
L’écrivain italien Giuliano da Empoli signe son retour en librairie avec un essai au regard acéré sur les dynamiques de pouvoir contemporaines. Au fil de portraits, il explore l’ascension de figures dominantes qui redéfinissent les règles du jeu mondial.
Trois ans après le retentissant Mage du Kremlin, Giuliano da Empoli signe un nouveau texte incisif : L’heure des prédateurs, paru le 3 avril aux éditions Gallimard. L’auteur italien y délaisse la fiction, mais pas la politique. À travers la voix d’un scribe aztèque, il observe la montée d’une caste de puissants – autocrates, oligarques de la tech, stratèges de l’ombre – qui façonne le chaos mondial en levier de domination.
Portraits en clair-obscur
« Avec Trump, MBS [Mohammed ben Salmane, NDLR] ou Javier Milei, nous assistons au retour des prédateurs », résume da Empoli dans un entretien donné à Télérama. S’inspirant de la figure de Cesare Borgia, il met en scène des chefs modernes, brutaux, impulsifs, insaisissables. Le récit traverse New York, Riyad ou les salons feutrés du Ritz-Carlton, où les nouvelles règles s’écrivent sans lois. L’intelligence artificielle y devient un instrument incontrôlé, incontrôlable, livrée aux mains d’entreprises privées érigées en quasi-États.
Invité de la matinale de France Inter le 3 avril, l’auteur a également décrit un basculement : des élites technologiques rejoignent ces autocrates, dans une même volonté de subvertir l’ordre démocratique. Musk, Trump, mais aussi Eric Schmidt, ancien de Google, ou Mark Zuckerberg, patron de Meta (Facebook), en deviennent les architectes invisibles.
« Il y a une convergence naturelle entre les gens de la tech et les prédateurs de la politique, parce qu’ils trouvent tous insupportable le cadre des règles de l’État de droit, de la démocratie libérale, ils sont dans la même logique de subversion de l’autorité, de l’establishment, des classes, même des journalistes. »
Tableau du pouvoir à vif
Dans sa chronique hebdomadaire, Dimanche est un roman, la journaliste Clara Dupont-Monod résume : « Ce livre est une série de polaroïds de prises de décision mondiales (…) Le chef de 2025 est glouton (…), impulsif (…), amnésique (…). Il ne lit rien, ne se soucie pas de l’Histoire, et fonce droit devant, au nom de son ressenti. » Les démocraties ? Couchées. L’IA ? Lâchée sans garde-fou. Le livre, malgré sa brièveté (160 pages), trace un sillon sombre dans notre monde actuel.
La critique ne s’y est pas trompée : L’heure des prédateurs a suscité une forte résonance. L’Express parle d’un « magistral récit impressionniste », Le Figaro d’un « récit crépusculaire et lumineux ». Dans ActuaLitté, l’ouvrage est qualifié d’« essentiel pour comprendre les défis de notre époque », tandis que Libération salue la manière dont l’auteur « poursuit son décryptage de la prédation géopolitique ambiante ».
Une trajectoire singulière
Italo-suisse, né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, Giuliano da Empoli a conseillé Matteo Renzi (ex-président du Conseil des ministres, actuellement sénateur italien) et fondé le think tank Volta. Depuis Le mage du Kremlin – Grand prix du roman de l’Académie française en 2022, adapté au théâtre, bientôt au cinéma –, il fascine par son acuité. Avec L’heure des prédateurs, il confirme son rôle d’éclaireur de l’époque contemporaine.