À l’occasion de la 47e édition du Festival d’Annecy, retour sur l’importance de plus en plus importante du cinéma d’animation dans le monde.
L’histoire de l’animation remonte à la nuit des temps. Aussi étonnant que cela puisse paraître, certains chercheurs voient dans les peintures rupestres les premiers signes du mouvement. Plus tard, l’animation évolue au fil des siècles, utilisant des dessins ou photographies sur papiers, des appareils nécessitant des photographies transparentes, ou encore le théâtre optique.
Ce n’est qu’avec l’invention de la cinématographie et de la pellicule photographique, au XXe siècle, que l’animation va faire un pas de géant. D’abord destinée à l’armée, elle va ensuite connaître une véritable ascension internationale grâce à Winsor McCay, Tex Avery, ou encore Walt Disney.
Au début du XXe siècle, les États-Unis dominent le cinéma d’animation porté par des créations telles que Blanche-Neige (1937), Betty Boop et Popeye. L’Amérique du Nord apparaît alors, durant l’entre-deux guerres, puis à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, comme le modèle à suivre, capable d’ériger l’animation en acteur essentiel du paysage audiovisuel, au même titre que le cinéma en prises de vue réelles.
Disney/Pixar, le leader du cinéma d’animation américain
De Mickey Mouse sifflant sur un bateau en noir et blanc au succès de La Reine des neiges, les studios Walt Disney se sont imposés comme les piliers du cinéma d’animation, proposant des contenus à la fois pour la télévision et le cinéma. Cette stratégie a fondé la suprématie du studio qui, à partir de 1983, a revu son organisation en créant un département entièrement dédié à l’animation, symbole de l’importance revêtue par ce genre à part entière.
À partir des années 1980, ce nouveau système coïncide avec les propositions artistiques emblématiques d’une entreprise très prolifique. On pense ainsi à La Petite Sirène (1989), La Belle et la Bête (1991), Aladdin (1992), Le Roi Lion (1994), Toy Story (1995), Le Bossu de Notre-Dame (1996), ou encore à Tarzan (1999).
Disney sait aussi très bien s’entourer et, à partir de 1995, les studios commencent à collaborer avec Pixar, avant de racheter l’entreprise en 2006. Une stratégie gagnante qui permet aux studios et à leur filiale de produire de véritables succès cinématographiques dans les années 2000 et 2010. Monstres et Compagnie (2001), Les Indestructibles (2004), Ratatouille (2007), WALL-E (2008), Là-Haut (2009), Vice-Versa (2015), ou encore Soul (2021)… Tous ces films ont marqué l’histoire du cinéma d’animation par leur génie artistique et scénaristique.
Pour preuve, parmi les 19 films réalisés par Disney/Pixar à partir de 2002 – date à laquelle l’Oscar du meilleur film d’animation est créé – 11 d’entre eux sont repartis avec la fameuse statuette dorée.
Oscars, box-office et nouveaux acteurs, l’animation dans les années 2000
La création d’un Oscar dédié à l’animation montre l’importance que prend l’animation au sein de la grande famille du cinéma au début des années 2000. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le marché voit arriver le studio d’animation Sony Pictures, en 2002, à qui l’on doit récemment les chefs-d’œuvre Spider-Man: Into et Across the Spider-verse (2017-2023), ainsi que le studio Illumination, en 2006, papa de la saga Moi, moche et méchant (2010) et des Minions (2015).
Avant cela, Dreamworks avait vu le jour, en 1994, produisant une variété de films animés à la fois en stop-motion, comme Chicken Run (2000), en images de synthèse comme Shrek (2001) et, plus tard, en animation 3D sur Dragons (2010).
La variété des formats, des techniques et des acteurs outre-Atlantique favorise ainsi la reconnaissance du cinéma d’animation dans le monde, les sociétés de production profitant régulièrement, entre les années 2000 et 2010, de grands succès au box-office. Par exemple, La Reine des neiges (2013) a rapporté 1,281 milliard de dollars à Disney, Shrek 2 (2004), le plus grand succès de Dreamworks à ce jour, a atteint les 919 338 758 dollars, tandis que Super Mario Bros., le film (2023), le dernier projet produit par Illumination, a dépassé le milliard de recettes mondiales en devenant le plus gros succès au box-office international de 2023.
Un cinéma qui s’adresse à tout le monde
La principale idée reçue autour de l’animation voudrait que ce soit un genre réservé aux enfants. Cependant, il s’adresse autant aux petits qu’aux grands. Pour séduire les adultes, Hollywood conçoit des films à gros budget à la manière des blockbusters. Toutefois, le savoir-faire des grandes firmes américaines ne réside pas uniquement dans l’image et les somme faramineuses injectées dans les projets.
Le succès de l’animation repose aussi sur les thématiques abordées, souvent en lien avec les grandes étapes de la vie. Soul, Oscar du meilleur film d’animation en 2021, abordait la mort, et l’héritage qu’on laisse après le grand départ. Un sujet lourd qui, grâce à ses différents niveaux de lecture, a permis de conquérir un public très large.
Par ailleurs, les studios peuvent compter sur des comédiens mondialement connus pour assurer le doublage, en version originale comme en français. D’Eddie Murphy (Shrek) à Angelina Jolie (Gang de requins, Kung Fu Panda…), en passant par Pierre Niney (Les Bad Guys) et Vincent Cassel (L’Âge de glace), le cinéma d’animation attire les plus grandes stars du cinéma. Certes, l’exercice du doublage est une aventure à part entière, mais les studios capitalisent également sur la notoriété des comédiens pour promouvoir leurs œuvres. À l’inverse, les acteurs ont bien compris la force d’attraction du cinéma d’animation, et plus particulièrement celle du cinéma d’animation américain aujourd’hui.
Et le cinéma d’animation français dans tout ça ?
L’hégémonie du cinéma d’animation américain interroge en contrepoint la place du genre en France. L’Hexagone a su se frayer un chemin dans l’ordre mondial de l’animation en devenant la terre d’un septième art animé, solide et sérieux.
Malgré des budgets traditionnellement plus restreints, l’animation française a connu son lot de succès au fil des décennies. Par exemple, Le Roi et l’Oiseau (1980), Les Triplettes de Belleville (2003), Persepolis (2007) ou encore Le Petit Prince (2015) ont permis de consolider la patte unique, indépendante et pragmatique de la France, loin de l’esthétisme de Disney.
On doit aussi citer Kirikou et la Sorcière dont le succès critique et commercial en 1998 a entraîné un « effet Kirikou » et permis au savoir-faire français d’être reconnu à l’international. Il faut dire que l’Hexagone profite d’un vivier de talents qui prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui grâce à l’École de l’image, Les Gobelins, mais aussi grâce à ses studios, comme la Fabrique, fondé en 1979, Folimage (1984), Armateurs (1994).
Si le partenariat des studios parisiens Mac Guff avec Illumination sur l’univers de Moi, moche et méchant leur permet de travailler sur des projets plus « américanisés », les studios sont aussi connus pour leur travail sur Chasseurs de dragons (2008) ou Dilili à Paris, film de Michel Ocelot lauréat du César du meilleur film d’animation en 2019.
La reconnaissance du cinéma d’animation français repose aussi sur la multiplicité de ses films, qui, à partir des années 2000, va connaître un véritable boum. L’attachement du public, mais aussi l’amélioration des technologies, tout comme la course à l’animation face à nos voisins, sont autant de facteurs qui favorisent les propositions animées les plus diverses sur grand écran.
Dans ce contexte, les cinéphiles ont pu découvrir Polux – Le manège enchanté (2005), Un monstre à Paris (2011), la saga Ernest et Célestine – dont le dernier opus, Voyage en Charabie, est sorti en 2022 –, plusieurs volets inspirés des BD Astérix, Arthur et les Minimoys – qui mélangeait à la manière de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1988) animation et prises de vue réelles –, ou encore Le Petit Nicolas : qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?, lauréat du Cristal du long-métrage au dernier Festival d’Annecy.
À ce propos, ce rassemblement cinématographique d’envergure joue un rôle prépondérant dans la reconnaissance de la France dans le cinéma d’animation. Depuis 1960, Annecy accueille le Festival international du film d’animation en Haute-Savoie. Cette situation offre à l’Hexagone une place de choix dans le paysage cinématographique d’animation aujourd’hui, d’autant plus que l’événement ne cesse de gagner en ampleur depuis 1997, année durant laquelle les organisateurs ont fait le choix d’annualiser le festival.
Chaque année, au mois de juin, Annecy devient la terre du cinéma d’animation afin de promouvoir des films venus du monde entier, aux codes esthétiques différents, ainsi qu’aux thématiques et aux techniques variées. C’est aussi durant cette période estivale que sont présentées les attentes de l’année par les plus grosses sociétés de production. Si certaines d’entre elles passent aussi par la Croisette, comme ce fut le cas de Kung Fu Panda en 2008, ou d‘Élémentaire, présenté en cérémonie de clôture cette année, Annecy reste un acteur incontournable du cinéma d’animation et un levier important pour la promotion de l’animation française.
Nul doute donc que la France est un acteur important, dans le sens où elle fabrique des objets cinématographiques uniques, capable de se distinguer des grandes créations made in USA. Elle permet aussi de promouvoir la variété qu’offre aujourd’hui le cinéma d’animation mondial. C’est d’ailleurs pour cette raison que le pays se classe au premier rang des producteurs européens et au troisième rang à l’échelle internationale, après les États-Unis et le Japon.
Les anime sont également une nouvelle branche de l’animation qui, depuis des années, ne cessent de gagner en puissance, impulsés par la culture manga. L’Amérique du Nord, quant à elle, n’a rien perdu de sa suprématie : la preuve encore cette année avec les panels Dreamworks, Disney et Illumination organisés à l’occasion de la 47e édition d’Annecy.