Véritable bestseller, le premier roman de l’américaine Torrey Peters, publié aux États-Unis en 2021, a déjà été traduit dans plus de dix langues. Sa traduction française vient de nous parvenir aux éditions Libertalia.
On commence par craindre le pire, par être gêné de la mention, dès le titre, de la « détransition ». Parce qu’on le sait, les personnes qui détransitionnent, c’est-à-dire qui reviennent au genre qui leur a été attribué à la naissance après une transition qui les en a éloignées, sont régulièrement récupérées par les idéologies douteuses.
Mais c’est bel et bien le meilleur que réserve Torrey Peters. Detransition, baby met en scène un personnage qui a fait le choix de détransitionner ; l’occasion pour l’autrice de penser les raisons qui poussent certains et certaines à prendre cette décision. Alors qu’elle distingue « être trans », une condition du désir, et « faire trans », un ensemble d’actions et de protocoles qui peuvent devenir trop épuisants pour être prolongés, l’autrice décrit la façon dont la transphobie érode les engagements et sape les ressources des personnes trans.
Mais l’identité complexe d’Ames – ou Amy – est seulement l’un des thèmes abordés par ce roman dense et entraînant, où il est aussi bien question de détransition que de transition, d’identité trans, de discriminations transphobes, d’épanouissement, de relations romantiques et sexuelles, du monde du travail et de la famille.
Amy et Reese ont vécu une histoire d’amour ; la fin de leur relation a d’ailleurs coïncidé avec la fin de l’existence de femme d’Ames. Quand ce dernier entame une relation avec Katrina, sa boss, il est persuadé que son passé trans l’a rendu stérile. Une fois Katrina enceinte malgré tout, il accepte de devenir parent à une condition : impliquer Reese, son ex, dans cette parentalité. Reese, quant à elle, a toujours rêvé d’être mère, mais en est empêchée par son identité de femme trans.
Entre le roman d’apprentissage et la comédie de moeurs, Detransition, baby est porté par une plume aussi réaliste que désopilante ; une plume qui ne manque jamais de cynisme pour décrire le New-York contemporain dans lequel les personnages évoluent.
Alors qu’elle jongle avec les clichés pour s’en amuser, Torrey Peters insiste sur les points communs qui rapprochent les existences cis et trans : le personnage de Katrina enrichit ainsi autant qu’il complique l’équilibre de Detransition, baby, par son rapport ni volontaire, ni utopique au sexe et au genre.