès lors que tous les transports s’effectuent avec ces véhicules ultra-rapides qui raccourcissent considérablement les distances. Mais, au cœur de cette reconstitution minutieuse d’un avenir potentiellement radieux, le drame couve. C’est donc par sa double intrigue, le vol d’une liste confidentielle de personnages influents et la découverte d’un enfant aux super-pouvoirs, qu’elle parvient à mettre habilement à l’épreuve les deux piliers sur lesquels repose l’équilibre de sa société idyllique : le contrôle des transports et celui de la spiritualité. À l’image de son héros, ex-criminel devenu enquêteur malgré lui, chaque personnage peuplant cette fresque futuriste d’une rare densité cultive cette part d’ambiguïté qui fait le sel des grandes œuvres. Maîtrisant parfaitement son sujet dans la forme comme dans le fond, Ada Palmer s’autorise même avec bonheur une étonnante rupture narrative en cours de récit, en créant un échange direct entre son héros et le lecteur. Premier acte époustouflant d’une saga SF de gros calibre, Trop semblable à l’éclair est un roman-univers dont on se languit déjà de connaître une suite et qui pourrait devenir très vite un classique du genre.

Parution le 24 octobre 2019 – 600 pages

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