Décryptage

J’ai enfin pris le temps de regarder la toute première série Star Trek et je n’ai pas été déçu du voyage

12 mars 2023
Par Samuel Leveque
J’ai enfin pris le temps de regarder la toute première série Star Trek et je n’ai pas été déçu du voyage
©CBS, Photo archive

Chaque mois, un·e journaliste de L’Éclaireur se lance dans une séance de rattrapage et regarde un film ou une série culte. J’ai décidé de m’attaquer à Star Trek, en me demandant si elle valait vraiment son statut de « production incontournable ».

Quand j’étais petit, je me souviens d’avoir regardé des épisodes de la toute première série télévisée Star Trek (1966) avec ma mère. Elle avait elle-même été bercée par les aventures de l’équipage de l’Enterprise quand la série avait enfin été diffusée en France au début des années 1980. C’était un spectacle amusant, très kitsch, rempli de personnages à la démarche un peu rigide évoluant dans des décors en carton-pâte. Les maquillages, le jeu des acteurs, les effets spéciaux extrêmement datés… Tout cela ne me semblait pas très sérieux à côté d’un Star Wars, beaucoup plus spectaculaire et dramatique.

Comment j’ai échappé à Star Trek

Une trentaine d’années plus tard, je n’ai évidemment plus les mêmes a priori que celui du téléspectateur avisé que j’étais à 6 ans : fan de SF, passionné par l’histoire des médias et conscient du poids énorme pris par la franchise dans la pop culture mondiale, je ne pouvais pas vraiment me dire que Star Trek était « juste » une série dans laquelle des explorateurs en sous-pulls moulants exploraient des carrières désaffectées peuplées de dangereux monstres en mousse.

Et pourtant, je n’étais jamais réellement entré dans la danse. Depuis, j’ai bien vu quelques œuvres liées à la franchise, à l’image des deux films signés JJ Abrams il y a une dizaine d’années ou encore quelques épisodes de la très belle série Star Trek Discovery de 2017.

Mais sans pouvoir vraiment raccrocher les wagons. On ne va pas se mentir, il y a aussi un peu de flemme dans tout ça : il s’agit d’une licence tentaculaire, avec une vingtaine de séries et de films, sans compter les jeux, les dessins animés et les romans.

©CBS, Photo archive

C’est aussi des centaines et des centaines d’épisodes à rattraper alors que les journées ne font (hélas) que 24 heures. Il y a quelques mois, une série de petits événements m’ont poussé à me dire : « Ça suffit, tu ne peux pas te dire fan de science-fiction sans avoir au moins essayé un peu de devenir un trekkie, alors que presque aucune série n’a eu une telle influence dans l’histoire de la télévision. »

C’est bon, je vais la regarder votre série

Il aura fallu en passer entre autres choses par une amie très fan de la franchise m’en vantant sans relâche les mérites, par des vidéos analysant l’univers de la série sous un angle socio-économique ou encore par l’entrée des Star Trek Studies dans le champ académique pour que je finisse par lancer le premier épisode de la première série Star Trek… En omettant volontairement le très oublié épisode pilote de 1965, car il ne faut pas pousser le vice trop loin.

Et puis, il faut noter ce facteur extrêmement facilitant : la disponibilité de la série sur Netflix dans une version tout à fait correcte m’a quand même bien aidé à faire le premier pas. Je me suis donc lancé, depuis quelques semaines, dans un fort long périple : enchaîner les 79 épisodes de StarTrek: The Original Series, afin de combler cette scandaleuse lacune culturelle.

Croyez-moi, tout n’a pas été des plus simple. D’accord, quand j’étais encore à l’école primaire, je pouvais trouver hilarants les maquillages un peu ridicules et les tenues cintrées de l’équipage, ainsi que les doublages peu naturels directement issus d’un studio québécois des années 1960.

En 2023, je remarque surtout que la télévision du milieu des sixties s’approchait encore davantage de longues scènes de théâtre filmé que de la série d’action géopolitique frénétique que sera Discovery 50 ans plus tard.

©CBS, Photo archive

Chaque épisode constitue une longue et lente nouvelle de près d’une heure, dans laquelle Kirk, Uhura, Spock et leurs compagnons exposent avec patience et méthode des problèmes de manière technique et didactique, dans des décors parfois minimalistes et monolithiques.

Par certains côtés, il faut bien l’admettre, Star Trek est « irregardable » par un cerveau trop formaté à des formats plus modernes. Néanmoins, assez fasciné par l’univers déployé par la série au fil des épisodes, je me suis accroché. Et vous savez quoi ? J’ai bien fait.

Un panorama de la SF progressiste des années 1960

Une de mes plus grandes découvertes en cours de visionnage fut de réaliser que certains de mes auteurs et autrices de science-fiction préférés avaient écrit des épisodes entiers de la série. Theorore Sturgeon, Norman Spinrad, Frederic Brown… Toute ma bibliothèque Folio SF d’adolescent semblait s’être donné le mot dans les crédits de fin d’épisode.

Il faut dire que ça se sent. Star Trek, davantage encore que la britannique Doctor Who, débutée en 1963 sur la BBC, est probablement le panorama le plus complet et le plus exact de ce qu’était la science-fiction anglophone au milieu des Trente Glorieuses. Une SF croyant très profondément à l’intrication du progrès scientifique et du progrès social, portant un message utopiste, antiraciste et pacifiste, et n’hésitant jamais à mêler récit d’anticipation et grandes questions existentielles.

©CBS, Photo archive

J’ai ainsi été frappé par le fait que de nombreux épisodes prenaient véritablement le temps de creuser des questions politiques et sociales comme peu de séries pouvaient se permettre de le faire alors. Certains épisodes se permettent aussi le luxe de livrer des dénouements particulièrement amers, loin des happy endings souvent attendus pour une série populaire diffusée à une heure de grande écoute.

J’ai été particulièrement frappé par l’épisode Contretemps (The City at the Edge of Forever), diffusé en 1967 et écrit par le monumental Harlan Ellison. Dans l’intrigue, l’équipage remonte dans le temps et se retrouve dans l’obligation d’empêcher un paradoxe temporel pouvant conduire à la victoire de l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale… Au prix d’un sacrifice absolument déchirant. Un épisode si brillant et si fondateur qu’il a inspiré des centaines, voire des milliers de récits sur le même modèle.

©CBS, Photo archive

Les 79 épisodes sont forcément un peu inégaux, et certains sont même assez mauvais, mais j’ai été globalement stupéfait par la manière dont nombre d’entre eux arrivent de cette manière à capter en moins d’une heure une problématique complexe et à en faire un récit de science-fiction particulièrement fort.

À aucun moment le show n’hésite à aller au fond de son propos, quitte à bousculer les aprioris. La mise en scène des différentes opinions des membres de l’équipage et des inévitables tensions provoquées par des aventures parfois périlleuses n’a d’ailleurs rien perdu en modernité, et était déjà à l’époque un moyen astucieux de contourner la censure assez lourde qui régnait sur les ondes.

D’accord, c’est fondateur, mais est-ce que ça vaut encore le coup ?

S’il y a bien quelque chose que la première série Star Trek n’a pas volé, c’est son statut d’œuvre culte. Vous pouvez n’avoir jamais vu le moindre épisode de la série et tout de même savoir qui sont Sulu, Khan, Spock ou le capitaine Kirk.

Après avoir découvert de mes propres yeux l’œuvre d’origine, je ne peux que m’incliner et reconnaître que j’ai eu tort de ne pas me plonger là-dedans plus tôt. Bien entendu, tout a vieilli dans Star Trek, et certains épisodes m’ont donné une furieuse envie de scroller mon téléphone pour faire passer le temps. Une ou deux fois, je dois bien vous avouer que me suis même carrément endormi.

©CBS, Photo archive

Mais s’il y a bien une chose que Star Trek fait à merveille, ce sont les épisodes qui tiennent par eux-mêmes. Il y a certes bien un petit côté feuilletonnant, avec des personnages et des intrigues récurrentes et suivies, mais la série reste avant tout conçue pour que chaque épisode aborde une problématique unique et la détaille de fond en comble. Si vous voulez tenter la même aventure que moi, je vous conseille d’aborder la série en picorant certains de ses meilleurs épisodes afin de prendre la température.

De très nombreux sites et médias ont listé les indispensables qui sont de chouettes portes d’entrée qui vous donneront sans doute envie d’en découvrir davantage et de finir par passer vos soirées à revivre les traces du tout premier équipage de l’Enterprise. Sur ce, je vous laisse, les sept saisons de Star Trek : la nouvelle génération ne vont pas se regarder toutes seules !

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