Décryptage

Comment de simples jouets sont-ils devenus des icônes de la pop culture ?

07 février 2024
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Les Maîtres de l'univers.
Les Maîtres de l'univers. ©Netflix

Fin janvier, Netflix a diffusé une série animée ambitieuse sur les Maîtres de l’univers. Réalisée par Kevin Smith (Clerks) et comptant notamment un certain Mark Hamill au casting, elle rappelle à quel point des produits initialement pensés comme des gammes de jouets sont progressivement devenus des marqueurs de la pop culture américaine, puis mondiale.

Nous sommes en 2024, et l’idée même d’adapter une marque de jouets en dessin animé, voire en surproduction à gros budget, ne fait plus lever le moindre sourcil, surtout pas après le monumental succès du Barbie de Greta Gerwig. Cependant, il y a encore un demi-siècle, l’idée aurait semblé pour le moins farfelue. Qui accepterait de payer pour aller regarder des figurines en plastique vivre des aventures sur grand écran ?

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Le scandale Hot Wheels

Une question qui va être résolue à la fin des années 1960, non pas par le cinéma, mais par le milieu alors florissant de la télévision. Tandis que le taux d’équipement des ménages américains avoisine les 100 %, que la natalité est forte et que les revenus sont globalement en hausse, des générations pléthoriques d’enfants se retrouvent chaque jour scotchées devant le petit écran.

Les chaînes de télévision sont ainsi en très forte demande de programmes jeunesse, particulièrement de dessins animés en tous genres. Diverses entreprises de jouets anticipent la possibilité de produire des publicités très long format déguisées en dessins animés. Dès 1969, Mattel produit ainsi une série télé basée sur les jouets Hot Wheels, diffusée à une heure de grande écoute.

Le show sera un succès… et un bon gros scandale, le régulateur des télécommunications américaines (le FCC) considérant l’émission comme une publicité déguisée de Mattel, ciblant les enfants. Une pratique alors interdite dans une fiction. La polémique enfle avec la diffusion d’autres programmes du même genre, conduisant le gouvernement fédéral à adopter leur interdiction pure et simple en 1974.

L’explosion des années 1980

La régulation du FCC s’assouplit progressivement à mesure que le poids des lobbys publicitaires augmente et que la dérégulation des médias commence sous le règne de Ronald Reagan à compter de 1980. À la fin de la décennie, l’interdiction publicitaire dans les dessins animés pour enfants est réduite à une mince régulation symbolique qui, dans les faits, n’est même plus vraiment appliquée.

G.I. Joe : héros sans frontières (1983), un des premiers dessins animés à s’engouffrer dans la libéralisation du marché.©Hasbro Studios

Mattel, Hasbro ou encore Tonka se sont massivement engouffrés dans cet assouplissement des règles, inondant les émissions jeunesse de courts dessins animés basés sur leurs franchises de jouets les plus populaires. En moins de dix ans naissent des programmes basés sur les jouets G.I. Joe, Mon Petit Poney, Transformers ou encore Strawberry Shortcake. Une frénésie commerciale qui va même jusqu’à pousser des fabricants de cartes de vœux à se lancer sur le marché, à l’image des Bisounours d’American Greetings.

Bande annonce de la série Netflix Les Maîtres de l’univers.

Extrêmement lucrative, la politique consistant à faire apparaître toutes les nouveautés d’une gamme de jouets dans des épisodes de 12 à 20 minutes avant de les mettre en place dans les rayons des supermarchés conduit les ayants droit à multiplier les produits dérivés : comics, longs-métrages animés, disques… Peu à peu, ces licences deviennent centrales dans le paysage du divertissement pour enfants.

Un retour en force après un long passage à vide

Cette frénésie connaît cependant un sérieux coup de frein dans les années 1990. Plusieurs échecs cinématographiques, des marques de jouets vieillissantes et de nouveaux programmes basés sur d’autres formats (adaptation de comics, dessins animés japonais…) remplacent temporairement ces produits en tant que pivots des industries culturelles transmédia. Non pas que les enfants des années 1990 ne voulaient plus de jouets en plastique : ils préféraient simplement les figurines de Tortues Ninja aux pectoraux saillants de Musclor.

Pendant près de 20 ans, les adaptations de licences de jouets à succès deviennent relativement confidentielles, se contentant pour l’essentiel de moyens-métrages directement produits pour le marché de la VHS puis du DVD. Ainsi, il faut le signaler, que de nombreux jeux vidéo à petit budget. Des produits dérivés certes rentables, mais demeurant assez méconnus du grand public et ne ciblant généralement que les jeunes enfants.

Jeu vidéo Barbie Pet Rescue pour Game Boy Color, paru en 2001.©Mattel

Au milieu des années 2000, cependant, le marché cinématographique a changé et n’est plus celui des années 1960, frileux à l’idée d’accueillir des licences mercantiles. L’ère est désormais aux blockbusters, aux films en série et au placement de produits, et les producteurs sont à la recherche de produits iconiques capables de rentabiliser des productions à 100 ou 200 millions de dollars. C’est ce qui va conduire Hasbro et DreamWork Pictures à s’associer pour produire le pharaonique Transformers de Michael Bay en 2007, immense succès de box-office… et premier volet d’une saga comptant à ce jour sept films.

Des icônes culturelles à part entière

Un succès qui sera suivi par d’autres : la série de films G.I. Joe dès 2009, les films Lego à partir de 2010 ou encore le film Jem et les Hologrammes en 2015. Des œuvres proposées à un public bien plus large et mature que les premières adaptations : les spectateurs des dessins animés des années 1980 sont désormais des adultes dotés d’un solide pouvoir d’achat doublé d’une certaine nostalgie. Le triomphe cinématographique et intergénérationnel du Barbie de 2023 en est certainement l’apogée.

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Époque de la peak tv oblige, cette politique de blockbusters cinématographiques amène depuis quelques années les compagnies de jouets à multiplier les adaptations parallèles sous forme de série TV : aux côtés des innombrables séries basées sur les différentes gammes de jouets Lego, on a pu par exemple compter la très ambitieuse nouvelle série Mon Petit Poney qui a déclenché un engouement mondial entre 2010 et 2019. Ou, dans un registre très différent, la modernisation radicale proposée en 2018 par She-Ra and the Princesses of Power (Netflix déjà) et ciblant un public plutôt adulte et connaisseur de l’univers étendu des Maîtres de l’univers.

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En 2024, les licences transmédia basées sur des gammes de jouets sont donc devenues, au-delà de simples publicités déguisées pour jeunes enfants, des objets de culture à part entière. Des œuvres au croisement d’enjeux générationnels, économiques et publicitaires, en somme, comme le soulignait fort bien la série documentaire The Toys That Made Us il y a quelques années.

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