Célèbre pour son inépuisable saga fantasy, L’Épée de vérité, Terry Goodkind revient cette fois sur le plancher des vaches pour un thriller contemporain truffé d’action, de violence et de réflexions très personnelles sur l’état actuel du monde. Parfois déroutant dans ses intentions, ce roman, qui n’en reste pas moins efficace, est sans doute le prologue d’une nouvelle série au long cours.
Reconnaissance faciale
Alors que son frère attardé vient d’être sauvagement assassiné, Kate Bishop, une spécialiste de la sécurité industrielle, découvre qu’elle est dotée comme lui du pouvoir de démasquer les tueurs au premier regard… À partir de cette entrée en matière plutôt prometteuse, Terry Goodkind oriente Les Sanctuaires du mal vers le terrain balisé d’un efficace « survival » en milieu urbain dès l’instant où son héroïne comprend avec effroi que tous les super-méchants complotant à l’abri du Darknet ont mis sa tête à prix. Se délestant de sa part de mystère, l’intrigue prend alors une tournure plus musclée faisant mécaniquement perdre un peu de sa consistance à l’angoisse inaugurale. D’autant qu’un homme étrangement séduisant va lui faire de troublantes révélations sur les réels enjeux de son pouvoir et devenir en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire un mentor qui va lui enseigner l’art du combat rapproché. Après quelques jours d’entraînement intensif sur les moquettes des chambres d’hôtel qu’ils occupent pour fuir leurs assaillants, Kate, devenue entre temps une vraie ninja spécialiste du tranchage de carotide, comprend que son avenir est maintenant celui d’une super-héroïne pourchassant sans relâche tous les super-prédateurs qui composent une tentaculaire communauté de tueurs en série. Comme dirait oncle Ben à Peter Parker : « À grand pouvoir, grandes responsabilités… ».
Violence génétique
Un soupçon d’Hostel pour l’aspect confrérie du mal, une larme de 8mm pour le voyeurisme criminel et les idées des deux Charles comme solution magique, Bronson pour son sens de la justice en ville et Pasqua pour son fameux mantra « il faut terroriser les terroristes »… Références certainement innocentes… Au-delà de la réussite formelle d’un roman de genre honnêtement exécuté, nous voilà avec un Terry Goodkind très agité par la mauvaise passe que traverse le monde. Il saisit avec ce thriller l’occasion de s’offrir une lecture très personnelle des maux d’une société qui l’aurait bien cherché. Il y explique notamment que la violence humaine serait un héritage génétique venu de la nuit des temps, quand l’homo sapiens en passe de disparaître n’aurait dû sa survie qu’à l’exceptionnel instinct de prédation des plus méchants de la tribu. En d’autres termes, nous serions toutes et tous les enfants d’une poignée de tueurs sanguinaires taillés pour survivre. Les frustrations rencontrées dans notre vie sociale n’ayant alors rien à voir dans notre capacité à faire le mal autour de nous…
Thriller libertarien
Dans ce fantasme nihiliste où chaque homme, mauvais par nature, ne penserait qu’à dévorer son voisin, la survie et la défense de son clan devient de fait une affaire exclusivement personnelle. Avec la loi du talion en bandoulière, Goodkind avance son crédo libertarien fustigeant logiquement l’État et les règles sociales qu’il juge incapables de nous protéger du mal. À moins que l’on s’en remette aux anges exterminateurs, ces tueurs comme Kate Bishop validés par le bon dieu, pour faire le ménage dans les rues de nos villes en voie de décomposition. Finalement, qu’on soit loup – tous les tueurs et les malfaisants – agneau – toutes les victimes, ces prédateurs honteux de race inférieure – ou gardien – les tueurs de tueurs – nous serions tous des démons plus ou moins dangereux… Voilà au moins une bonne nouvelle !
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Aller + loin : un nouveau cycle pour Terry Goodkind
Parution le 28 juin 2017 – 480 pages
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