Sortie unique dans les cinémas français le 19 novembre, Trapezium met à l’écran l’ambition dévorante et les manipulations de Yu Azuma, une lycéenne prête à tout pour briller sous les projecteurs. Malgré un point de départ intrigant et une dimension dramatique prometteuse, le film peine à déployer pleinement son potentiel.
Sorti au Japon en mai dernier, le dernier long-métrage d’animation du studio CloverWorks (Wonder Egg Priority, Horimiya), débarque dans les salles françaises ce 19 novembre pour une projection unique. Distribué par Crunchyroll, en partenariat avec Sony, le film réalisé par Masahiro Shinohara – connu pour son josei Rascal Does not Dream of Bunny Girl Senpai – s’inspire d’un roman de Kazumi Takayama, une ancienne idole du groupe Nogizaka46. Entre rêves de gloire et relations complexes, Trapezium explore le chemin tortueux d’une adolescente prête à tout pour réussir.
Le succès au prix de l’amitié
Yu Azuma, lycéenne aux ambitions féroces, nourrit le rêve inébranlable de devenir une idole. Loin de se contenter d’un parcours solitaire, elle élabore une stratégie : réunir des jeunes filles issues d’horizons variés pour former un groupe. C’est ainsi qu’elle s’entoure de Ranko, une élégante figure venue du Sud, de Kurumi, ingénieuse et férue de robotique, originaire de l’Ouest, et de Mika, douce et bienveillante, représentante du Nord.
Avec l’aide de son ami Shinji, Yu orchestre méticuleusement la naissance du groupe baptisé NEWS, quitte à manipuler subtilement celles qu’elle appelle désormais ses partenaires et amies. Le récit s’étire sur une décennie, suivant l’ascension de ce quatuor dans le monde exigeant et scintillant des idoles japonaises.
Plutôt que de s’intéresser aux rouages de cette industrie, le film s’attarde surtout sur l’ambition sans limites de Yu, dont l’obsession grandissante ébranle peu à peu les relations qu’elle a construites et soulève des questions sur le prix réel de la réussite.
Un manque d’ambition narrative
Dès les premières scènes, Yu Azuma frappe par sa détermination. Le personnage, loin d’être une figure classique attachante, s’impose progressivement comme une antihéroïne, jusqu’à devenir repoussante.
Calculatrice, puis manipulatrice, elle forge des relations intéressées pour atteindre son objectif sans jamais remettre en question sa démarche. Une approche intrigante qui aurait pu être le socle d’une réflexion captivante sur l’arrivisme et ses travers.
Malheureusement, le film n’assume jamais vraiment cette direction et Trapezium préfère effleurer ces thématiques plutôt que réellement les approfondir. En bref, le résultat laisse un sentiment d’inachevé. Le développement du groupe d’idoles, de son ascension et de son succès est trop précipité, vidant de leur substance les efforts et les sacrifices attendus dans ce type de récit. On passe du sommet à la chute en un claquement de doigts, sans que les premiers signes du désagrègement soient suffisamment explorés.
Une réalisation en demi-teinte
Sur le plan visuel, CloverWorks livre une copie agréable, mais loin d’égaler ses standards les plus élevés. Les arrière-plans sont détaillés et les scènes quotidiennes bénéficient d’une animation soignée, très appréciable. Cependant, les séquences de danse pâtissent d’un recours maladroit aux images de synthèse, qui rompt l’harmonie esthétique. Ces moments clés, censés incarner l’effervescence et l’énergie des performances scéniques, souffrent d’une mise en scène datée.
La bande-son, bien qu’efficace, manque de morceaux véritablement mémorables qui pourraient accompagner durablement l’œuvre dans l’esprit des spectateurs. Ce qui aurait pu être un atout majeur pour un film d’idoles devient ici un simple accompagnement fonctionnel.
Un bilan mitigé
En s’aventurant sur le terrain des rêves d’idoles et des dynamiques de groupe, Trapezium avait tout pour séduire. Pourtant, malgré un point de départ intrigant et une antihéroïne potentiellement fascinante, le film ne parvient pas à s’élever au-delà d’un récit prévisible. Si les relations humaines et la toxicité de l’ambition auraient pu être explorées avec davantage de nuances ou d’intensité, le scénario se contente d’une surface trop lisse.
Pour les amateurs de drames introspectifs ou d’immersions dans l’industrie musicale, ce long-métrage risque de décevoir. Mais pour ceux qui recherchent une œuvre légère mêlant amitié, rêves et quelques moments touchants, Trapezium peut offrir une expérience plaisante, bien qu’oubliable.