
Le président de l’Académie Goncourt signe son retour en librairie ce 14 mai avec Wanted. Inspiré par les figures contemporaines du pouvoir mondial, il livre une dystopie ironique aux allures de western moderne.
Sur la couverture, une unique phrase, une citation : « Mon idée est toute simple, non ? Je suis étonné de ne pas y avoir pensé plus tôt. » Signée Elon Musk, elle donne d’emblée le ton de cette fable grinçante.
Publié le 14 mai chez Stock, Wanted, le nouveau roman de Philippe Claudel – président de l’Académie Goncourt, prix Renaudot pour Les âmes grises et prix Goncourt des lycéens pour Le rapport de Brodeck –, plonge dans une dystopie délirante, où les figures les plus controversées de notre époque deviennent les personnages d’un western contemporain.
Une comédie noire au parfum de Far West
Dans ce récit dystopique, Trump, fraîchement réélu, annonce aux côtés d’Elon Musk une prime d’un milliard de dollars pour éliminer Vladimir Poutine. Le monde chancelle, l’ONU s’agite, les chancelleries s’insurgent, mais la mécanique infernale est lancée. Ce scénario extravagant, Claudel l’assume pleinement. « Ces types avaient trois longueurs d’avance sur moi, cavalaient devant, confie-t-il dans Totémic sur France Inter, diffusé le 16 mai. J’avais l’impression qu’ils me prenaient mon champ d’investigation, qui est celui de la fiction. […] Moi aussi, il faut que je fasse mon job. »
Elon Musk, Donald Trump, Vladimir Poutine : autant de figures omniprésentes, qui s’invitent jusque dans notre intimité médiatique. « On vit avec, soutient Claudel. Ils ont quasiment fracassé la porte. […] Moi aussi, je peux me permettre d’entrer dans la leur. Et d’entrer notamment dans leur tête, et d’essayer de voir quel est ce labyrinthe complètement obscur et dément qu’est leur mode de pensée. »
Rire pour ne pas se résigner
Face à l’absurdité du monde, Claudel choisit l’humour comme antidote. « J’espère que mon livre apportera une énergie de l’ironie, de la moquerie, de la résistance », affirme-t-il au micro de France Inter. Il met à nu la vacuité de ces figures de pouvoir dont les décisions absurdes sidèrent les contre-pouvoirs et paralysent les démocraties. Et rappelle ainsi que le grotesque est parfois le masque du tragique.
Son roman paraît quelques semaines après la publication de L’heure des prédateurs de Giuliano da Empoli, autre invité de France Inter et de La Grande Librairie. Une thèse complémentaire s’y déploie : celle d’un monde désormais gouverné par des « autocrates décomplexés », épaulés par des « seigneurs de la tech ». Trump, Poutine, Musk, mais aussi MBS ou Nayib Bukele, président du Salvador, y deviennent les emblèmes inquiétants d’un pouvoir privatisé, brutal et spectaculaire.
Un écrivain enraciné et punk
Sur le plateau d’Augustin Trapenard, Claudel a également évoqué ses racines lorraines et son adolescence nourrie par Patti Smith, les Stranglers et les fulgurances du punk. « Punk un jour, punk toujours », souriait-il. Une posture de révolte, qui irrigue son œuvre et trouve ici une nouvelle expression : une fiction enragée, lucide, libre.
Depuis plus de 20 ans, Claudel tisse une œuvre traversée par la mémoire, l’exil, la culpabilité. Avec Wanted, il déplace le regard : c’est désormais la confiscation de la réalité qu’il combat – l’usurpation du récit par ceux qui prétendent réécrire le monde à coups de tweets, de provocations, ou de milliards.