Depuis plusieurs années, les décennies 1970 et 1980 opèrent un retour en force fracassant dans tous les recoins du divertissement contemporain. Entre nostalgie et fascination, ces époques investissent notamment la sphère musicale et, grâce à des tubes cultes et des artistes incontournables, les Français se passionnent pour ces années folles, témoins d’insouciance, d’engagement, mais surtout d’une créativité débordante.
Que ce soit dans la mode, le cinéma ou encore la musique, la fièvre nostalgique des années 1970 et 1980 s’est emparée de notre culture contemporaine. Les jeans taille haute, les remakes des films les plus cultes, ainsi que le retour de tubes oubliés, ces années, synonymes de bouillonnement artistique et de liberté, investissent tous les recoins de notre époque.
C’est particulièrement le cas du côté de la musique. Des artistes incontournables au succès retrouvé de certains interprètes, leurs tubes squattent les ondes radio, investissent les premières places des classements sur les plateformes d’écoute et renaissent sur les planches des plus grandes comédies musicales. En 2022, les Français apparaissent particulièrement friands des vestiges musicaux de ces deux décennies. Un engouement fait de nostalgie, bien entendu, mais aussi de fascination et de (re)découvertes inédites autour de ces années effervescentes que représentent les 70’s et les 80’s. Décryptage.
L’amour du passé
L’argument principal qui explique le retour en force de ces années « rétros » est celui de la nostalgie que les plus grands hits ravivent en nous. Leurs artistes continuent par ailleurs d’occuper le devant de la scène : Michel Sardou (75 ans) et Michel Polnareff (78 ans) repartent ainsi tous deux – séparément – en tournée des Zéniths en 2023.
Ces artistes bénéficient d’une telle longévité dans le paysage musical français qu’ils sont aujourd’hui considérés comme des incontournables au répertoire emblématique. Sur les plateformes de streaming musical, leurs chansons ont même investi les playlists des jeunes et des moins jeunes : les Lacs du Connemara (1981) sont devenus un hymne de fin de soirée, au même titre que Les Démons de minuit (1987) du groupe Images.
Si certains artistes choisissent de rester fidèles au style et au genre qui les ont menés à la gloire et à faire partie du patrimoine musical français, d’autres se sont réinventés au fil des années. Emprise (2022), le dernier album de Mylène Farmer – révélée dans les années 1980 grâce à son tube Libertine (1986) – s’est ainsi vendu à 100 000 exemplaires en France en seulement un mois, après avoir atteint le Top 3 des charts en novembre dernier. Une stratégie qui permet à ces artistes de toucher un nouveau public après des années de carrière, public qui va ensuite être amené à se replonger dans leurs œuvres précédentes.
Par ailleurs, cette longévité peut s’expliquer également par les reprises qui sont faites, notamment des tubes des années 1980. Encore une fois, Mylène Farmer est un bon exemple. Ses chansons ont fait récemment l’objet de reprises techno que l’on doit à Radio Cargo. On pense aussi au groupe Eurythmics, avec la chanson Sweet Dreams (1983), reprise par Benny Benassi. Certains artistes d’hier s’associent également avec des artistes d’aujourd’hui. On le voit avec le duo d’Elton John et de Dua Lipa sur le tube Cold Heart (2021), un mash-up de Rocketman (1972) et de Sacrifice (1989).
Cette mélancolie participe également à en faire des œuvres intergénérationnelles et montre une certaine solidité des standards, survivants de plusieurs révolutions artistiques comme le punk des années 1990, la pop des années 2000 ou encore le rap d’aujourd’hui. L’exemple des comédies musicales est particulièrement parlant. Depuis plusieurs années, des représentations telles que We Will Rock You et Mamma Mia !, les vestiges respectifs de Queen et d’ABBA, cartonnent. Adaptées sur scène, puis au cinéma, ces comédies musicales permettent de pérenniser l’héritage de ces groupes mythiques à travers le monde et les générations.
Dernièrement, Thomas Jolly a ressuscité sur scène Starmania, composée en 1979 par Michel Berger et Luc Plamondon. Tous les soirs depuis sa première représentation, le spectacle affiche complet. Il a même été prolongé en 2023 et 2024 à la Seine Musicale de Paris. La pièce, portée autrefois par France Gall, Daniel Balavoine et Maurane, est un véritable retour dans les années 1970-1980, époque charnière durant laquelle elle a été composée, et dont les considérations n’étaient pas si éloignées des nôtres aujourd’hui.
L’écho d’aujourd’hui
Une mise en scène impressionnante et des thématiques sociales presque prophétiques suscitent une certaine fascination autour de Starmania. Mais cette fascination est présente, plus largement, dans ce que représentent les années 1970 et 1980 en termes d’effervescence culturelle et sociale.
Les années 1970 ont un côté exubérant et enfantin. Les costumes de David Bowie cohabitent avec les chansons de Fleetwood Mac, dont le tube Dreams (1977) a d’ailleurs connu un retour en force impressionnant grâce à une vidéo devenue virale sur TikTok. C’est aussi l’époque du disco, de la boule à facettes et du vinyle, objet désormais sacralisé. De nos jours, chaque artiste édite en version 33 tours ses albums, tandis que plusieurs acheteurs sont devenus de véritables collectionneurs. Pour exemple, en 2021, plus de 5 millions de vinyles ont été vendus en France, soit environ trois fois plus qu’en 2016.
Outre le disco, les années 1970 sont la grande ère du rock et du hard rock, dont les piliers se produisent toujours sur scène aujourd’hui, notamment à l’occasion de l’un des festivals français les plus populaires, le Hellfest. En 2023, Kiss et Mötley Crüe seront en tête d’affiche, après Deep Purple et Scorpions cette année.
De leur côté, les années 1980 et leur fameux walkman représentent l’explosion de différents courants musicaux comme la new wave, le hip-hop, la pop, la dance et l’électro, là où l’on associe souvent les années 2010 aux voix trafiquées et à l’autotune, en essayant de se convaincre « que c’était mieux avant ». C’est aussi l’avènement des clips, notamment avec Thriller (1982) de Michael Jackson, symbole d’une véritable révolution artistique et d’une certaine liberté.
Souvent aussi, le propos artistique se mêle au propos social, ce qui lui offre une force de frappe telle que ces créations traversent les âges. On peut ainsi citer Imagine (1971) de John Lennon, hymne indémodable et fédérateur, pour contester la guerre du Vietnam, repris aussi durant les attentats du 13 novembre 2015. L’exemple du féminisme est également parlant. Ici, on pense au tube de Cyndi Lauper Girls Just Want to Have Fun (1983), décliné dernièrement par des artistes comme Pink – tandis que certains vont connaître une nouvelle popularité.
C’est le cas de la chanson Running Up That Hill (1985) de Kate Bush, poussée par Stranger Things, écoutée plus de 8 millions de fois en France, et classée à la troisième place des charts. Non seulement la série brandée années 1980 entretient une fascination autour de cette époque grâce à sa photographie, ses décors et ses costumes, mais elle permet de replacer sur le devant de la scène des chansons qui résonnent avec nos considérations et nos combats actuels.
Le cinéma et les séries participent également à l’effervescence autour des années 1970 et 1980. On pense aux biopics sur Elton John, Queen ou Whitney Houston, mais aussi au succès impressionnant de Top Gun : Maverick (6 676 052 entrées au box-office français) et son célèbre Danger Zone (1986). Le grand comme le petit écran sont faits de moments musicaux empruntés aux années 1970 et 1980, comme dans le premier volet de Very Bad Trip (2009) et le passage dans lequel Mike Tyson interprète In the Air Tonight (1981) de Phil Collins ; dans Deadpool 2 (2018) se trouve une reprise d’In Your Eyes (1986) de Peter Gabriel ; la scène d’ouverture de Kingsman : services secrets (2014) se fait sur le hit Money For Nothing (1985) de Dire Strait ; et bien évidemment la franchise des Gardiens de la galaxie, dont toute la bande originale est inspirée des années 1970 et 1980.
Côté séries, on peut également citer Master of Puppets (1986) de Metallica, toujours dans Stranger Things, le passage inspiré par Footloose (1984) dans Umbrella Academy (2019), ainsi que le tube de Patti Smith, The Warrior (1984) repris dans Glow (2017).
Tous ces formats montrent que les années 1970-1980 sont encore aujourd’hui une source d’inspiration intarissable. Les œuvres musicales qui les ont traversées représentent une part importante de notre pop culture, grâce à la nostalgie et à la fascination qu’elles suscitent, mais aussi grâce à la liberté révolutionnaire, créative et sociale dont elles témoignent.
Les années 1970 et 1980 sont le reflet d’œuvres musicales intergénérationnelles, que ce soit à travers des artistes indémodables, des tubes emblématiques ou bien des découvertes musicales ressuscitées. Un amour du passé qui se traduit autant dans des concerts, des festivals, sur les plateformes d’écoute, en soirée, qu’au cinéma, dans les séries ou en littérature. Analyses musicales, biographies ou romans-photos, les livres musicaux autour d’artistes incontournables comme Jimi Hendrix, Les Clash, Bashung, Bono ou encore Prince trônent sur les étagères de nos bibliothèques. Preuve de la passion que les années 1970 et 1980 provoquent chez les Français, mais aussi dans le monde, de nos jours.