L’Éclaireur a eu la chance de découvrir la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, l’occasion de plonger de façon inédite dans l’univers du Pop Art.
Des nus féminins, ici et là ! À tous les étages ! L’exposition Pop Forever, Tom Wesselmann &… en dévoile un grand nombre – un peu trop –, mais rassemble aussi quelques chefs-d’œuvre incontournables du mouvement et des découvertes dignes d’intérêt, qui prennent dans les salles monumentales et immaculées de la Fondation Louis Vuitton toute leur dimension !
Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Jeff Koons, Yayoi Kusama… À l’occasion de l’exposition événement Pop Forever, Tom Wesselmann &…, la Fondation Louis Vuitton met l’œuvre de Tom Wesselmann en dialogue avec celles d’artistes emblématiques du mouvement comme de moins connus. Au total, 70 œuvres de choix signées par 35 artistes de générations et de nationalités différentes, partageant tous une sensibilité « Pop », complètent la sélection constituée de 150 toiles et installations de Wesselmann. Ainsi, le parcours balaie une vaste période du Pop Art, allant de ses racines dadaïstes à ses prolongements contemporains.
Un art qui se revendique populaire
Cocorico ! L’exposition s’ouvre sur America America (1964) du peintre et sculpteur français Martial Raysse. Ainsi, les commissaires, sous la direction de Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, rappellent que le Pop Art a eu des échos bien au-delà des frontières étasuniennes et montrent d’entrée de jeu que cet accrochage n’est pas monographique. Le mythique Flag (1958) de Jasper Johns, l’iconique Shot Sage Blue Marilyn (1964) d’Andy Warhol, les hallucinations de Yayoi Kusama intitulées Self-Obliteration (1966-1974), la sulfureuse Ice Cream (1964) d’Evelyne Axell… une série de chefs-d’œuvre, en guise de longue introduction, met en lumière les fondations du mouvement, né, rappelons-le, en réaction à l’expressionnisme abstrait dominant dans les années 1950.
Célébrant et critiquant la société de consommation, ce courant a pris sa source dans la bande dessinée, la publicité, le cinéma, les robots ménagers ou encore la presse people et les journaux… Autant de médiums et d’éléments qui parlent finalement à toutes et à tous !
Des nus, encore et toujours
Après nous avoir fait ingurgiter à outrance des boissons sucrées et des sandwichs gras, l’accrochage nous plonge dans une tout autre atmosphère. Le visiteur pénètre dans un environnement intime et un brin érotique, celui de l’univers domestique façonné par Wesselmann, allant du living-room à la cuisine, en passant par la salle de bains et la chambre à coucher. Ces œuvres intègrent des objets en trois dimensions, réels ou réinventés, privilégiant comme toujours la seule vision et non l’immersion, à la manière d’un tableau au théâtre.
Dans ces intérieurs colorés apparaissent exclusivement des femmes – à l’exception de la série Super Nude (2024) de Derrick Adams – dans des positions souvent lascives, poitrines et sexes fièrement exhibés. Avec elles, l’artiste dialogue parfois avec l’histoire de l’art, de Léonard de Vinci à Auguste Renoir et Picasso, mais surtout avec Matisse, dont il était visiblement un grand admirateur, comme en témoigne de manière significative Great America Nude #48 (1963). Plus on avance dans le parcours, plus les décors s’effacent, laissant les corps, voire des morceaux de corps, s’exalter. Une galerie est même déconseillée aux plus jeunes ! Gratuit ? Ces nus féminins, excessifs, mais beaucoup trop récurrents, ne le sont nullement ! Loin d’être passifs, les modèles défient de manière frontale le male gaze et déconstruisent les stéréotypes de la beauté, de la race et du genre.
Un hommage inattendu à l’abstraction
Au dernier niveau de la Fondation, inspirées de billboards récupérés par l’artiste auprès de compagnies publicitaires, les Standing Still Lifes s’imposent par leur monumentalité, mais paraissent aujourd’hui un brin désuets. Notre intérêt s’est davantage porté sur les inattendues structures en métal abstraites, dont Screen Star (1999-2003), dans laquelle Wesselmann se remémore avec nostalgie la gestuelle des peintres abstraits des années 1950 qu’il admirait, comme Willem de Kooning.
Avec Tomokazu Matsuyama, la relève est assurée
Au-delà de Wesselmann, l’exposition met en lumière quelques trop rares œuvres plus confidentielles, comme l’incroyable triptyque trash de Tomokazu Matsuyama, constitué de Silence Wind Flower Believe (2022), Serenity Exhale Protection (2024) et Safety Retrospective (2024). Selon lui, l’artiste vise ici à transcender les limites du temps, du contexte et de la géographie.
Né au Japon en 1976, il utilise la technique de shaped canvases – chère à Wesselmann et consistant à découper la toile – selon des contours inspirés des formes irrégulières de la céramique japonaise. Mêlant manga, peinture classique violente et animaux mignons semblant s’être échappés d’un film de Walt Disney, il crée un univers onirique, flamboyant et résolument pop, prouvant que le Pop Art a encore de belles années devant lui !
Exposition Pop Forever, Tom Wesselmann &… à la Fondation Louis Vuitton jusqu’au 24 février 2024.