
Groupe emblématique du renouveau de la britpop des années 1990, Pulp revient enfin sur le devant de la scène avec More, après un quart de siècle d’absence sur les ondes et les platines – autant dire une éternité pour le fan de la première heure que je suis. L’attente en valait-elle la peine ?
Alors que les débats faisaient rage dans les années 1990 pour déterminer qui d’Oasis ou de Blur était le meilleur groupe de rock – évoquant les rivalités un brin fabriquées par les médias entre The Beatles et The Rolling Stones dans les années 1960 –, ma réponse était sans appel : le meilleur, c’était Pulp. Porté par le dandy en costume Jarvis Cocker, le groupe originaire de Sheffield, en Angleterre, se distinguait par sa classe et ses morceaux parfois longs, mais aux crescendos flamboyants, à l’instar des titres iconiques Common People (1995) et This is Hardcore (1998).
Même si le groupe s’était construit une belle carrière depuis la sortie de It en 1983, ces tubes délimitaient leur âge d’or, cerné par les albums Different Class (1995) et This is Hardcore (1998), deux chefs-d’œuvre aux classiques indémodables.
Une séparation inavouée
Puis, en 2001 paraît We Love Life, un ultime disque au titre décalé pour un groupe en pleine discorde et en passe de se séparer. L’annonce officielle n’a jamais été faite, mais elle a été confirmée avec la sortie en 2006 de Jarvis, le premier album solo du leader. Depuis, silence radio ou presque. Malgré tout, j’y croyais encore. Puis, au fil du temps, de moins en moins, jusqu’à me faire une raison : Pulp nous avait abandonnés.
En 2010, surprise ! Pulp fait la une du magazine britannique NME, qui notifie son retour sur scène pour une tournée. En 2013 sort le single After You, qui, par sa seule annonce, provoque en moi l’euphorie, mais il ne sera qu’un pétard mouillé. 2014 : rien ! 2015 : rien ! 2016 : rien !… Puis 2025 : banco ! Cette fois, c’est sûr, Pulp revient.
Un retour aux sources
Le suspense est à son comble. Le groupe pourra-t-il être à la hauteur de cette attente, longue de 24 ans ? Blur, Garbage, Morcheeba… Tous ces groupes des années 1990 qui ont échoué à reconquérir leur public une fois passé le cap des années 2000, sortant quelques albums sympathiques, mais dispensables, ont fini par m’amener, malgré moi, à envisager cette option. Alors, après que leur label Rough Trade Records m’a envoyé, quelques jours avant la sortie officielle, un lien d’écoute de More, ce huitième album tant, voire trop espéré, je redoute le moment où je vais appuyer sur play, d’autant que l’artwork de la pochette ne se révèle pas d’un grand intérêt. Dois-je y voir un mauvais signe ?
Dès le premier titre, Spike Island, voire les premières notes qui allient disco et rock, le ton est donné. Pulp opère un merveilleux retour aux sources. « Quelque chose m’a stoppé / Net dans mon élan / Je fonçais droit vers le désastre / Et puis j’ai fait demi-tour », chante Jarvis, qui file pourtant droit vers la révélation d’un grand disque. Tina et ses cordes flamboyantes, puis le tube entêtant et électrique Grown Ups viennent confirmer cette première impression. Retrouvant sa fougue d’antan, Jarvis, aujourd’hui sexagénaire, semble bel et bien au rendez-vous de ces retrouvailles.
Un opus aussi intimiste qu’universel
Après avoir longtemps écrit sur des pensées, des idées ou des concepts, l’auteur laisse désormais dans ses textes toute la place à ses émotions, liées à la dérive des relations, aux angoisses dues à la parentalité, ou encore au sentiment d’appartenance aux lieux et aux personnes.
Pourtant, More touche par son universalité, traitant essentiellement du passage du temps, du fait de grandir et de saisir sa place dans ce monde… Et d’amour avec un grand A ; surtout de la nécessité d’aimer pour exister vraiment, comme dans Got To Have Love : un hymne qui redonne du souffle au disque, après les coups de mou que sont Farmers Market et My Sex.
S’ensuit le mélancolique et sublime Background Noise, qui rappelle que Pulp ne s’est pas uniquement distingué par des chansons enjoués, mais aussi par la façon qu’a Jarvis, conteur formidable, de sublimer le quotidien : « Je suis sorti de la maison / Il s’est mis à pleuvoir / J’ai pris un train / J’ai commencé à penser à redevenir célibataire / Je suis descendu à la station suivante / Je suis allé à Westfield / En essayant de gagner un peu de temps / Mais maintenant je suis de retour, et j’essaie d’expliquer / Qu’est-ce qui m’a fait revenir ? / Juste une intuition / Juste un pressentiment / Juste un sentiment. »
Enfin, porté par des chœurs qui ponctuent merveilleusement l’album, A Sunset, beau comme un coucher de soleil, sonne la fin. C’est un soulagement ! Intemporel, More s’inscrit dans la lignée des meilleurs albums du groupe et ne donne qu’une envie : en entendre encore plus.