Entretien

On a rencontré l’équipe de La Vie, en gros, pépite d’animation sur l’adolescence

30 juin 2024
Par Lisa Muratore
“La Vie, en gros”.
“La Vie, en gros”. ©Les Films du Préau

Lauréat du prix du jury Contrechamp, La Vie, en gros est l’un de nos coups de cœur du Festival international du film d’animation d’Annecy. L’Éclaireur a rencontré l’équipe du long-métrage, l’occasion de parler adaptation, stop-motion, mais aussi émois adolescents à l’approche des vacances scolaires.

Ben, 12 ans, entre tout juste dans la puberté et doit impérativement perdre du poids. L’infirmière de l’école est catégorique : son amour pour la nourriture représente un danger pour sa santé physique, mais aussi mentale, car Ben est harcelé. Cependant, ce chamboulement ne va pas arrêter l’adolescent passionné de musique. Poussé par son amour pour la belle Claire, Ben est bien décidé à prendre des mesures drastiques. Il va alors entamer un régime.

Adapté en stop-motion par Kristina Dufková, à partir du livre de Mikaël Ollivier, La Vie, en gros est un véritable bijou d’émotion qui nous invite dans le parcours à la fois drôle et touchant d’un jeune homme en plein émoi amoureux, qui va se (re)découvrir le temps d’une année scolaire. C’est d’ailleurs alors que la nôtre se termine que L’Éclaireur a rencontré le trio à la tête de La Vie, en gros – Kristina Dufková, la réalisatrice, Agata Jelenekova, la productrice, ainsi que le scénariste, Petr Jarchovsky – afin de parler du film présenté au festival d’Annecy.

Que représente le festival d’Annecy pour vous ? C’est émouvant de venir y présenter un film ?

Kristina Dufková : C’est un très grand privilège d’être ici à Annecy, car chaque année, la compétition est excellente. Faire partie d’une compétition, ici, dans cette ville qui célèbre l’animation, est un très grand honneur. 

La Vie, en gros n’est pas encore daté en France.©Barletta Productions

Comment l’histoire de Ben dans La Vie, en gros est-elle née ?

Agata Jelenekova : On doit l’idée originale à Kristina qui, en lisant le livre de Mikaël Ollivier, a été séduite par le personnage de Ben. Elle avait aussi un garçon, à peu près du même âge que le personnage. Par la suite, elle a réfléchi à la façon la plus fidèle de retranscrire ce livre en images et il a rapidement été évident pour elle que ce serait de la stop-motion. Il a fallu aussi trouver le scénariste qui serait capable d’adapter l’histoire sur grand écran, car c’est une histoire très personnelle qui aborde beaucoup d’émotions et de pensées intimes. Ce processus-là a été compliqué, mais elle a fini par trouver Petr ! 

Petr, comment avez-vous adapté l’histoire à partir du récit original ? 

Petr Jarchovsky : Je me suis servi de mes expériences précédentes, car j’ai travaillé sur l’adaptation de plusieurs films, par le passé, qui concernaient également l’adolescence. À travers mes travaux, j’ai toujours été connecté et inspiré par le travail sur l’enfance, l’adolescence, mais aussi la manière dont on vit tous et toutes cela. La forme était similaire au livre de Mikaël Ollivier. Je me suis inspiré de mes précédents scripts pour choisir ce que je voulais raconter. 

Que préférez-vous dans le personnage de Ben ? 

A. J. : Bien qu’il ait un problème de poids et que son médecin lui dise qu’il est en surpoids, il reste confiant. Ben est un adolescent qui est sûr de lui et qui a beaucoup d’humour et d’autodérision. C’est sa grande force ! 

Affiche de La Vie, en gros. ©Barletta Productions/Les Films du Préau

Qu’avez-vous appris grâce à ce film que vous ne saviez pas auparavant ? Quelle leçon tirez-vous de La Vie, en gros ?

K. D. : C’était très compliqué de se mettre à la place du personnage principal, mais, grâce à mon équipe, j’y suis parvenue. Cette expérience de groupe m’a donné envie de continuer dans l’animation. J’ai eu une équipe incroyable.

P. J. : Après 50 ans de carrière et 25 longs-métrages, La Vie, en gros a représenté une toute nouvelle expérience pour moi, car c’est très différent d’écrire le scénario d’un long-métrage en prises de vue réelles et celui d’un film d’animation dans le sens comique du terme. Dans un long-métrage, vous aménagez le terrain de jeu pour les acteurs. Il y a une très grande place laissée à l’improvisation et les acteurs vous apporteront beaucoup de choses. En revanche, dans l’animation, il faut des mois pour réaliser une simple scène amusante. En plus, on ne peut pas décider de la couper au scénario ou au montage étant donné le temps que ça prend. C’est peut-être cela que j’ai appris sur ce projet ! 

A. J. : Ça a été une toute nouvelle expérience pour moi également. Pour beaucoup d’entre nous dans l’équipe, La Vie, en gros est le premier long-métrage animé sur lequel nous avons travaillé. Nous avons tout appris, depuis le début. Ça a été un grand challenge, mais je suis très fière de dire que nous avons réussi, et que nous faisons partie, désormais, de la “communauté de l’animation”.

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La Vie, en gros est un film en stop-motion. Pourquoi avoir choisi cette technique d’animation et qu’est-ce qui vous plaît tant chez elle ? 

K. D. : Au départ, je pensais faire un film d’animation à partir de dessin, mais, par la suite, j’ai réalisé que le thème principal du film était la perte de poids de Ben. Il fallait alors que l’on ressente, à l’image, cette notion ; que l’on voit ses formes. Il fallait donc utiliser une technique en trois dimensions. C’est ainsi que la stop-motion est apparue comme une évidence. 

« On ne peut pas improviser dans l’animation. Vous devez être préparé et prêt à 100 %, ne rien laisser au hasard. »

Petr Jarchovsky

La musique a une grande place dans le film. C’est un film d’animation musical, car Ben chante dans un garage band. Comment avez-vous envisagé cet aspect durant l’écriture ?

A. J. : C’était très compliqué, car les chansons qu’interprète Ben dans le film devaient être prêtes avant que l’on commence le tournage pour que l’on puisse ensuite poser la voix dessus, mais surtout modeler la bouche en fonction des paroles. L’écriture des chansons a pris entre deux et trois ans de préparation. C’est incroyable, aujourd’hui, de se dire que nous avons réussi à le faire ! 

Quel a été le plus grand défi de ce projet ? 

K. D. : Le story-board a été une partie compliquée durant l’élaboration du projet, car on voyait ce qui fonctionnait ou pas à l’écriture. 

P. J. : Je pense que l’écriture a été pour moi le plus grand défi, dans le sens où j’ai écrit beaucoup de versions du script. La Vie, en gros doit être le film que j’ai le plus scénarisé [rires] ! À la différence des longs-métrages en prises de vue réelles, on ne peut pas improviser dans l’animation. Vous devez être préparé et prêt à 100 % ; ne rien laisser au hasard.

Dans ce cas-là, comment savez-vous que vous détenez la bonne version du script, celle qui va vous permettre de tourner ? 

P. J. : Je dois dire que Kristina est très gentille. Elle est aussi d’un grand calme. Tout le monde vous dira qu’elle est adorable et qu’elle accueille chaque idée avec bienveillance. Toutefois, elle ne recule pas sur ses convictions. Elle sait ce qu’elle veut et ce qui est bien pour son film. Ça vous oblige alors à faire plusieurs versions et à savoir quand vous avez la bonne !

Comment percevez-vous l’évolution de l’animation, qui devient de plus en plus populaire et qui propose aujourd’hui une variété de techniques ?

K. D. : C’est génial qu’il y ait autant de possibilités aujourd’hui pour chacun et chacune d’entre nous, car quand j’ai commencé dans l’animation, les techniques étaient très limitées. C’était très difficile de faire de l’animation. Ceci étant dit, il faut toujours penser aux personnages et à l’histoire.

P. J. : À mon époque, l’animation était très dure, mais ça a toujours été un processus fascinant. J’adore faire partie de ce processus-là, d’autant plus qu’il évolue beaucoup aujourd’hui !

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste