Décryptage

Qui est Becky Chambers, reine de la science-fiction positive ?

01 mai 2023
Par Milo Penicaut
Qui est Becky Chambers, la reine de la science-fiction positive ?
Qui est Becky Chambers, la reine de la science-fiction positive ? ©Art Furnace/Shutterstock

À tout juste 38 ans, l’états-unienne Becky Chambers a remporté parmi les plus prestigieux prix de littérature de science-fiction. On vous présente cette grande écrivaine de l’imaginaire.

Étoile montante de la littérature de science-fiction, Becky Chambers séduit le public comme la critique avec des univers remarquablement bien construits, où des personnages attachants vivent de petites histoires porteuses de grandes questions. Son dernier livre, Une prière pour les cimes timides (L’Atalante, 2023) est en lice pour le Prix Nebula de la meilleure novella 2023, qui sera annoncé le 14 mai prochain.

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La folle histoire de L’Espace d’un an

Avec une mère dans l’astrobiologie et un père dans l’aérospatiale, rien d’étonnant à ce que Becky Chambers se passionne pour l’espace dès le plus jeune âge. Enfant des années 1980, elle grandit avec Star Trek et Star Wars, aime jouer aux jeux vidéo et inventer des histoires. Elle commence à échafauder le monde des Voyageurs pendant ses études théâtrales, accumule idées griffonnées et bribes d’histoires, et finit par quitter un début de carrière dans le théâtre pour se consacrer à l’écriture.

Becky Chambers.©Julie Branson

Alors qu’elle peine à joindre les deux bouts, survivant de missions freelance de vulgarisation d’écrits scientifiques, elle lance un crowdfunding sur Kickstarter. Il lui permet de payer les factures le temps de terminer son roman. Elle est contactée par une maison d’édition traditionnelle six mois après avoir auto-édité L’Espace d’un an, qui deviendra le premier tome du Cycle des Voyageurs (prix Hugo de la meilleure série 2019).

Pour l’amour du space opera et de la science

« Il y avait une évidence » à amener Chambers au public francophone, nous explique Yann Olivier, éditeur à l’Atalante. Ce qui fait la singularité de sa plume, selon lui, c’est cette alliance entre « une intégration de l’intime dans le space opera, forme populaire qui invite à la fois au voyage, à l’évasion, au divertissement, au vertige de l’espace, à se poser des questions ; et une érudition dans le genre ».

Couverture d’Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers. ©Atalante

Dans une interview pour Transfer Orbit, Chambers affirme son désir d’embrasser ce genre populaire de SF, exprimant vouloir rendre ses œuvres les plus accessibles possible, sans jamais sacrifier « cet amour de la science en action », rappelle Yann Olivier, qui l’inscrit dans la lignée de Carl Sagan, connu pour ses œuvres de vulgarisation scientifique. Avec Apprendre, si par bonheur (L’Atalante, 2020), Chambers nous livre ainsi une ode bouleversante à la recherche scientifique et à l’exploration spatiale.

“Notre importance réside dans notre insignifiance”

« Notre importance réside dans notre insignifiance », explique Chambers en interview, affirmant que les « petites histoires » méritent aussi d’être racontées. Dans ses romans, pas (ou peu) de navettes spatiales qui explosent, pas d’héro·ïne·s chargé·e·s de sauver la galaxie, mais des gens ordinaires et la merveilleuse banalité de leurs existences quotidiennes.

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On suit ainsi tour à tour l’équipage bigarré d’un vaisseau qui creuse des tunnels dans l’espace (L’Espace d’un an), une intelligence artificielle coincée dans un corps humain synthétique (Libration), un·e anthropologue alien au nom imprononçable venu·e étudier la flotte humaine spatiale en exode (Archives de l’exode), ou encore un groupe de voyageurs confinés ensemble dans l’auberge pittoresque d’une planète peu remarquable (La Galaxie vue du sol).

L’autre rive de la SF

Marchant dans les pas de la grande Ursula K. Le Guin, Chambers écrit une (science)-fiction du panier féministe, radicalement queer et joyeuse. Elle se rattache au courant de la SF positive, qui, selon Yann Olivier, refuse la dichotomie utopie/dystopie et vient proposer « des avenirs positifs – ce qui ne veut pas dire des avenirs parfaits – la seule alternative au monde actuel n’étant pas un pays de cocagne ». Comme il le soulève, si les mondes de Chambers ne sont pas épargnés par le conflit, leur résolution est donnée à voir avec un minimum de violence – et ça fait du bien.

Couverture d’Une prière pour les cimes timides, dernier roman de Becky Chambers. ©Atalante

Avec la duologie Histoires de moine et de robot : une prière pour les cimes timides (L’Atalante, 2022-2023), elle nous régale avec un conte philosophique hopepunk aussi réconfortant qu’une bonne tasse de thé. « Le livre est merveilleux et tombe pile au moment où on en avait probablement assez des avenirs cyniques qu’on pouvait nous proposer », conclut Yann Olivier. Bref, vous l’avez compris : il faut lire Becky Chambers.

Histoire de moine et de robot : une prière pour les cimes timides, de Becky Chambers, Atalante, 2023, 13€50.

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Article rédigé par
Milo Penicaut
Milo Penicaut
Journaliste