Décryptage

Autrice féministe socialement engagée, Annie Ernaux remporte le Nobel de Littérature 2022

06 octobre 2022
Par Lisa Muratore
Annie Ernoux a remporté le Prix Nobel de Littérature. © CATI CLADERA / EFE
Annie Ernoux a remporté le Prix Nobel de Littérature. © CATI CLADERA / EFE

La romancière a remporté cette semaine le fameux Prix Nobel de Littérature, 8 ans après Patrick Modiano. Retour sur l’univers, riche, d’une écrivaine «voix» de «la liberté des femmes et des oubliés du siècle», pour reprendre les mots du tweet de félicitations d’Emmanuel Macron.

Si certains annonçaient Michel Houellebecq comme le grand lauréat du Prix Nobel de Littérature 2022, c’est finalement l’écrivaine française Annie Ernaux qui a remporté le fameux titre. Ce jeudi 6 octobre, l’autrice des Années (Gallimard, 2008) a succédé au romancier tanzanien Abdelrazak Gurnah. Elle devient le seizième lauréat français depuis la création de la compétition en 1901, la dix-septième femme récompensée, et, surtout, la première écrivaine française à recevoir la distinction.

Une autrice féminisme et engagée

Le jury a récompensé l’écrivaine de 82 ans pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». Son œuvre – souvent autobiographique – a toujours été nourrie par son engagement social et féminisme. À travers ses livres, traduits dans de nombreux pays et couronnés par de multiples prix, elle a témoigné de sa classe d’origine, ouvrière, des hontes qui s’y attachent, de son désir d’évasion, et de tous les sentiments qui accompagnent l’ascension sociale, composant ainsi une œuvre de sociologie. Des thématiques que l’on retrouve dans La Place (1983) et La Honte (1997).

Son statut de femme née pendant la Seconde Guerre mondiale ayant traversé les années 1960 a également nourri son travail féministe, aussi intime qu’universel. Dans L’Armoire Vide (1974), elle raconte son enfance, avant d’aborder le mariage, la pression sociale des enfants dans La Femme Gelée (1981), l’avortement dans L’Evènement (2000) – récemment adapté au cinéma par Audrey Diwan – ou encore l’entrée dans la sexualité en tant que femme dans Mémoire de Fille (2016). Des sujets forts, précieux, que l’autrice a notamment synthétisés dans l’une de ses œuvres les plus emblématiques, Les Années.

Dans son dernier roman, le sulfureux Jeune Homme (2022), Annie Ernaux revient sur son idylle passée avec un homme de trente ans son cadet, alors qu’elle avait la cinquantaine. Cette œuvre est l’occasion pour l’autrice d’évoquer une nouvelle notion de la féminité, tout en abordant le temps qui passe.

De la page au grand écran

L’Evénement d’Audrey Diwan est une adaptaion de l’œuvre d’Annie Ernaux. © PROKINO Filmverleih GmbH

Son parti pris narratif, salué pour son écriture neutre, « sans jugement, sans métaphore, sans comparaison romanesque », tout comme ses sujets, en font l’une des figures emblématiques de la littérature moderne engagée et du cinéma.

Son œuvre a en effet attiré le septième-art. D’abord avec Passion Simple (2020), puis plus récemment avec L’Evènement, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2021. Si sa vie a fait l’objet d’un documentaire J’ai aimé vivre là (2020) de Régis Sauder, Annie Ernaux est également passée derrière la caméra avec Les Années Super 8 (2022) aux côtés de son fils.

Une plongée dans les années 1970, dans la vie d’une femme qui a soif d’indépendance. Un long-métrage qui fait finalement écho à la vie et à l’œuvre d’Annie Ernaux.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste