Article

L’avenir du cloud gaming se fera sans Stadia, mais l’industrie doit beaucoup à Google

02 octobre 2022
Par Pierre Crochart
Google Stadia fermera ses portes le 18 janvier prochain.
Google Stadia fermera ses portes le 18 janvier prochain. ©Google

C’était dans l’air depuis un moment : Google a officialisé la mise en bière de Stadia, sa plateforme de cloud gaming lancée en 2019. Mais il ne faudrait pas minimiser l’impact de l’entreprise en la matière.

Pouvait-il en être autrement ? Google Stadia, lancé en grande pompe en novembre 2019, ne soufflera jamais sa quatrième bougie. La firme a annoncé en fin de semaine dernière avoir pris la décision de clôturer son service de jeux vidéo dans le nuage le 18 janvier 2023. Mais il ne faudrait pas oublier que sont apparus dans son sillage des plateformes qui perpétuent son héritage. Des services qui, sans Stadia, n’auraient peut-être jamais été lancés.

L’adoption timide du cloud gaming

En 2019, quand Google lève finalement le voile sur ce que nous connaissions alors sous le nom de « Project Stream », le marché du cloud gaming était pour le moins embryonnaire. Les adeptes pourvus d’une solide connexion internet pouvaient profiter de l’offre PlayStation Now, difficile à vendre à cause de sa résolution famélique, ou de celle de Shadow. Au détail près que cette dernière se rapproche plus du cloud computing que purement gaming – on loue un véritable ordinateur dans le nuage, pas un accès à des jeux.

Or, l’arrivée d’un acteur aussi imposant que Google braque forcément les projecteurs vers cette technologie. Et si c’était le futur du jeu vidéo ? Et si les consoles de jeux finissaient par disparaître au profit de ces fermes de serveurs distants, qui ne font que nous renvoyer un flux vidéo ? Ils sont plusieurs à y croire. Et notamment Ubisoft, partenaire historique de Stadia, dont le PDG Yves Guillemot a déclaré en 2018 que le cloud gaming finirait par remplacer les PlayStation, Xbox et Switch de ce monde.

Stadia conférence GDC
La présentation de Stadia à la GDC 2019 a fait forte impression.©Google

On ne peut pas dire que les quatre années qui ont passé donnent raison au patron français. Pire : les chiffres de vente des PlayStation 5 et Xbox Series tendent même à le faire mentir. Le cloud gaming, en revanche, s’impose à son rythme… mais comme une solution de consommation alternative. Une position que résume assez bien Phil Spencer, grand manitou de la division Xbox chez Microsoft, qui présente la plateforme de la maison (Xbox Cloud Gaming, intégrée au Xbox Game Pass Ultimate) comme un important levier d’acquisition pour l’entreprise.

Finies les velléités de bouleversement de l’industrie : le cloud gaming est une commodité, une alternative aux consoles de jeu qui, plus que jamais, trouvent leur intérêt auprès des consommateurs.

Stadia a créé un appel d’air pour le cloud gaming

Si la « hype » autour de Stadia a été de courte durée, c’est en partie à cause d’un modèle économique bancal, qui oblige les joueurs à acheter leurs jeux au prix fort. Jamais la concurrence n’a pris ce risque. Soit parce qu’elle était par trop consciente que cela risquerait de faire grincer des dents, soit parce qu’une formule d’abonnement leur apparaît comme plus viable sur le long terme.

En l’occurrence, que ce soit du côté de chez Xbox, PlayStation ou NVIDIA, il n’est question que de ça. Une dîme mensuelle, s’étalant de 0€ (l’offre gratuite GeForce Now) à 19,99€ selon les options choisies, et qui ouvre l’accès à un catalogue sans fin pour occuper les longs après-midi pluvieux. À noter que l’approche retenue par NVIDIA est encore différence : son service permet en réalité de greffer sa ludothèque Steam, Battlenet ou Epic pour jouer à des titres préalablement achetés où que l’on soit. Aussi bien sur un smartphone, en 5G, qu’un notebook peu performant grâce à une simple connexion wifi.

Stadia catalogue jeux
Même si la plupart des jeux profitent d’une offre d’essai gratuite, Stadia demande aux joueurs de les payer, là où la concurrence fait le pari du catalogue illimité.©Capture d'écran/L'Éclaireur

La vérité est qu’aujourd’hui, lorsqu’on parle de cloud gaming, ne nous vient plus en tête que le Xbox Cloud Gaming, devenu pratiquement synonyme du fameux Game Pass. Chez Microsoft, ce n’est même pas une question : les abonnés à la formule la plus chère (Ultimate, facturée 12,99 € par mois) profitent d’une partie non négligeable du catalogue Game Pass via le cloud. Certains jeux disposent même de contrôles tactiles retravaillés permettant de se passer d’accessoires comme les manettes Nacon MG-X Pro sur Android ou Backbone One sur iPhone.

Ainsi, ce texte n’est pas un plaidoyer pour la mémoire de Stadia, mais un rappel que sans la tentative de Google, peut-être n’aurions-nous jamais pu lancer une partie de Fortnite sur notre iPad, confortablement installés dans notre lit. Google a pris des risques et, malheureusement pour elle, le vent n’a pas tourné en sa faveur. Une habitude pour le géant du Web, qui lance de multiples projets aussi rapidement qu’il les enterre. À ce jour, le site Killed By Google recense quelque 274 services de l’entreprise à avoir été glissés sous le tapis. Reste à savoir lequel sera le prochain.

À lire aussi

Article rédigé par
Pierre Crochart
Pierre Crochart
Journaliste