Plongée au cœur d’un genre à part, devenu la locomotive du marché mondial de l’édition.
Qu’il est loin le temps où les livres des collections Harlequin étaient lus honteusement, à l’abri des regards ! La romance littéraire a aujourd’hui plus que jamais pignon sur rue. Cette veine romanesque, creusée par des femmes pour des femmes, mais qui s’ouvre peu à peu à un public masculin, est même devenue, malgré l’indifférence persistante de la critique, le genre à la mode qui monopolise les meilleures ventes, une locomotive indispensable au marché de l’édition.
Une irrésistible ascension
Fini la romance à l’ancienne, celle des bons sentiments et des phrases à rallonge, incarnée par Orgueil et Préjugés (1813) de Jane Austen ; fini aussi la romance kitsch et ses histoires d’amour pimentées bien ringardes, publiée dans la collection « Spicy » d’Harlequin. Place désormais à la New Romance, une nouvelle mutation du genre, plus jeune, plus crue, plus engagée, plus connectée surtout, puisque son succès est intimement lié à l’essor galopant de l’autoédition numérique.
Son acte de naissance s’incarne dans le phénomène planétaire Cinquante Nuances de Grey. D’abord autoédité sur le site internet de l’auteur, en 2011, puis sur la plateforme The Writers’ Coffee Shop, le roman d’EL James et ses multiples suites sont devenus en l’espace de quelques mois un des plus grands succès de librairie de ces dernières années, avec près de 100 millions d’exemplaires vendus dans le monde et même une série de blockbusters torrides au cinéma. L’histoire est d’une simplicité déconcertante : une jeune journaliste ingénue interview un riche businessman séduisant et tombe sous son charme. Il lui ouvre alors les portes du plaisir et de la perversion. Mais son efficacité est redoutable. Les lectrices du monde entier s’arrachent cette trilogie érotique et sulfureuse qui fait entrer la romance dans une nouvelle ère.
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Cette success-story a en effet contribué à donner des idées à la nouvelle génération. Et celle qui a tout changé, c’est Anna Todd. Au début de l’année 2013, la jeune écrivaine américaine commence à écrire sur la plateforme d’autoédition Wattpad les premiers chapitres de son roman After. Très vite, la passion sulfureuse entre Tessa, l’étudiante réservée, et Hardin Scott, le bad boy tatoué, enflamme la toile et provoque un raz de marée de likes et de commentaires.
Un buzz numérique sans précédent – le texte est téléchargé plus d’un milliard de fois – qui a bouleversé le regard des éditeurs traditionnels sur les plateformes d’autoédition. Dès lors, elles sont perçues comme des lieux innovants, des laboratoires où se forgent les best-sellers de demain. Anna Todd quant à elle empoche une somme à six chiffres au moment de la publication papier de la saga. Une belle opération financière qui stimule les aspirants écrivains.
En France, Michel Lafon, First et Hugo Publishing ont épousé les premiers cette tendance. Ils scrutent à la loupe les plateformes d’autoédition comme Wattpad ou Kobo Writing Life, à la recherche des nouvelles perles rares de la New Romance. Hugo Publishing surtout, avec les stars Anna Todd et Colleen Hoover, ainsi que les Françaises Morgane Moncomble et Gaïa Alexia, s’affiche comme le leader incontesté du marché.
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Sous l’impulsion de son président Arthur de Saint Vincent, la maison a même mis au point une stratégie bien rodée pour capter les plus grands talents. Depuis 2015, l’éditeur a en effet lancé Fyctia, sa propre plateforme d’autoédition. Majoritairement tournée vers la New Romance, cette dernière a déjà fait émerger des séries à succès comme Bodyguards de Laura S. Wild. Au fil du temps, un cercle vertueux s’est donc installé et favorise une incroyable dynamique éditoriale. Si, grâce à l’autoédition, la New Romance fait preuve d’une vitalité impressionnante, son essor met quant à lui en valeur les avantages de l’autoédition. Entre nos deux tourtereaux, la belle histoire d’amour n’en finit plus.
La bibliothèque idéale de New Romance
Ces dernières années, trois autrices trustent à chaque parution la première place des classements de vente de livres. Focus sur les œuvres maîtresses de ces romancières incontournables de la New Romance.
1 Colleen Hoover, Jamais plus
C’est l’héritière directe d’Anna Todd. Révélée avec le roman Jamais plus (2018, Hugo), l’histoire d’une jeune femme au passé douloureux qui tente de réapprendre à aimer, elle est aujourd’hui la reine du genre. L’année dernière, avec À tout jamais (Hugo), suite tant attendue de son premier livre phare, elle a rassemblé pas moins de 12 millions de lecteurs à travers le monde, dépassant largement des mastodontes littéraires comme Stephen King. Preuve supplémentaire du succès de l’autrice : Jamais plus est en cours d’adaptation au cinéma avec Blake Lively dans le rôle-titre.
2 Scarlett St. Clair, Hadès et Perséphone
La romancière américaine, obsédée par la mythologie grecque, a séduit le public avec une saga New Romance d’un nouveau genre mêlant récit mythologique et passion torride. Dans la tétralogie Hadès et Perséphone (Hugo), elle revisite l’histoire d’amour interdite entre le Roi des Enfers et la fille de Zeus et Demeter tout en donnant à l’Antiquité un souffle d’amour et de légèreté.
3 Christina Lauren, Beautiful Bastard
Derrière ce pseudonyme se cache un duo d’autrices américaines qui secoue la New Romance. Christina Hobbs et Lauren Billings se sont rencontrées en 2009 sur un forum de fanfictions et ont immédiatement décidé de travailler ensemble. La Saga Beautiful Bastard (Hugo), également en cours d’adaptation cinématographique, raconte la relation ambivalente, sexuelle et passionnée entre Chloé Mills, une stagiaire assistante et Bennett Ryan, son patron.
La New Romance à la française
Si le marché est largement dominé par les autrices américaines, certaines jeunes romancières françaises réussissent depuis à se frayer un chemin jusque dans le cœur des lecteurs.
1 Gaïa Alexia
Repérée sur la plateforme d’autoédition Fyctia, elle publie en 2017 sa première série Adopted Love (Hugo & Cie) et rencontre un énorme succès de librairie. Suivront trois autres sagas qui rassemblent au total plus de 100 000 lecteurs, faisant de Gaïa Alexia la figure de proue de la New Romance à la française.
2 Morgane Moncomble
Son premier roman, Viens, on s’aime, publié en 2016 sur la plateforme d’écriture Wattpad est lu par plus d’un million d’internautes. Fort de ce succès numérique, le livre est publié en librairie (Hugo Publishing) et a même le droit à un spin-off. Avec 35 000 exemplaires écoulés, ces deux livres lancent définitivement la carrière de Morgane Moncomble qui, à seulement 27 ans, est déjà la star montante du genre en France.
