Dans La maison vide, couronné du Goncourt, Laurent Mauvignier poursuit une plume qui creuse la mémoire autant qu’elle écoute les silences. Une langue patiente, tendue vers l’émotion juste et qui fait de l’infime un territoire romanesque.
Ce 5 novembre, Laurent Mauvignier a remporté le prix Goncourt pour La maison vide. Paru le 28 août aux éditions de Minuit, ce roman familial interroge la mémoire et les cicatrices laissées par les non-dits.
L’auteur, originaire de Tours et âgé de 58 ans, obtient ainsi une consécration attendue, lui dont l’écriture construit, depuis bientôt 20 ans, une œuvre singulière, discrète et respectée dans le paysage littéraire contemporain. Il compte aujourd’hui dix romans à son actif, tous salués par la critique.
Une langue façonnée par le rythme
Dès ses premiers livres, Mauvignier a imposé une syntaxe étirée, attentive aux vibrations du langage plus qu’aux effets narratifs. Il revendiquait déjà cette esthétique dans une interview donnée au Monde en 2006 : « Pour moi, le souci est d’abord celui du rythme, pas de l’incarnation. » L’auteur y expliquait chercher des « contrastes sonores et des rythmes » pour façonner des voix mouvantes.
Depuis, sa plume s’est construite contre la vitesse. À propos de Histoires de la nuit, publié en 2020 aux éditions de Minuit, Le Monde saluait « un thriller sans action (ou si peu) au suspense purement littéraire », où de la tension naissait l’élongation du temps et de l’incise qui retient le souffle.
Cette approche s’est accompagnée d’une attention aux nuances affectives. En 2021, Zone Critique proposait une définition à son propre style : « Une sensibilité au langage, à dire l’indicible et les silences, les nombreuses circonlocutions à répétition ne serait-ce que pour effleurer le mot qui décrirait le plus véridiquement possible un sentiment ou une émotion ressentie par l’un des personnages. » La phrase « mauvignienne » ne tranche jamais : elle avance par retours, hésitations et reprises.
Une évolution dans la continuité
Avec La maison vide, cette poétique semble avoir atteint une nouvelle intensité. Télérama parle d’ « une langue ample et saccadée, secouée par les courants contraires des doutes et des certitudes ». La chroniqueuse Tiphaine Samoyault dans Le Monde souligne de son côté une écriture « dense et intime, refusant l’omnipotence narrative, pour exprimer un besoin de donner chair aux absents ». Dans ce dernier ouvrage, on retrouve le souffle, mais plus sculpté encore, tourné vers l’exploration de la filiation et des traces laissées par les disparus.
À travers deux décennies de livres, il aura ainsi forgé un style qui refuse l’éclat facile pour privilégier la persistance des émotions. Une littérature où la phrase, patiente, devient l’espace d’une vérité intime que seule la fiction peut accueillir.