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Sweet Paprika : une BD pimentée et érotique, entre Le Diable s’habille en Prada et Sex and the City

21 février 2023
Par Agathe Renac
Sweet Paprika : une BD pimentée et érotique, entre Le Diable s’habille en Prada et Sex and the City
©Glénat

Connue pour ses collaborations avec DC et Marvel (Harley Quinn, Wonder Woman, Ms. Marvel…), Mirka Andolfo revient avec une œuvre sulfureuse et personnelle.

Autant l’avouer tout de suite : on ne croyait pas en cette BD. Quelques secondes de feuilletage nous ont suffi pour tomber sur des corps nus, des cœurs roses et des visages exagérément expressifs. On s’est alors demandé ce qui nous attendait, et surtout ce qu’elle valait. Cependant, la promesse du comics nous a intrigués : « un album à mi-chemin entre Le Journal de Bridget Jones et Le Diable s’habille en Prada ».

Grands adeptes des comédies romantiques, nous ne pouvions pas passer à côté. D’autant plus que son autrice, « la star italienne Mirka Andolfo » est très en vogue et a travaillé pour de nombreux comics américains, dont Harley Quinn, Wonder Woman, Teen Titans, Justice League et Ms. Marvel. Rien que ça. Nous avons décidé de mettre nos préjugés de côté, et de nous laisser porter par cette aventure qui s’annonçait riche en émotions.

La Miranda Priestly 2.0

Sweet Paprika nous plonge dans un monde fantastique, peuplé d’anges et de diables·ses. Les dessins ne nous avaient pas séduits durant ce court (et premier) feuilletage, mais ils se sont finalement révélés très intéressants au fil des pages. Ils sont beaux, raffinés, et quelques touches de rose (la plupart du temps des petits cœurs) égayent le noir et blanc. Ils s’inspirent largement des comics, mais dévoilent aussi quelques références aux mangas

©Glénat

Dès le début, la BD tient ses promesses ; notre héroïne, Paprika, est un bourreau de travail et martyrise ses collègues comme Miranda dans Le Diable s’habille en Prada. Du haut de ses talons aiguilles (d’une marque de luxe italienne), elle les méprise et passe son temps à leur hurler dessus. La jeune diablesse ne vit que pour son métier : sa boîte mail est toujours pleine à craquer, et elle ne s’éloigne jamais de son bureau, même pour manger. Il faut dire qu’elle s’est battue pour arriver à son poste, dans l’une des plus grandes maisons d’édition du monde.

Charge mentale et pression sociale

Il nous suffit de quelques chapitres pour comprendre que cette femme au caractère fort n’est pas si différente de nous. Sa carapace ne fait que cacher des angoisses que l’on ne connaît que trop bien : la peur d’être seul·e (son immense appartement qui donne sur Central Park n’accueille jamais personne), de ne pas être aimé·e et d’être nul·le.

Elle repense sans cesse à ses conversations les plus gênantes, se demande ce qu’elle a fait de mal, et se fait des dizaines de scénarios (érotiques ou violents) dans sa tête. Quand le soir arrive, elle réalise que son quotidien est vide de sens. Traumatisée par sa précédente relation, elle ne laisse aucun homme entrer dans sa vie, par peur de souffrir à nouveau.

©Glénat

En réalité, les personnages masculins qui l’entourent sont très culpabilisants et lui mettent la pression. Son père la voit comme une « vieille fille » car elle n’est pas mariée et consacre sa vie à son travail. Il a toujours son mot à dire sur ses tenues, qu’il juge trop échancrées ou trop courtes. Son avis la hante, même dans les moments les plus intimes – depuis toute petite, il lui ordonne de réprimer ses désirs.

Il y a aussi son ex manipulateur et possessif, qui l’empêche de passer à autre chose en la rabaissant et lui rappelant qu’elle n’est pas à la hauteur. Enfin, Dill, un jeune livreur qui débarque dans son entreprise, enchaîne les conquêtes (même celles de son père) et n’a qu’une idée en tête : séduire Paprika, qui est la seule à lui résister. Bref, des hommes très sains et qui donnent foi en l’humanité.

La BD la plus pimentée de l’année

Le quotidien de la jeune femme est bousculé le jour où elle apprend que le best-seller de sa boîte, Spice it up, va être adapté en film. Lors des négociations, elle rencontre Za’a’tar, le producteur du projet qui est décrit comme un « vrai esclavagiste, un bourreau de travail qui ne sort pas de chez lui sans un costume sophistiqué sur mesure de quelque grand couturier italien ». Autrement dit : le fantasme ultime de Paprika.

Sans surprise, ils tombent rapidement sous le charme l’un de l’autre. Décontenancée, elle réfléchit à un plan pour se préparer psychologiquement et sexuellement à leur prochaine rencontre – la dernière personne qui l’a touchée était son ex toxique, qui lui a laissé de nombreux traumatismes. Elle se lance alors dans un entraînement digne des JO avec Dill (qui va se révéler plus intéressant que prévu) pour être « douée » quand elle reverra son crush.

©Glénat

En tournant les premières pages de Sweet Paprika, nous nous attendions à lire une simple BD érotique. Finalement, il n’en est rien. Ce comics nous dévoile une histoire bien plus profonde. Il nous parle de relations toxiques, de la difficulté à être une femme qui réussit dans le monde du travail, de la pression autour des relations sexuelles, de la nécessité d’être toujours parfaite, mais aussi de nos angoisses et nos traumatismes les plus profonds.

En réalité, cette rom com (réservée à un public mature et averti) nous conte le parcours d’un éveil amoureux et sexuel. Comme une série aux multiples cliffhangers, elle nous tient en haleine et nous pousse à la dévorer en quelques heures. Vous êtes prévenus : une fois que vous aurez plongé dedans, vous ne pourrez plus décrocher.

Sweet Paprika, de Mirka Andolfo, Glénat, 304 p., 25€. En librairies depuis le 8 février 2023.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste
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