Entretien

Shao Dow (Japan Expo) : “Quand j’étais jeune, le fait d’aimer les anime ou Pokémon faisait de nous des weirdos”

25 juillet 2023
Par Agathe Renac
Shao Dow est un artiste britannique.
Shao Dow est un artiste britannique. ©Shao Dow

Rappeur, mangaka et ancien candidat de Ninja Warrior, Shao Dow a notamment collaboré avec le jeu Fortnite et l’artiste Tech N9ne. Invité pour la première fois à la Japan Expo, il nous a accordé une interview entre deux performances.

Guest d’exception de la dernière édition de la Japan Expo, Shao Dow est notre révélation de l’année. Son inspiration première ? Les anime et les jeux vidéo. Il en parle d’ailleurs dans ses morceaux, qui sont en langue anglaise et japonaise. Artiste britannique dynamique et inspirant, il nous a fait entrer dans son monde le temps d’une interview.

Vous êtes rappeur, auteur de manga, mais aussi ninja à vos heures perdues… Vous ne vous arrêtez donc jamais de travailler ?

Oui. J’aime tout ce que je fais, donc je ne vois pas vraiment ces activités comme du travail. J’ai la sensation que ma vie est un anime et que j’en suis le personnage principal. Chaque jour est une aventure !

Parmi toutes ces activités, laquelle préférez-vous pratiquer ?

Je dirais la musique, parce que c’est là que tout a commencé. Ceux qui lisent mes mangas ou qui suivent mes performances me connaissent grâce à mes morceaux. Ma musique est le début de tout, c’est là où est mon cœur et c’est grâce à elle que je peux partager ce que je ressens à mes fans. J’adore être sur scène et échanger avec le public.

Avez-vous toujours rêvé de cette vie, ou en aviez-vous imaginé une tout à fait différente lorsque vous étiez enfant ?

Quand j’étais jeune, je voulais être un combattant. Je voulais parcourir le monde pour me battre. J’avais vu beaucoup de films de kung-fu et d’anime, donc mes idoles étaient des personnages comme Goku (Dragon Ball Z) ou Ryu (Street Fighter). Je suis même allé en Chine pour apprendre les arts martiaux ! Mais j’ai vite réalisé que je ne pourrais pas vivre de ces affrontements spectaculaires.

Quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne pensais pas que ça deviendrait mon métier. Je suis très heureux d’être là où j’en suis aujourd’hui. Je pense que si le jeune Shao Dow voyait ce que je suis devenu, il serait fier de moi. Mais j’ai de l’ambition, et je veux aller encore plus loin dans la réussite. Peut-être que dans quelques années, dans une autre interview, je dirai : “le Shao Dow de 2023 serait fier de moi”.

Justement, la force d’esprit propre au kung-fu vous a-t-elle aidé dans votre carrière artistique ?

Clairement. Pour moi, tout est une question de détermination et de dévouement. Je travaille dur et je me donne à fond. Aujourd’hui, nous vivons dans une société où tout est basé sur ce qu’on possède et l’image que l’on renvoie, plutôt que sur le talent et les efforts que nous fournissons.

©Japan Expo

L’apprentissage des arts martiaux m’a permis de savoir ce qui était vraiment important dans ma vie, de me focaliser sur mes objectifs et de rester authentique. J’essaye de rester fidèle à moi-même. Dans plusieurs années, j’ai envie de réécouter mes morceaux pour la vingtième fois et me dire que c’est toujours aussi bon.

Vous avez notamment composé la musique du jeu Fortnite et collaboré avec le rappeur américain Tech N9ne. Quelle expérience était la plus folle ?

Le simple fait de travailler avec des personnes que j’admire est une expérience de fou. Tech N9ne est l’un de mes rappeurs préférés, et j’ai aussi bossé avec la voix américaine de Goku. Quand ils m’ont dit qu’ils voulaient collaborer avec moi, je n’y croyais pas. Ils m’ont tous les deux inspiré à différents moments de ma vie.

Concernant Fortnite, c’est tout aussi génial de me dire que ma voix est dans un jeu mondialement connu. Certaines personnes ne savent pas qui je suis, mais ils m’entendent tous les jours, quand ils jouent. C’est trop cool. Ça me donne un petit aperçu de toutes les opportunités potentielles qui m’attendent dans le futur.

Laquelle de toutes ces expériences vous rend le plus fier ?

Ce qui me rend le plus fier, c’est de me dire que j’ai créé des morceaux qui inspirent et qui rendent heureux ceux qui les écoutent. J’ai reçu des messages de fans qui me remerciaient pour mon travail, en m’expliquant que ma musique les avait aidés durant des périodes difficiles de leur vie. C’est la plus belle chose qu’on pouvait me dire.

Qu’est-ce qui nourrit vos créations ? Vos inspirations sont-elles musicales, littéraires, audiovisuelles ?

J’adore voyager et m’imprégner des différentes cultures, mais aussi regarder des animes. J’essaye de retranscrire dans ma musique ces expériences et ce qu’elles me font ressentir. De manière générale, je suis inspiré par la vie. Je veux raconter mon expérience de différentes manières, et mes sons me le permettent. Je m’éclate, et je suis l’un des seuls rappeurs à chanter en anglais et en japonais.

La pop culture est devenue un véritable phénomène en France. Quel regard portez-vous sur cette tendance ?

Je suis dans une période rêvée pour exercer mon métier. Quand j’étais jeune, le fait d’aimer les anime ou Pokémon faisait de nous des weirdos, des bizarres. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes deviennent des adeptes. J’ai l’impression que la France a cinq ans d’avance sur le Royaume-Uni à ce niveau-là, et je pense que ce phénomène autour de la pop ne va pas s’arrêter de grandir.

Je ne parle pas d’anime dans mes sons parce que c’est populaire, ou pour me faire de l’argent. Je le fais parce que je suis passionné. J’ai d’ailleurs appris le japonais pour pouvoir échanger avec les créateurs nippons et mieux comprendre leur culture.

Les États-Unis ont eu le monopole de la musique, des films et des arts pendant trop longtemps. C’est chouette de voir des identités, des histoires et des voix différentes. J’aime me dire que de nouvelles idées émergent de ces différents pays et cultures. Je suis heureux et fier de faire partie de cet univers.

Certains fans de la première heure disent que ce mouvement autour de la pop culture est “hypocrite”, car ceux qui se moquaient des animes et des jeux vidéo quand ils étaient plus jeunes sont devenus des adeptes depuis que c’est à la mode. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas d’accord. Je pense qu’il s’agit de générations différentes. Celle à laquelle j’appartiens se faisait moquer quand elle disait aimer Pokémon ou les mangas. Mais l’affirmation de nos goûts et de nos attraits pour cette culture permet aux jeunes d’aujourd’hui de dévorer ce genre de contenu sans se prendre des réflexions. Ils ont le “droit” d’en profiter, et ils se fichent du regard des autres.

« C’est génial de pouvoir échanger avec des personnes qui sont déjà convaincues par le talent des mangakas et la beauté des animes »

Shao Dow
Rappeur, mangaka, ninja

Je ne veux pas perdre mon temps à penser à ceux qui pouvaient nous harceler. Je préfère dépenser mon énergie de manière plus intelligente, en me consacrant aux personnes et aux activités que j’aime. Je voyage à travers le monde, je vis de ma passion et ça me rend très heureux. Aujourd’hui, je suis à la Japan Expo, et c’est génial de pouvoir échanger avec des personnes qui sont déjà convaincues par le talent des mangakas et la beauté des animes.

Justement, quel est votre rapport avec votre public français ?

C’est la deuxième fois que je viens jouer en France. La première, c’était il y a dix ans à Lyon. J’avais adoré ce moment. Je veux revenir ici, encore et encore. Vous êtes très réceptifs à ma musique. En plus, la scène artistique française est géniale. Vous avez de super rappeurs, comme Maitre Gims ou Stromae (même si je sais qu’il est Belge), et vous êtes le deuxième pays le plus consommateur de mangas au monde ! C’est incroyable.

C’est aussi un territoire très proche de chez moi – je vis au Royaume-Uni. Je suis triste, car des personnes stupides ont décidé que nous devions quitter l’Europe, mais je m’installerai peut-être en France dans quelques années. Je me sens plus proche de votre mentalité, et j’ai l’impression qu’il y a plus d’opportunités ici. J’aimerais explorer votre pays, mais aussi l’Espagne, l’Allemagne, et toute l’Europe. J’espère que je reviendrai très vite ici.

Après avoir participé à Ninja Warrior, rappé et écrit des mangas, quelle est la prochaine étape ?

Mon tout nouveau son sort aujourd’hui. Je me suis inspiré de Spider-Punk, présent dans Spider-Man : Across the Spider-Verse, pour l’écrire. Ensuite, un nouveau tome de mon manga paraîtra dans quelques mois. Je vais aussi jouer à Londres, puis aux États-Unis pour un show énorme, et peut-être au Japon l’année prochaine pour une tournée. Finalement, la prochaine étape, c’est de continuer ce que je fais aujourd’hui, mais de manière encore plus importante. The future is just bigger !

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste