
Avant son retour en live-action, The Witcher revient en animation avec Les sirènes des abysses. Une aventure inédite qui peine pourtant à retrouver la magie sombre de l’œuvre originale.
De longs cheveux blancs, un regard doré glacé, une voix rauque et impassible : Geralt de Riv est de retour. Mais ce n’est ni Henry Cavill, qui a marqué de son empreinte les trois premières saisons de la série Netflix, ni Liam Hemsworth, qui prendra la relève pour la suite du live-action. Avant de retrouver le Sorceleur en chair et en os en 2025, c’est sous les traits de l’animation qu’il revient avec Les sirènes des abysses, un second film animé, disponible dès le 11 février sur la plateforme.
Après le succès du Cauchemar du loup (2021) qui explorait les origines de Vesemir, son mentor, cette nouvelle production prend une direction inédite. Adaptée d’une nouvelle du recueil L’épée de la providence d’Andrzej Sapkowski, l’histoire nous entraîne cette fois dans les profondeurs d’une romance impossible et d’un conflit séculaire entre humains et créatures marines. Recruté pour enquêter sur une série d’attaques dans un village côtier, Geralt de Riv se retrouve dans un affrontement où les tensions entre les deux peuples menacent d’exploser.
Un mythe moderne du jeu vidéo et une série unanimement saluée
Né sous la plume d’Andrzej Sapkowski à travers une quinzaine de nouvelles et six romans, The Witcher s’est d’abord illustré dans l’univers du jeu vidéo, donnant vie à un monde sombre, dense et envoûtant. Après un premier opus en 2007, la saga s’est enrichie avec Assassins of Kings (2011), avant d’atteindre son apogée avec Wild Hunt (2015), chef-d’œuvre du RPG en monde ouvert.

L’adaptation en série live-action par Netflix en 2019 a confirmé l’ampleur du phénomène. À l’image des récentes réussites comme The Last of Us ou Fallout, The Witcher a prouvé que les jeux vidéo pouvaient donner naissance à des séries de qualité, à condition de respecter l’âme du matériau d’origine. Si la réception des saisons suivantes a été plus contrastée, la mise en scène soignée et l’interprétation habitée de Henry Cavill ont fait de ce portage à l’écran un incontournable, où se mêlent heroic fantasy et intrigues politiques. Dans cette constellation d’adaptations réussies, Les sirènes des abysses trouvera-t-elle sa place ?
Un conte revisité qui peine à trouver son cap
Inspiré d’Une once d’abnégation, nouvelle dans laquelle une sirène nommée Sh’eenaz vit un amour interdit avec un prince humain, Les sirènes des abysses épouse les codes du conte, tout en cherchant à les ancrer dans l’univers brutal de The Witcher. Si la référence à La petite sirène d’Andersen est évidente, le ton du film, lui, oscille entre deux rives.

D’un côté, une violence crue, des dialogues sans concession et des séquences dans lesquelles le sexe n’est pas éludé rappellent que nous sommes bien dans l’univers sombre de Sapkowski. De l’autre, des numéros musicaux maladroits et une naïveté surprenante contrastent avec cette approche, donnant parfois l’impression d’un Disney pour adultes qui ne saurait sur quel pied danser. Le film hésite, se cherche, et finit par ne jamais vraiment trouver sa propre voix.
Une animation qui ne fait pas de vagues
Côté visuel, le long-métrage reprend la patte graphique du Cauchemar du loup, confiée au studio sud-coréen Mir (La légende de Korra). Un style hybride qui mêle dessin traditionnel et images de synthèse, mais qui peine à rivaliser avec les standards actuels de l’animation.

Si l’ensemble reste fluide et propose quelques beaux tableaux, la direction artistique manque d’audace : loin du souffle épique que l’on pourrait attendre, le film affiche une esthétique correcte, sans être éblouissante. À défaut d’impressionner, elle a au moins le mérite d’offrir une photographie léchée et des séquences de combat rythmées.
Un scénario sans surprise
Les fans de la série retrouveront avec plaisir Jaskier, toujours aussi enjoué et porté par la voix de Joey Batey, son interprète en live-action. Geralt, quant à lui, est cette fois doublé par Doug Cockle, voix emblématique du personnage dans la saga vidéoludique The Witcher, offrant ainsi une continuité appréciable pour les joueurs familiers de l’univers.

Si les bases restent solides et que l’univers conserve toute sa richesse, Les sirènes des abysses peine pourtant à pleinement s’imposer. Contrairement au Cauchemar du loup, qui apportait une réelle profondeur en explorant les origines de Vesemir – mentor de Geralt –, ce nouveau film peine à véritablement ensorceler.

L’histoire suit une trame trop linéaire. Dès les premières scènes, l’antagoniste est identifié sans grande ambiguïté, limitant la possibilité de surprise ou de retournement de situation. Un méchant qui ressemble à un méchant, et dont les intentions apparaissent trop prévisibles… Un manque de subtilité qui, finalement, amoindrit l’impact dramatique de cette nouvelle incursion.
Un film accessible aux non-initiés, mais truffé de références
Aventure indépendante, nul besoin d’avoir regardé la série ou joué aux jeux pour comprendre l’histoire de ce nouveau film. En revanche, ceux qui connaissent déjà la saga apprécieront les clins d’œil disséminés tout au long du récit.

On y retrouve des références aux aventures passées de Geralt et, surtout, à son histoire d’amour complexe avec Yennefer de Vengerberg. Puissante sorcière, elle est l’un des piliers émotionnels de la saga, une figure incontournable dont la relation avec le Sorceleur traverse les romans, les jeux et la série.
Si son ombre plane sur Les sirènes des abysses, notamment à travers quelques flashbacks et allusions, son absence réelle dans l’intrigue laisse un certain vide. Un choix scénaristique qui, sans être préjudiciable, appauvrit peut-être l’histoire.
Verdict : une adaptation anecdotique
Si ce nouveau film d’animation reste un divertissement honnête pour les amateurs de The Witcher, il ne parvient pas à transcender son statut de simple appendice à la franchise. Entre un scénario convenu, une animation correcte, mais sans éclat et une tonalité hésitante, le film peine à trouver sa place aux côtés des œuvres majeures de l’univers.
Là où Le cauchemar du loup enrichissait le lore, Les sirènes des abysses apparaît comme un épisode secondaire, dispensable, mais pas désagréable. Un détour sympathique pour les fans, mais qui ne laissera pas d’empreinte indélébile sur la saga du Loup Blanc.