Que ce soit pour prolonger le plaisir de lecture ou se faire une idée de l’œuvre originale, l’adaptation de romans en bande dessinée permet de faire de belles découvertes et de lire autrement. Si le temps ou le courage manquent parfois pour se plonger dans un bouquin, la BD sera une bonne solution de remplacement : plus vite lue, plus attrayante pour certains, plus vivante grâce au dessin. N’hésitez plus, lisez !
Que ce soit pour prolonger le plaisir de lecture ou se faire une idée de l’œuvre originale, l’adaptation de romans en bande dessinées permet de faire de belles découvertes et de lire autrement. Si le temps ou le courage manquent parfois pour se plonger dans un bouquin, la BD sera une bonne solution de remplacement : plus vite lue, plus attrayante pour certains, plus vivante grâce au dessin. N’hésitez plus, lisez !
Mes coups de cœur
La Ballade de Sean Hopper – Christophe Merlin
Adapté du roman pour adolescents de Martine Pouchain, La ballade de Sean Hopper est un récit magnifique ! Racontée par Bud, un gamin délaissé recueilli par sa grand-mère Cherokee, l’histoire de Sean Hopper est celle d’un homme frustre, brutal et torturé qui ne laisse pas de place aux sentiments. Entre son travail à l’abattoir et sa maison où l’attendent un père dément et sa gentille compagne Bonnie, sa vie semble toute tracée. Jusqu’au jour où Bonnie s’en va… Fou de rage, Sean s’envoie dans le décor en voiture et frôle la mort. Plus rien ne sera comme avant et Sean devra faire face à son passé s’il veut s’offrir un avenir. Touchant, c’est le genre de livre qu’on referme avec le sentiment que l’amour peut beaucoup.
Le dessin est très vivant, bourré d’émotions, il illustre à merveille cette belle histoire en arrondissant les angles avec des couleurs chaudes et douces. Il dépeint aussi une certaine idée de l’Amérique : rurale, communautaire, populaire.
Ce qu’il faut de terre à l’homme – Martin Veyron
Martin Veyron, délaissant ici comédie de mœurs et dessin de presse, s’attaque à une nouvelle de Tolstoï. Située dans la Russie rurale du 19ème, l’histoire est intemporelle : un paysan pauvre va trouver l’opportunité de s’enrichir un peu et cèdera petit à petit à l’appât du gain, quitte à abandonner les siens et son âme au passage.
Ce petit conte grinçant permet à Martin Veyron de faire montre de son talent de scénariste (les dialogues sont plus vrais que nature) et d’illustrateur. En effet, il a vraiment planté le décor de son récit avec adresse et minutie, dans le souci du détail.
Il réussit donc le tour de force de nous servir sur un plateau une histoire tirée de la littérature Russe classique, inspirée par la domination des tsars sur leurs sujets, tout en profitant de l’occasion pour démontrer avec malice que certains défauts de l’homme semblent intemporels et incurables. Pas mal !
Le Rapport de Brodeck – Manu Larcenet
Quelle maîtrise ! À chaque fois que j’ouvre cet album, tiré du roman de Philippe Claudel, je me demande si Manu Larcenet a atteint le sommet de son art ou s’il peut encore progresser. Le trait hachuré, torturé, tranchant mais aussi plein de finesse, de délicatesse, l’équilibre entre noir et blanc, l’intelligence du découpage, le tempo du récit… Tout s’harmonise à merveille, il fallait au moins un Manu Larcenet pour mettre en image ce récit sombre, pesant qui brosse un tableau désenchanté de la psychologie humaine.
Dans un village reculé, peu après la guerre, un crime est commis. La plupart des hommes du hameau en sont responsables. Ils confient à Brodeck le soin de rédiger un rapport pour l’administration, mais il n’accepte qu’à la condition de relater la stricte vérité, ce qui risque de le mettre en danger. C’est dans une atmosphère paranoïaque et étouffante que Brodeck tente de dérouler le fil des évènements tout en gardant son intégrité morale.
Confidences à Allah – Marie Avril & Eddy Simon
Dans un long monologue, Jbara, petite bergère pauvre des montagnes du Maroc, s’adresse à Allah. Déshonorée, rejetée par son père, elle est contrainte de quitter les siens. Seule, enceinte, ignorante, elle débarque dans la grande ville sans rien d’autre qu’une valise et le désir de s’en sortir malgré tout. Son parcours ne lui épargnera rien : prostitution, amour déçu, solitude… Mais aussi : une relative richesse et la reconnaissance des siens, et surtout la liberté de mener sa vie comme elle l’entend. Lorsqu’elle se confie à Allah, Jbara est d’une franchise déconcertante, elle n’hésite pas à mettre son « confident » au pied du mur, le défiant de la juger. Le texte est mordant, souvent cynique, mais aussi très touchant. Jbara est une belle âme qui n’a pas eu de chance mais qui n’accuse personne, simplement elle veut vivre…
Le dessin de Marie Avril est très agréable, les couleurs sont douces, le trait est souple, il y a une belle lumière. De quoi assouplir la dureté du récit et mettre en valeur la force intérieure de la belle Jbara. Adapté du roman de Saphia Azzedine.
Et quelques autres idées de lectures
Ô vous, frères humains – Luz
Dans cet album poignant, Luz met en image le récit d’Albert Cohen, où il relate un fait marquant de son enfance. Alors que rien ne prépare ce petit garçon à la haine, celui-ci est pris à partie par un camelot qui le traite de « sale youpin », lui jetant tout son mépris à la figure. De cette blessure, Albert Cohen a fait un roman intemporel et bouleversant qui montre la souffrance d’un enfant mais aussi son don pour l’espoir et la bienveillance.
Luz s’est emparé de ce récit avec brio, laissant libre cours à sa plume pour transporter le lecteur à travers le temps et les sentiments. Il s’agit ici d’une adaption très libre, qui n’utilise que peu de passages du texte original. Luz s’est vraiment employé à vous embarquer au cœur du ressenti de l’enfant, et pour cela, son inventivité graphique n’a pas démérité : les pages pleines sont saturées d’émotion, chargées d’angoisse et d’incompréhension. Plus qu’une lecture, il s’agit ici d’une plongée en apnée dans les lavis d’un dessinateur passionné !
La Gloire de mon père – Morgann Tanco
Les éditions Bamboo ont lancé, fin 2015, l’adaptation en bande-dessinée de certaines œuvres de Marcel Pagnol, dans la collection Grand angle. Vous pouvez d’ores et déjà (re)découvrir La gloire de mon père, récit réjouissant d’une enfance dans la garrigue, réchauffée par la présence d’un père attentif et aimant. Ces souvenirs de jeunesse sont distillés avec malice et la mise en image est chaleureuse, classique et colorée avec goût.
Vous pourrez aussi découvrir les adaptations de Merlusse, le conte de Noël de Pagnol où de belles âmes se cachent sous de vilains aspects, et Topaze, une petite comédie de mœurs où la morale d’un brave homme est mise à rude épreuve.
Martin Eden – Aude Samama & Denis Lapière
Tiré du roman de Jack London, ce bel album raconte le douloureux destin de Martin Eden, un marin de basse extraction tombé fou d’amour pour une jeune fille de bonne famille. Afin de plaire aux parents de sa belle, et aussi par goût, il se lance à corps perdu dans la littérature et la poésie, cherchant à combler ses lacunes et à séduire la jolie Ruth. Il se découvrira du talent et décidera de devenir écrivain, mais le succés ne vient pas, la misère le guette, sa fiancée lui tourne le dos… C’est le récit du désespoir, de l’amour des lettres, de l’amour déçu, de la renonciation, de la fracture sociale, bref ce texte offre de nombreux angles d’approche.
Aude Samama, la dessinatrice, a privilégié la couleur directe pour illustrer cette histoire, ce qui donne beaucoup de présence aux personnages. Selon les couleurs employées, il se dégage force, colère ou douceur et le récit est bien mis en valeur par ce trait brut, à l’image du vécu d’Eden.
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