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Des vivants : la délicate reconstruction des “potages” du Bataclan vue par la critique

27 octobre 2025
Par Agathe Renac
“Des vivants”, le 27 octobre 2025 sur france.tv et le 3 novembre 2025 sur France 2.
“Des vivants”, le 27 octobre 2025 sur france.tv et le 3 novembre 2025 sur France 2. ©France Télévisions

Près de dix ans après le 13 novembre, Jean-Xavier de Lestrade signe une fiction sur sept otages du Bataclan. La série, qui retrace leur reconstruction, divise sur la forme, mais émeut les spécialistes par sa dignité.

Tous les Français se souviennent précisément de ce 13 novembre 2015. Du programme de leur soirée, et de leur réaction après l’annonce du drame. Il y a près de dix ans, une série d’attaques djihadistes frappait la région parisienne, faisant 131 morts, 413 blessés et des milliers de victimes. Au Bataclan, où 90 personnes ont perdu la vie, ceux venus assister au concert des Eagles of Death Metal ont vécu l’horreur absolue.

Parmi eux, 11 otages, retenus plus de deux heures dans un couloir étroit au niveau du balcon, confrontés à l’idée de la mort, jusqu’à l’assaut final de la police. C’est à ces survivants que s’intéresse le réalisateur oscarisé Jean-Xavier de Lestrade (Un coupable idéal, Sambre) avec Des vivants, une fiction en huit épisodes, disponible sur france.tv ce 27 octobre et attendue sur France 2 le 3 novembre.

Quelle est l’histoire des Vivants ?

La série, coécrite avec Antoine Lacomblez (Jeux d’influence), retrace le destin de sept de ces survivants sur près de huit ans. Ces fans de rock d’horizons différents – Marie et son époux Arnaud, Sébastien, Caroline, Gregory, David et Stéphane – ont rapidement ressenti le besoin de se retrouver pour parler, mais surtout s’entraider face à ce traumatisme. Interrogé par Télérama, Sébastien confie qu’ils sont devenus « de vrais amis, avec ce lien à part des rescapés ». Ils se sont eux-mêmes baptisés les « potages », néologisme fusionnant « potes » et « otages ».

Des vivants©France Télévisions

Souhaitant être au plus proche du réel, Jean-Xavier de Lestrade a longuement recueilli les témoignages de ces « potages », ainsi que ceux de leurs conjoints, d’une psychologue de la police et du patron de la BRI. « Très vite, ils se sont sentis seuls, même s’ils pouvaient raconter les choses, à leur famille ou à leurs proches, confie le réalisateur au micro de France Info. Seuls parce qu’ils se sentaient presque rejetés. On les écoute et au bout d’un moment on leur dit qu’il faut passer à autre chose. » Bien que racontée par bribes et flashbacks, la série n’est pas une reconstitution de l’attaque, mais évoque avant tout le processus de reconstruction de ces hommes et ces femmes.

Comment filmer l’irreprésentable ?

Portée par des comédiens salués par la critique – Benjamin Lavernhe, Alix Poisson, Antoine Reinartz, ou encore Félix Moati –, la production a soulevé des questions éthiques fondamentales. « Comment montrer la violence sans l’éluder ni la surexposer ? Peut-on poser des caméras dans la salle du Bataclan ? Doit-on donner un visage aux terroristes ? […] Leurs voix entremêlées évoquent le gouffre du réel comme le vertige de la représentation », souligne Télérama dans son article.

Des vivants©France Télévisions

Le choix de tourner certaines scènes au sein même du Bataclan, notamment des plans sur les fauteuils rouges, a suscité des reproches. Arthur Dénouveaux, président de l’association Life For Paris et lui-même rescapé, a déploré sur ICI que cela « brouille la frontière entre fiction et réalité, [et que] ça ne [lui] paraît pas sain » (propos rapportés par France Inter).

Une critique que Jean-Xavier de Lestrade dit comprendre, tout en défendant son choix au micro de France Inter : « Avec cette série, on est frontalement avec les faits, avec le Bataclan, avec les otages du Bataclan. Tout est cité, nommé, tourné dans le Bataclan ». Le réalisateur assume sa volonté de « confronter [le spectateur] au réel » et de « ne pas tricher ».

Des vivants©France Télévisions

Sur la même antenne, la psychologue Sandrine Larremendy souligne néanmoins le fait que le show ne montre pas les victimes dans la salle. « L’idée, c’était quand même de ne pas faire une série d’horreur, garder de la pudeur, penser aux familles qui souffrent et ne pas figer les spectateurs dans la scène traumatique. »

Qu’en pensent les premiers avis ?

Malgré cette controverse sur la méthode, la réception critique salue quasi unanimement la justesse et la puissance de l’œuvre. Les Échos y voient « la série qu’on attendait sur les attentats du Bataclan », un « récit poignant, tiré des témoignages des otages, mais sans pathos ».

Le journal souligne le rôle crucial des producteurs, Nicolas Mauvernay et Jérôme Corcos, qui ont « fréquenté un an et demi durant les sept otages devenus des amis » pour tisser le « lien de confiance » indispensable.

Des vivants©France Télévisions

Pour France Info, Des vivants est « bien plus qu’un hommage » ; c’est « un choc sur les séquelles de tous les autres, ceux qui ont survécu ». La rédaction salue une série « puissante, digne, magnifiquement emmenée par de formidables comédiens ».

Le Parisien abonde, louant la « délicatesse » du réalisateur qui « place l’humain au-dessus de tout pour retracer le parcours de chacun des “potages” jusqu’au procès en septembre 2021 ». Le quotidien évoque une « chronique d’une survie tout en sensibilité [qui] passe sans cesse de l’intime au collectif », portée par des « comédiens remarquables ».

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Seul bémol dans ce concert de louanges, Les Inrockuptibles, qui titre sur « une série nécessaire sur les traumatismes du 13 novembre », mais qui note une fiction « développée avec beaucoup de précision et de sérieux, mais qui semble parfois intimidée par son sujet ». Une intimidation sans doute à la hauteur du « vertige de la représentation » d’un tel drame.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste