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Un mois sans réseaux sociaux, YouTube et Netflix – épisode 1/3 : “Détox is coming”

18 décembre 2022
Par Agathe Renac
Un mois sans réseaux sociaux, YouTube et Netflix - épisode 1/3 : “Détox is coming”
©Nicolas Maderna/Shutterstock

Comme chaque fin d’année, la question des bonnes résolutions se pose. On m’a lancé un défi (un peu fou) : faire une détox d’Instagram, YouTube et de toutes plateformes de streaming vidéo, pendant 30 jours. Spoiler alert : c’était dur. Dans ce premier épisode, je vous raconte les coulisses de ce challenge, et comment je me suis préparée à ce mois de l’enfer. Bref, j’ai passé un mois dans les années 2000.

« Tu préfères vivre sans Netflix ou sans YouTube ? » Pour moi, la difficulté de ce dilemme est équivalente à un « Tu préfères te baigner dans une piscine remplie de serpents ou d’araignées ? ». Ironie de l’histoire : c’est précisément une série de la plateforme de streaming au grand N qui m’a plongée dans cette expérience de l’enfer. La sortie de Détox a donné des idées à la rédaction de L’Éclaireur, qui m’a donc lancé le défi d’une cure digitale. Devoir professionnel oblige, je ne pouvais pas abandonner mon téléphone ni mon ordinateur – l’idée de rédiger des articles à la machine à écrire était drôle, mais contre-productive. Ils ont alors trouvé une brillante solution : me priver de tout ce qui nous rend accros aujourd’hui.

Retour vers le futur

Assis autour d’une table à la rédaction, la négociation peut commencer et la question fatidique se pose : de quoi sommes-nous (presque toutes et tous) dépendants ? La réponse fuse rapidement : les réseaux sociaux et les plateformes de streaming vidéo. Difficile, en effet, d’imaginer une journée sans son téléphone ou sans la possibilité de se réfugier dans des séries ou des contenus légers. Les écrans sont devenus des extensions de nous-mêmes, mais aussi la solution à de nombreux problèmes.

J’ai dix minutes d’attente chez le médecin ? Une vidéo YouTube. Je suis bloquée dans mon travail ? Un petit scroll sur Instagram. Je suis épuisée après ma journée ? Quelques épisodes sur Netflix ou autre vont m’aider à débrancher le cerveau. La rédaction de L’Éclaireur s’est demandé ce qu’il se passerait si toutes ces plateformes disparaissaient du jour au lendemain.

Serions-nous perdus ? Par quoi ce temps d’écran serait-il remplacé ? Ce changement aurait-il un impact sur notre santé mentale ? En réalisant cette petite expérience, nous voulions voir à quel point nous sommes accros à toutes ces applications (même si nous pensons le contraire) et quelle place elles occupent dans nos vies.

C’est avec toutes ces questions en tête qu’on rédige notre contrat, en précisant les interdits et les compromis. Exit, donc, Instagram, Facebook, Snapchat, BeReal, YouTube, Netflix, MyCanal, Prime Video, Disney+, et toutes formes de replay. Welcome back la télé en direct, les livres en papier, les DVD, les podcasts audio et la musique.

Finalement, le défi aurait pu se nommer « J’ai passé un mois dans les années 2000 ». Attention, je n’ai rien contre cette période ! J’ai grandi avec elle et je l’adore. Mais les Tamagotchi, la mèche rose d’Avril Lavigne et Lindsay Lohan dans À nous quatre (Parent Trap) sont de meilleures raisons de revenir dans le passé que Le Bigdil et l’attente hebdomadaire entre chaque épisode de Desperate Housewives.

Quelques heures (nécessaires) par semaine

Mbappé, Fourcade, Dupont… Avant un grand événement, tout sportif qui se respecte fait un bilan. L’exercice qui m’attend n’implique pas la maîtrise d’un ballon rond ou ovale, mais demande néanmoins une préparation (plus mentale que physique). Je me suis alors prêtée au jeu, et j’ai analysé ma consommation d’écran. Temps moyen quotidien sur le téléphone : 2h20. Temps moyen quotidien sur la télé connectée (YouTube, Netflix, MyCanal) : 4 heures – mais il n’est pas rare d’atteindre les 8 heures les dimanches pluvieux.

Quitter les réseaux sociaux n’est pas la partie qui m’effraie le plus. Facebook me sert uniquement comme pense-bête pour les anniversaires, et Instagram happe mon attention 30 minutes par jour. Je poste une publication tous les six mois et une story toutes les deux semaines. En réalité, je m’en sers essentiellement comme messagerie pour échanger avec mes proches – sauf quand je tombe dans la spirale infernale des Reels. Je suis mes amis (plus ou moins proches), des médias, et des influenceurs « doudous » qui m’accompagnent depuis des années.

Une journée classique dans mon téléphone.

J’ouvre l’application le matin, pendant le petit-déj, histoire de me faire un petit récap de l’actualité Instagramesque de la nuit et partager des memes. Je l’utilise aussi dans certains moments « creux » de ma journée : dans les transports, dans les files d’attente, entre deux tâches au travail, et même en regardant une série ou une vidéo. Je plaide coupable : il m’arrive souvent de multiplier les écrans. Finalement, Instagram me sert essentiellement à maintenir un lien social, à me divertir quand je suis déconcentrée, et à suivre l’actualité autour de la pop culture.

Netflix and chill jusqu’à l’overdose

La vraie difficulté de ce challenge, c’est de tenir un mois sans YouTube et Netflix. Je vis seule et je déteste le silence. Telle une mamie, il me faut toujours un bruit de fond pour me rassurer. Quand je suis chez moi, les vidéos m’accompagnent tout le temps : quand je fais la vaisselle, la cuisine, des puzzles, quand je mange, quand je me prépare et, surtout, quand je vais me coucher. Impossible de m’endormir sans elles.

Ce sont comme des berceuses qui me permettent d’affronter la peur du noir et du silence. Je regarde essentiellement des chaînes de divertissement, d’humour, de tranches de vie et d’horreur, et j’ai forcément mes créateurs favoris, que je suis depuis des années. Pour résumer : j’adore qu’on me raconte des histoires.

©Vantage_DS/Shutterstock

Ces récits, je les retrouve aussi dans les séries. Ce petit bilan m’a permis de réaliser que je ne regardais plus de films depuis que j’ai découvert ce format. J’aime ce temps long, le fait de m’attacher à des personnages au fil des épisodes et de découvrir leurs aventures toujours plus folles. Elles me rendent tellement accro qu’il m’est impossible d’étaler le visionnage sur la durée. Je suis une pro du binge-watching. Mes dimanches préférés consistent à lancer une série au réveil, et me préparer, faire des activités manuelles et scroller sur Instagram tout en enchaînant les épisodes, toute la journée.

Bien que l’offre soit conséquente, elle n’est pas illimitée. Ma consommation de streaming vidéo est tellement importante qu’il m’arrive de regarder des contenus sur YouTube ou Netflix qui ne m’intéressent pas vraiment, mais qui me permettent de combler ce besoin d’histoires.

Détox is coming

J-7. Il me reste une semaine avant de tout quitter, et l’excitation des bonnes résolutions a laissé la place à un sentiment de frustration. Je réalise que je vais rater des séries exceptionnelles, comme 1899 (la nouvelle production des créateurs de Dark, que j’attends depuis des années), et que je vais quitter mes meilleurs amis virtuels. Cette semaine, mon temps d’écran a explosé. Instagram, YouTube, même Facebook : je fais une crise de boulimie digitale et je scrolle sans m’arrêter, même si les posts ne m’intéressent pas. C’est comme si je m’empiffrais de fast food à quelques jours d’un régime.

Dernier repas d’un condamné

J-2. Je me prépare à l’apocalypse. J’ai prévenu tout le monde : il me reste deux jours et ce week-end, je ne vois personne. Je reste seule avec mes écrans. J’engloutis des dizaines de vidéos YouTube que je veux absolument voir avant l’extinction des feux, je binge deux séries en deux jours (qui ne sont pas passionnantes, mais c’est histoire de), et j’explose ma consommation d’Instagram. Je commence aussi une transition avec ce nouveau mois en terminant mon livre pour en acheter de nouveaux, et en regardant un film (en streaming) pour me réhabituer au format. Verdict : je ne suis plus du tout habituée à ce rythme trop lent, et en même temps trop rapide pour m’attacher aux personnages.

Je réalise que quitter le monde du petit écran et des plateformes va être très difficile. Il ne me reste plus qu’une chose à faire (l’arme ultime quand tout va mal) : une liste. Il me faut un plan d’attaque ; comment remplacer ces temps d’écran ?

  • Lire plus de livres (ma consommation est actuellement d’un à deux par mois)
  • Rattraper tous les mangas qu’on m’a conseillés
  • Regarder des films (en direct ou en louant des DVD)
  • Apprendre à cuisiner
  • Reprendre le sport
  • Retrouver les musées (abandonnés depuis bien longtemps)
  • Écrire (tout et n’importe quoi dans des carnets)
  • Organiser des sorties avec mes proches
  • Écouter des podcasts
  • Multiplier les balades pour découvrir tous les secrets de Paris

Bref, tout un programme.

Comprendre son ennemi pour mieux le combattre

Je profite de ces derniers jours de liberté pour essayer de comprendre pourquoi je suis aussi dépendante de ces plateformes. Un (long) point avec moi-même me permet de réaliser qu’Instagram m’aide à maintenir un lien social avec les autres. FOMO (Fear of missing out) oblige, j’ai peur de rater des événements.

Les storys et publications me donnent l’impression de suivre le quotidien de mes amis (plus ou moins proches) et d’être impliquée dans leur vie. Je ne suis pas une Insta-addict, mais j’ai peur que cette détox crée une distance avec les autres. Une autre question, plus professionnelle, se pose : comment suivre l’actualité pop sans ce média ? Cette détox va-t-elle avoir des conséquences sur la rédaction de mes articles ?

Au revoir les copains, on se retrouve dans un mois.©Shutterstock, Syda Productions

Prochaine cible du brainstorming : Netflix et YouTube. Les voix des acteurs ou des créateurs de contenu sont rassurantes et comblent le silence. J’adore écouter la vie des autres, et me gaver d’histoires. La plupart de mes sujets de conversation tournent d’ailleurs autour de ça : la dernière série ou vidéo que j’ai vue et que je conseille. Cette suppression du streaming vidéo ne fera-t-elle pas qu’agrandir cette mise à distance avec les autres ?

C’est avec toutes ces questions et ces angoisses que je commence mon mois sans réseaux sociaux ni plateformes de SVOD. Est-ce que je vais réussir à tenir 30 jours ? Mon moral va-t-il être impacté ? Ce sentiment de FOMO va-t-il s’intensifier ? Toutes les réponses dans le prochain épisode – où une psy suivra et commentera toutes mes réactions durant ces quatre longues semaines.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste