
Entre thrillers nerveux, SF avant-gardiste aux visions du futur pas si lointaines, comédies douces-amères et merveilles animées, Netflix se joue des genres et des univers. Voici notre sélection des films à ne regarder en streaming sur la plateforme en ce joli mois de mai.
Du duo ravageur Ryan Gosling-Bradley Cooper dans The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance au tendre trio Giamatti-Sessa-Randolph dans Winter Break d’Alexander Payne, du cochon géant de Bong Joon-ho dans Okja aux araignées mutantes de Sébastien Vaniček dans Vermines, en passant par les souvenirs seventies d’Alfonso Cuarón dans Roma ou la douceur tragique du Tombeau des lucioles d’Isao Takahata : voici 10 pépites à ne pas louper sur Netflix en mai.
The Place Beyond the Pines, Derek Cianfrance (2012)
Derek Cianfrance nous avait déjà déchiré le cœur avec Blue Valentine, drame intime porté par Michelle Williams et Ryan Gosling. On retrouve l’acteur canadien aux côtés d’Eva Mendes – ils ne se quitteront plus – dans The Place Beyond the Pines, destin croisé d’un cascadeur à moto devenu braqueur (Ryan Gosling) et d’un policier très ambitieux (Bradley Cooper).
Un thriller élégant doublé d’un mélo ravageur au cœur de l’Amérique profonde. Un récit en triptyque des plus malicieux, à l’équilibre entre film indé et divertissement grand public.
Okja, Bong Joon-ho (2017)
Quatre ans après la folie géniale de son Snowpiercer et deux ans avant le triomphe de Parasite, Bong Joon-ho nous revenait avec Okja. L’histoire d’amitié entre une petite paysanne coréenne et une truie géante génétiquement modifiée. Un conte écolo-fantastique qui pose la question de la consommation de viande dans notre société industrielle.
Au casting de cette curieuse farce écolo, la jeune Ahn Seo-hyeon, entourée de Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal et Paul Dano. Un film à la fois drôle et bouleversant dans lequel, comme toujours chez le cinéaste coréen, la monstruosité sert de miroir pour mieux nous renvoyer nos contradictions et notre vanité.
Total Recall, Paul Verhoeven (1990)
En 1990, Paul Verhoeven nous projetait en 2048 dans un délire schizophrénique inspiré de Philip K. Dick et devenu depuis l’un des films cultes de la SF. Avec Total Recall, le réalisateur de Robocop mettait Sharon Stone sur la voie du succès – qui la mènera jusqu’à Basic Instinct, du même Verhoeven – et consacrait Arnold Schwarzenegger. L’acteur y incarne Doug Quaid, homme tranquille hanté par ses rêves martiens et découvrant que sa vie pourrait n’être qu’une illusion implantée.
Bien avant Inception, Verhoeven brouillait ainsi déjà les pistes entre rêve et réalité tout en chargeant au passage la société américaine. Immanquable.
Le Tombeau des lucioles, Isao Takahata (1988)
Âmes sensibles, ne vous abstenez surtout pas de voir ou revoir cette pièce d’orfèvre du cinéma d’animation japonais. Le Tombeau des lucioles demeure sans aucun doute le chef-d’œuvre d’Isao Takahata, discret mais incontournable complice du maître Miyazaki.
Avec une pudeur déchirante, Isao Takahata y raconte l’errance bouleversante de Seita et de sa petite sœur Setsuko au cœur d’un Japon dévasté par la guerre. Une fuite tragique qui, sous la plume et le pinceau de Takahata, devient un hymne à l’amour fraternel et à la mémoire. Une ode à l’innocence sacrifiée.
Roma, Alfonso Cuaron (2018)
C’est un Alfonso Cuarón à la recherche du temps perdu qui revisite ici tout un pan de son enfance dans un noir et blanc absolument merveilleux. Il y a du Marcel Proust dans ce Roma, voyage intimiste et tumultueux au cœur de la mémoire de son réalisateur. À travers l’enivrante chronique d’une famille de classe moyenne à Mexico dans les années 1970, Alfonso Cuarón nous livre une poignante déclaration d’amour aux femmes qui l’ont élevé. Un tour de force esthétique à la puissance poétique envoûtante.
Pieces of Woman, Kornél Mundruczó (2020)
Après son déjà très remarqué White God, le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó faisait son retour en 2020 avec son premier film américain, Pieces of Woman. D’un saisissant plan-séquence de 20’ en ouverture, le cinéaste laisse surgir sous nos yeux fascinés la chronique intimiste de la déliquescence d’un couple face à un deuil impossible : celui d’un enfant mort-né.
Dans le rôle de celui et celle qui s’apprêtaient à devenir parents, les très convaincants Shia LaBeouf et Vanessa Kirby. Celle-ci délivrant une performance XXL en interprétant cette femme dévastée, contrainte de se reconstruire envers et contre tout (et tous).
The Truman Show, Peter Weir (1998)
Et si votre vie entière n’était qu’un gigantesque spectacle ? On était en 1998, la téléréalité n’avait pas encore ravagé la France, et on découvrait le génial Truman Show de Peter Weir. Un film visionnaire populaire, de genre et d’auteur, tout cela à la fois, où Jim Carrey campe Truman Burbank, star malgré lui d’un monde entièrement fabriqué, observé et filmé. Lui seul ignore la réalité.
Un film dont le vernis de comédie douce-amère s’écaille peu à peu pour laisser émerger la satire acerbe d’un monde dominé, manipulé par les écrans et dans lequel tout libre-arbitre devient impossible. Culte.
Winter Break, Alexander Payne (2023)
Dans l’hiver feutré de 1970, en Nouvelle Angleterre, trois âmes esseulées – un professeur revêche (formidable Paul Giamatti), un élève aussi doué que révolté (Dominic Sessa, superbe révélation) et une cuisinière endeuillée (l’oscarisée Da’Vine Joy Randolph) – se retrouvent à passer les fêtes de Noël ensemble sur le campus d’un pensionnat d’excellence pour garçons, le temps du traditionnel Winter Break.
De cet improbable trio en guise de matériau, Alexander Payne déroule une petite merveille d’humanité, teintée de nostalgie. Une délicate union d’ironie et de tendresse.
J’ai perdu mon corps, Jérémy Clapin (2019)
J’ai perdu mon corps, c’est l’histoire de deux trajectoires blessées. Celle d’une main coupée prête à tout pour retrouver le corps dont elle a été séparée. Et celle de Naoufel, jeune Marocain livreur de pizza à Paris, perdu entre passé et présent.
De ce double récit entrelacé, adapté du roman Happy Hand de Guillaume Laurant, Jérémy Clapin livre un bijou d’animation. Une fable sensorielle tendre et subtile, où la perte du corps devient métaphore d’une identité morcelée. De l’animation made in France comme on aimerait en voir plus souvent.
Vermines, Sébastien Vaniček (2023)
Un immeuble bouclé, assiégé par des araignées. Des habitants piégés. Partout, la menace qui grouille, silencieuse, tissant sa toile d’angoisse dans chaque recoin du bâtiment et resserrant peu à peu sa mortelle étreinte…
Avec Vermines, Sébastien Vaniček signe un premier film choc d’une étonnante maîtrise. Un huis clos ultra-efficace, où la survie devient une course contre la peur. Où l’horreur viscérale se teinte de tension sociale. De l’énergie brute et pas mal d’audace pour une expérience immersive des plus intenses. La preuve qu’il est possible de faire d’excellents films de genre en France.