Entretien

Gryfox : “L’aspect communautaire du stream est une véritable richesse”

15 mai 2022
Par Alexandre Manceau
Le jeune homme de 25 ans reconnaît à quel point la fonction de streameur est paradoxale, entre solitude et contact permanent avec l'audience.
Le jeune homme de 25 ans reconnaît à quel point la fonction de streameur est paradoxale, entre solitude et contact permanent avec l'audience. ©GryfoxGaming

La charge de travail, les aspects positifs et négatifs… GryfoxGaming se confie sur sa vie de streameur.

C’est un mot qui a fait son chemin dans les conversations et reportages, au point de devenir banal. Avec l’explosion des réseaux sociaux, tout le monde (ou presque) a entendu parler des streameurs, qui s’évertuent à diffuser des vidéos ou des lives derrière leur ordinateur. Un métier qui a littéralement explosé avec le succès grandissant du jeu vidéo.

Après un bac scientifique, une prépa maths-physique, un double diplôme d’ingénieur et un master de finance (qu’il compte bien terminer dans un avenir proche), Valentin, 25 ans, s’est lancé dans le streaming sous le nom de GryfoxGaming. Sa vision du stream, son quotidien, son amour pour Dofus… Il nous dit tout.

Comment est venue cette envie de se lancer sur Twitch ?

Je me suis engagé dans le streaming pour plusieurs raisons, la première étant le Covid. Les gens étaient confinés et il y avait un certain nombre de facteurs qui s’alignaient bien pour que je me lance à fond dedans. Je me suis également dit que, si je ne tentais pas ma chance, je le regretterais toute ma vie. Je m’étais déjà lancé dans le streaming un peu avant le confinement, mais, à la base, c’était une activité annexe. J’étais un joueur très investi sur Dofus, mais je n’avais jamais eu l’idée de faire des vidéos. Au fil du temps, c’est l’audience qui m’a petit à petit poussé à développer mon activité. Je pense que la meilleure façon d’arriver à ce statut de créateur est d’avoir un jeu qui nous plaît et des personnes qui demandent du contenu sur ce titre.

Comment définiriez-vous le métier de streameur en 30 secondes ?

J’utiliserais les mots « solitude » et « persévérance ». C’est un métier très paradoxal : on est à la fois dans une connexion permanente par les réseaux et les plateformes, mais on est aussi tout seul chez soi derrière son ordinateur. C’est une façon assez atypique d’interagir avec son public. Il faut également beaucoup de persévérance. Avant de se lancer, on se dit qu’on va juste faire des vidéos pour partager ses parties. En fait, il faut faire plein de métiers en un seul : savoir gérer sa progression sur le jeu, mais aussi la partie technique, à savoir l’audio, la vidéo, le montage ou encore l’administratif. Il y a un faisceau de compétences à maîtriser, ce qui rend finalement les journées assez courtes.

Combien d’heures consacrez-vous au stream par semaine ?

Je dirais qu’on est pas loin de la centaine d’heures. Il faut rappeler que c’est une activité d’autoentrepreneur et, lorsque l’on vient tout juste de se lancer, il faut mettre les bouchées doubles pour acquérir une audience et la fidéliser. C’est simple, je n’ai jamais autant travaillé que depuis que je me suis lancé dans le stream. Il y a tout le travail que l’on prévoit aussi à côté et que les gens ne voient pas forcément. Je ne suis pas du style à me lancer dans des lives improvisés, mais plutôt dans des projets de longue haleine que je planifie sur des semaines, des mois, voire des années pour certains. Il arrive que je ne donne pas signe de vie pendant plusieurs jours, mais c’est parce que je bosse à fond sur différents projets.

À quoi ressemble votre journée type ?

Il n’y a pas de contraintes d’horaires, puisque l’on est à son compte, et sociales, puisque l’on vit assez isolé, finalement. Je pense toutefois qu’il faut être assez coordonné et rigoureux sur son mode et son hygiène de vie, pour ne pas se laisser glisser vers quelque chose de déstructuré. Dans mon cas, je me lève à 9 heures et je gère la routine in-game, tout ce que je dois faire pour être à jour sur mes streams et vidéos à venir. L’après-midi, je fais mes vidéos, mes montages, mes miniatures : je produis des contenus par rapport à ce que je tourne en off ou en reprenant des séquences que j’ai tournées préalablement. Un peu de sport en fin d’après-midi pour garder une bonne hygiène, pour la santé, l’équilibre psychologique et les interactions sociales. Puis le soir, stream jusqu’à minuit et demi, avant d’aller me coucher vers 1 heure. Ça me fait des journées bien remplies !

©GryfoxGaming

Mis à part les vidéos et les streams, est-ce qu’il vous arrive de vous entraîner sur des jeux ? Combien d’heures y consacrez-vous ?

Je streame uniquement sur le jeu Dofus. J’ai un profil assez mathématique et Dofus est un jeu qui se rapproche des échecs au final, notamment dans la partie du gameplay PvP, qui est très calculatoire et stratégique. De plus, il y a de l’économie à large échelle, et cette partie financière me rappelle également mon parcours. C’est vraiment ce jeu qui m’a donné envie de m’investir dans le stream : je ne me considère pas comme un streamer qui fait du Dofus, mais comme un joueur de Dofus qui streame.

J’ai exploré d’autres titres tels que League of Legends (dont l’univers cartonne sur Netflix) ou StarCraft, mais tous deux m’ont vite désintéressé pour différentes raisons. Dofus est à ma connaissance celui qui permet d’avoir quelque chose de très construit et de très agréable, dans la mesure où l’on est uniquement limité par notre capacité de conception du jeu, et pas par des éléments mécaniques ou conceptuels.

« Je sens une dynamique se relancer avec différents projets autour de Dofus. »

GryfoxGaming

Peut-on donc dire que Dofus reste un jeu toujours aussi populaire malgré les années et la concurrence ?

Je ne dirais pas populaire, car c’est un jeu assez vieux qui a plus de 15 ans. Il vieillit, sa communauté aussi, et c’est un titre très lent dans sa façon de jouer, ce qui est peut-être moins attrayant pour les plus jeunes aujourd’hui. Toutefois, la communauté Dofus y est très attachée et perdure dans le temps. C’est un petit jeu dans son coin, français qui plus est, qui compte sur une communauté solide et je sens une dynamique se relancer avec différents projets autour de lui. J’espère le voir rentrer à nouveau dans une phase d’expansion.

Quel est votre meilleur souvenir en tant que streameur ?

Je dirais que c’est la réalisation d’items en forge/magie. Un système dans le jeu permet de modifier les objets de nos personnages et leurs effets pour les rendre encore plus puissants. C’est un processus très mathématique, et même probabiliste dans sa conception. Cela demande beaucoup d’heures et, lorsqu’on en vient à bout, il y a un énorme sentiment de satisfaction. Quand ça arrive en stream, c’est décuplé. Les gens se sentent associés et partagent notre satisfaction.

©GryfoxGaming

Quel est l’aspect le plus positif du métier de streameur ? A contrario, quelle est la partie la plus négative ?

Pour ce qui est du positif, j’aurais du mal à n’en garder qu’un. Ça nous permet de continuer à jouer à un jeu qui nous plaît, sans que ce soit intégralement du plaisir. On concilie à la fois le plaisir et la conscience professionnelle. Deuxième aspect : le côté communautaire, qui permet d’interagir régulièrement avec une audience, et je considère cela comme une vraie richesse. Le côté négatif, c’est sans doute le fait d’être exposé continuellement. Notamment dans le monde du jeu vidéo, qui est souvent sujet à des critiques et de l’agressivité. Je vois par exemple une grande différence entre les formats de forge/magie, où l’ambiance est plus cordiale car on affronte l’ordinateur, mais dès que l’on commence à jouer contre une personne, il y a des questions d’ego et les choses peuvent vite déraper.

« J’ai l’impression que la censure sur Twitch prend des proportions assez dingues. »

GryfoxGaming

Twitch a connu de nombreuses polémiques ces derniers mois. Avez-vous constaté les dérives de cette plateforme et avez-vous déjà été témoin d’actes ou commentaires polémiques ?

Je pense avoir un parcours assez atypique à ce niveau-là. Je recevais beaucoup d’agressivité avant de faire du stream, car j’étais déjà connu dans le jeu et on me percevait comme quelqu’un de très ambitieux. À l’inverse, plus j’ai été exposé et plus les gens ont appris à me connaître. J’ai de plus en plus de messages d’encouragement et d’adhésion. Je n’ai pas spécialement constaté de dérives particulières, mais je suis très inquiet de la censure. J’ai l’impression qu’elle prend des proportions assez dingues et c’est un problème plus grave que d’autres dérives.

Vous avez actuellement plus de 8 000 followers sur Twitch. Vous vous êtes fixé un objectif de followers ou de vues pour 2022 ?

Étant donné que je suis aussi YouTubeur, j’accorde plus d’importance à cette chaîne qui compte 20 000 abonnées. Que ce soit sur Twitch (qui pourrait faire face à la concurrence de TikTok, ndlr) ou YouTube, j’estime que les abonnés viennent quand la qualité et le contenu sont là, et que c’est plus une conséquence de ce que je fais. Si je devais avoir des objectifs de croissance, ce serait donc en termes de contenu, de régularité et d’avancement sur mes projets, et c’est tout cela qui va amener une augmentation du nombre d’abonnés.

À lire aussi

À lire aussi

Article rédigé par
Alexandre Manceau
Alexandre Manceau
Journaliste
Pour aller plus loin