Critique

Après Alain Delon et Antonio Banderas, Jean Dujardin fait-il un bon Zorro ?

04 septembre 2024
Par Thomas Ducres
“Zorro”, le 5 septembre sur Paramount+.
“Zorro”, le 5 septembre sur Paramount+. ©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

À 52 ans, le George Clooney français se décide enfin à enfiler le masque de l’une des plus vieilles figures de la pop culture. Huit épisodes plus loin, le reboot humoristique du Zorro de Paramount+ permet-il à Jean Dujardin de rivaliser avec les anciennes incarnations du mythique Don Diego de la Vega ?

Un masque noir, un justicier sortant de nulle part pour défendre les plus démunis et des dizaines d’adaptations au cinéma et en série : vous pensez à Batman ? Bien vu, mais c’est raté. Le super-héros du jour se nomme Zorro, il est bien plus âgé que l’Homme chauve-souris et il revient encore une fois, à la rentrée, grâce à un énième reboot avec Jean Dujardin dans le rôle de Don Diego de la Vega.

Si le choix peut surprendre au regard des précédents acteurs ayant porté la moustache, il permet néanmoins à Jean-Baptiste Saurel (à la réalisation) et au Collectif 64 (à la production) de signer une série d’un Z qui veut aussi dire… zozo.

De Delon à Banderas, un Zorro peut en cacher un autre

On a fini par l’oublier, mais Zorro est un jeune centenaire. Plus précisément, il a 105 ans et on doit sa naissance au scénariste américain Johnston McCulley. Publiées pour la première fois en 1919 dans un journal, ses aventures racontaient déjà la dualité d’un personnage à cheval entre sa véritable identité (Don Diego) et son rôle de sauveur masqué (Zorro).

Mais ce qu’on a fini par oublier, c’est qu’initialement le super-héros et son acolyte Bernardo furent inventés pour servir la propagande américaine et ridiculiser l’État mexicain, rival des États-Unis dans la guerre pour emporter la Californie – qui deviendra propriété de l’oncle Sam en 1848.        

©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

L’histoire est cruelle : le Zorro première génération dévalait donc la pampa pour croiser le fer avec la bourgeoisie mexicaine tournée en ridicule, et l’on retrouvera plus tard un peu de cet humour colonialiste dans la plus célèbre adaptation de ses aventures, la série produite par Disney de 1957 à 1961 avec Guy Williams dans le rôle principal.

Preuve de son succès populaire, le héros sera par la suite incarné au cinéma par Alain Delon (en 1975), Anthony Hopkins (1998) et Antonio Banderas (1998 et 2005). Tout cela sans compter la quarantaine d’autres adaptations depuis les années 1960. C’est dans ce contexte que le Zorro de Jean Dujardin sort du bois pour une nouvelle interprétation. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne ressemble à rien de connu jusque-là.

Un Zorro façon Belmondo

Avec cette série en huit épisodes (qui devrait être diffusée plus tard cette année sur France Télévisions), Paramount+ fait le choix du décalage. On y découvre évidemment Dujardin dans la peau de Don Diego, élu maire de Los Angeles en 1821 après le décès accidentel de son père Don Alejandro de la Vega (incarné par André Dussollier).

Les personnages secondaires historiques sont évidemment là (Bernardo, le sergent Garcia) et on se délecte de la présence d’Éric Elmosnino dans le rôle de Don Emmanuel, un homme d’affaires s’étant donné pour mission de ruiner la ville.

©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

C’est là qu’entre en scène Zorro, de retour après 20 ans de retraite, pour défendre la veuve, l’orphelin et les autochtones de la région. Difficile de ne pas penser au vieux Batman de Nolan dans The Dark Knight Rises, quand le super-héros fatigué décidait de rechausser les crampons. Sauf que le Zorro version Dujardin fait beaucoup plus rire que pleurer.

« Quand on me demande ce qu’il représente pour moi, je réponds qu’il est ce petit garçon de 8 ans qui s’amuse dans un jardin avec un bâton. »

Jean Dujardin à Télé 7 jours

Avec ce rôle, Jean joue dans son jardin. Dès son discours d’ouverture dans l’épisode 1, semblable à celui d’Édouard Baer dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, on comprend que le sérieux restera coincé au vestiaire. Dans une espèce de fusion métaphysique entre Clark Kent et Gaston Lagaffe, sa version de Don Diego de la Vega est maladroite, pataude, incompréhensible par les villageois quand il se met en tête de régler les problèmes de canalisation de la ville.

©Marcel Hartmann/Paramount+

Pire encore : Don Diego a des problèmes de libido et galère dans sa vie de couple avec Gabriella de la Vega, jouée brillamment par Audrey Dana (repérée par Bertrand Blier dans Le Bruit des glaçons en 2010). À l’inverse, dès qu’il enfile son masque, Zorro s’improvise Robin des bois, redistribue aux citoyens l’argent du casino mafieux de Don Emmanuel et montre les muscles à sa façon en permettant à Dujardin de relier en pointillés ses rôles les plus emblématiques, de Brice de Nice à OSS 117 en passant par Le Loup de Wall Street.

©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

Sacré grand écart qui donne une épaisseur inédite à ce Zorro made in France avec, dans l’ombre, le reflet du père spirituel de Dujardin ; à savoir Belmondo, à qui l’acteur semble rendre hommage dans chaque scène avec son deuxième degré et demi, et ses punchlines balancées avec panache. De L’Homme de Rio à ce Zorro version Paramount tourné dans les montagnes arides de la Sierra Alhamilla en Espagne, il n’y a qu’un pas.

Zorro, symbole de l’avatar

En sortant le grand jeu et la grosse panoplie, Dujardin et les scénaristes Benjamin Charbit et Noé Debré dépoussièrent la version historique de Zorro. On y découvre le sergent Garcia en pleine déconstruction et à l’écoute de ses problèmes émotionnels, la thématique des difficultés de couple entre Don Diego et sa femme devient centrale, et il flotte dans la série comme un parfum marseillais dans le comique de situation. Comme si Marcel Pagnol s’était exilé en Amérique du Sud. Mais, au final, que peut bien avoir à nous dire ce justicier centenaire sur la société actuelle ?

©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

Dans une époque où les avatars numériques sont devenus la règle, la figure de Zorro continue étonnamment de parler. On pense évidemment à Batman, mais aussi à V pour Vendetta et pourquoi pas même au programme MaskSinger ; autant de références pop où le costume et le masque permettent à des personnages normaux de se révéler par le déguisement.

« La panoplie autorise Zorro à être un autre, explique Dujardin à Télé 7 jours. C’est un super-pouvoir. C’est pour cela qu’on l’aime. » Pari réussi pour cette série très grand public qui parvient à sonner presque moderne à l’heure de l’anonymat généralisé sur les réseaux sociaux, et qu’on conseillera aux familles plutôt que l’autre adaptation proposée actuellement par Prime Video (également disponible sur W9) avec Javier Quintas (La Casa de Papel) aux manettes.

©Christophe Brachet/France Télévisions/Paramount+

Quant à Dujardin, 20 ans après l’arrêt d’Un gars, une fille, il s’offre un retour rafraîchissant sur le petit écran. Même si l’on se demande parfois, au regard de son charisme dans chaque scène, si son rôle n’est finalement pas plus grand que la série dont il est ici question.

Zorro, série disponible sur Paramount+ dès le 6 septembre.

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