En mars, parmi les poches à ne pas manquer, on a le choix entre l’enquête intergénérationnelle de Guillaume Musso, une sororité des antipodes imaginée par Melissa Da Costa et un retour aux origines de Bret Easton Ellis. On se laisse également séduire par les histoires de famille de Clarisse Sabard, Fabien Truong et Alessandro Piperno, la fresque coréenne de Juhea Kim et le portrait d’une héroïne par Anna Stuart. Ou craquer pour la légèreté de Serena Giuliano et la fantasy gothique d’Hester Fox.
Angélique – Guillaume Musso (LGF)
Un policier retraité au cœur fragile, se réveille dans une chambre d’hôpital au son des notes jouées par une jeune violoncelliste postée à son chevet. Cette parfaite inconnue nommée Louise lui fait alors une demande étonnante : retrouver l’assassin de sa mère que l’enquête officielle a déclaré morte de cause naturelle. D’abord réticent, l’ex-flic bougon va finalement reprendre du service sans se douter qu’il va se retrouver entraîné dans une spirale infernale. D’humeur joueuse, Guillaume Musso nous offre avec Angélique un thriller voyageur en temps de pandémie entre Paris et Venise dont l’évident pouvoir divertissant est au service d’une réflexion plus profonde sur les conséquences de la rancœur.
Les Femmes du bout du monde – Melissa Da Costa (LGF)
De plus en plus éloignée de la case feel good où elle a été beaucoup trop rapidement rangée à ses débuts, Melissa Da Costa s’impose roman après roman comme une vraie personnalité littéraire au style marqué par la poésie, la mélancolie et surtout les émotions. Après une sombre histoire d’emprise dans le milieu de l’art (La Doublure), elle retrouve ses fondamentaux avec Les Femmes du bout du monde. Direction la Nouvelle-Zélande et sa nature luxuriante où une mère et sa fille à la tête d’un camping accueillent dans leur vie une jeune parisienne en quête d’un nouveau départ. À force de sincérité et de confidences, la méfiance de départ va peu à peu se transformer en une lumineuse histoire d’amitié rédemptrice.
La sage femme d’Auschwitz – Anna Stuart (J’ai Lu)
Après avoir publié une trilogie de romans historiques sous pseudonyme, sans doute pour éviter toute confusion avec une des reines de la romance US, la Britannique Anna Stuart reprend son patronyme pour se lancer dans une nouvelle série consacrée à des femmes exceptionnelles ayant lutté pour la vie dans l’antre de la mort. Fiction historique inspirée de faits et de personnages réels, La sage femme d’Auschwitz retrace l’histoire poignante d’une infirmière chrétienne et d’une sage femme juive luttant pour sauver des bébés dans l’enfer concentrationnaire du sinistre camp polonais. Prenant tous les risques face à l’horreur absolue qui les menace, ces deux combattantes incarnent le meilleur de l’humanité.
Un coup de soleil – Serena Giuliano (LGF)
Autrice de romans feel good italiens écrits en français, Serena Giuliano fait une nouvelle fois briller sa double culture avec Un coup de soleil, son roman 2023. À Salerne en Campanie, une femme de ménage d’origine française et mère de jumeaux adolescents tente d’oublier sa récente rupture amoureuse en se dévouant à son travail. Vaillante mais déprimée, ses incursions quotidiennes dans l’intimité de clients haut-en-couleurs pourrait enfin faire basculer son destin du bon côté. Des personnages attachants, de la bienveillance et de l’humour… Sous le soleil de l’Italie, Serena Giuliano nous sert un délicieux cocktail rafraîchissant.
Les Éclats – Bret Easton Ellis (10/18)
Depuis son apparition fracassante au cœur des années 80 avec des romans qu’on a qualifié de générationnels, Bret Easton Ellis est passé du statut de pop star sulfureuse de la littérature US à celui de respectable écrivain patrimonial. Quarante ans plus tard, sans doute un poil assagi par l’âge et la reconnaissance populaire de son œuvre singulière, l’auteur d’American Psycho n’a pourtant rien perdu de son mordant. Toujours aussi à l’aise dans l’auto-fiction, le voilà qui remonte une nouvelle fois le temps jusqu’au préambule de sa vie d’adulte. De retour au lycée à l’époque de l’écriture de Moins que zéro, Les Éclats permet de le retrouver en dandy blasé adepte des excès narcotiques dont l’existence va être bouleversée par un nouvel élève lié de façon inattendue avec un serial killer sévissant alors dans les quartiers huppés de Los Angeles.
Un air d’éternité – Clarisse Sabard (Pocket)
Entre saga familiale et romance, son cœur balance… Quand elle n’écrit pas de belles et réconfortantes histoires d’amour, Clarisse Sabard imagine de grandes fresques où la petite et la grande histoire se télescopent au sein d’une même famille. C’est justement à cette dernière catégorie qu’appartient Un air d’éternité, son roman 2023. L’histoire est celle d’une jeune femme retrouvant dans le grenier de son grand-père le journal intime d’une grande tante résistante. Au fil des pages, elle découvre l’engagement sans faille contre l’occupant nazi d’une combattante courageuse mais aussi d’insoupçonnés secrets de famille.
La berceuse des sorcières – Hester Fox (J’ai Lu)
Jeune romancière américaine formée à l’archéologie et à la muséographie, Hester Fox assouvit sa passion pour l’histoire, le fantastique et les ambiances gothiques à travers des romans où les femmes tiennent toujours les premiers rôles. Parfait exemple de cette synthèse, La berceuse des sorcières s’affirme comme une romance historique et féministe teintée de fantasy. Employée dans un célèbre manoir de Nouvelle-Angleterre transformé en musée, une jeune femme introvertie en souffrance dans sa vie sentimentale va être hantée par l’esprit d’une jeteuse de sorts au caractère volcanique ayant habité les lieux cent cinquante ans plus tôt.
Créatures du petit pays – Juhea Kim (10/18)
Jeune journaliste fermement engagée sur les questions environnementales, Juhea Kim est à la tête d’un magazine consacré aux modes de vie durables et la littérature écologique. Quand elle ne publie pas des essais ou des articles sur la faune, la flore et le climat, elle écrit de la fiction où elle renoue avec ses racines coréennes. Créatures du petit pays, son premier roman, plonge dans le Séoul des années folles durant l’occupation japonaise du début du XXe siècle. Sous la forme d’une grande fresque historique et romanesque, entre lutte des classes et combat indépendantiste naissant, elle s’attache au destin d’une courtisane vendue alors qu’elle n’avait que dix ans par sa mère à une tenancière de la capitale.
La taille des arbres – Fabien Truong (Rivages)
Ancien professeur de lycée en Seine-Saint-Denis aujourd’hui sociologue et écrivain, Fabien Truong a suivi durant dix ans le parcours scolaire et personnel de plusieurs de ses anciens élèves. De cette étude de longue haleine, il tire en 2015 un récit remarqué pour sa justesse à décrire loin des clichés les aspirations des jeunes des banlieues populaires. Puisant à nouveau dans son expérience croisée de l’enseignement et de la sociologie, il publie en 2023 La taille des arbres. Un premier roman mettant en scène un professeur de français du 93 qui réalise le projet fou d’emmener ses élèves en Nouvelle-Calédonie et au Vietnam où il lèvera au passage le voile sur tout un pan de son histoire familiale.
La faute – Alessandro Piperno (Liana Levi)
Écrivain italien spécialiste de Proust qui a fait de la bourgeoisie juive romaine son domaine de prédilection, Alessandro Piperno n’a pas toujours fait l’unanimité autour de ses romans. Vainement provocateur pour certains, génie dans la lignée de Philip Roth, qu’il adule, pour d’autres, il s’est notamment employé à disséquer les mœurs de la haute société italienne et à théoriser la différence entre judaïsme et judéité. Pour La faute, son sixième roman en dix-huit ans, il se projette dans les années 80 à Rome aux côtés d’un jeune homme désabusé. Ce fils d’un père fantasque et catholique et d’une mère psychorigide d’origine juive, va renier et remplacer ces parents qui lui font honte par une famille plus conforme à ses ambitions. Quarante ans plus tard, la culpabilité le ronge…
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