
Entre électro, influences latino-américaines et trap, Baby Volcano façonne un univers singulier, nourri de ses racines suisses et guatémaltèques. Artiste complète, à la croisée du son, de la danse et de la performance, elle s’apprête à envoûter le public du Fnac Live Paris 2025. Rencontre.
Son nom claque comme une petite bombe : Baby Volcano. Cette tornade suisso-guatémaltèque, de son vrai nom Lorena Stadelmann, tire de sa double culture une musique hybride, avant-gardiste, où pop, hip-hop et electro s’entremêlent, tout comme le français et l’espagnol. Inspirée par la nature, les sons latinos et par la quiétude de sa jolie campagne helvète, la jeune artiste de 29 ans s’ancre dans un air du temps mouvant et revendique ses envies de mettre des coups de pieds dans la fourmilière.
Alors qu’elle vient de sortir son deuxième EP Supervivenxia et qu’elle sera la scène du Fnac Live Paris 2025 pour un show assurément bouillonnant, Baby Volcano nous parle de ses influences, de ses engagements féminismes et de son futur concert.
Comment définiriez-vous votre style musical à quelqu’un qui ne vous aurait jamais écouté ?
Je dirais que c’est une musique hybride, nourrie par des influences hip-hop, latino-américaines et électroniques. Une musique viscérale, organique, presque instinctive. C’est difficile à résumer, mais je crois que c’est ce mélange-là qui me représente le mieux.
Vous parlez aussi de « witch pop ». C’est quoi de la « pop de sorcière » ?
C’est un terme qui revenait souvent à mes débuts, sur les premiers projets. À ce moment-là, il traduisait bien une certaine atmosphère dans ma musique : quelque chose de mystérieux, de sacré, presque mystique. Aujourd’hui, je m’en suis un peu éloignée, mais il reste des racines spirituelles dans mon rapport au son. Une dimension chamanique, peut-être.
Justement, vous jouez beaucoup avec les codes, les langues, les sons bruts. Est-ce que c’est une manière de pulvériser les formats dominants ?
Ce n’est pas quelque chose de calculé. Ayant grandi entre deux langues, le français et l’espagnol, et entre deux cultures, suisse et guatémaltèque, cette dualité fait partie intégrante de ma manière d’être au quotidien. Et cela se reflète dans ma musique. Je pense que c’est aussi pour ça qu’on a du mal à la faire entrer dans des cases précises. Elle parle de moi, tout simplement.
Justement, on ressent vos racines latino-américaines dans votre musique. En quoi cet héritage-là infuse-t-il dans votre projet ?
Cet héritage fait entièrement partie de l’ADN de mon projet, tout comme mes racines suisses. C’est difficile de distinguer ce qui vient de l’un ou de l’autre, tant les influences sont entremêlées. Il y a un mélange complexe, organique. À travers ma pratique artistique, j’essaie justement de trouver ma propre musique, ma propre voix. Je fabrique une sorte de « folklore » personnel, nourri des cultures et des influences qui m’accompagnent depuis toujours.
Vous allez souvent au Guatemala, le pays de votre mère ?
Oui, et je vais souvent en Amérique latine. Là, je reviens d’un mois en Colombie : j’y ai donné des concerts et j’ai travaillé avec des artistes et des productrices de là-bas.
Le clip de Baby Volcano, Knock Down
Vous avez choisi de chanter en partie en espagnol, ce qui reste encore assez rare dans la pop européenne. Est-ce qu’une artiste comme Rosalia vous a encouragée à choisir cette voie ?
Quand Rosalia a sorti son deuxième album, je n’avais pas encore lancé mon projet musical, mais je pratiquais déjà la danse et la performance. Je ne dirais pas qu’elle m’a directement influencée sur le choix de chanter en espagnol, parce que cette langue fait partie de moi depuis toujours. J’ai grandi avec elle, et j’ai toujours écouté énormément d’artistes latino-américain.e.s. À l’époque, je vivais à Buenos Aires, entourée d’artistes hispanophones. Donc chanter en espagnol, ce n’était pas un choix conscient, c’était naturel.
Mais Rosalia a marqué un tournant pour beaucoup. Elle est arrivée avec une direction artistique très forte, qui a redéfini pas mal de choses dans le paysage musical. À ce niveau-là, oui, elle m’a beaucoup inspirée.
Quels artistes latino-américain.e.s vous ont inspirée ?
J’ai été très marquée par des voix graves, dramatiques, celles qu’on entend dans les boleros. Cette intensité qui touche sans en faire trop, c’est quelque chose qui m’a longtemps accompagnée. Durant mon adolescence, j’ai écouté Buena Vista Social Club en boucle. Et plus récemment, j’ai eu un vrai déclic en découvrant Nathy Peluso, sur son tout premier EP, alors que je vivais encore en Argentine. Elle est argentine mais installée en Espagne, et c’est vraiment par elle que j’ai connecté profondément avec le rap en espagnol.
Et dernièrement, j’ai fait une collaboration avec Anto Pico Tres, une très jeune artiste colombienne. Elle doit avoir à peine 20 ans et commence son projet. Elle m’a beaucoup inspirée car il y a quelque chose de très impulsif dans sa manière de faire. Ça m’a reconnectée avec ce côté-là de ma musique, avec le fait de mettre des coups de pied dans la fourmilière.
Au fait, pourquoi ce nom de scène, « Baby Volcano » ?
Ce nom vient de ma passion pour les volcans. J’adore la nature, et elle est omniprésente au Guatemala. C’est un petit pays, mais il compte plus d’une vingtaine de volcans. On les voit, on les entend, on les sent. Il y a régulièrement de petits tremblements de terre, presque imperceptibles, mais qui rappellent à quel point la terre y est vivante. Certains volcans entrent en éruption, c’est impressionnant, magnétique, presque mystique. J’ai toujours trouvé ça fascinant. C’est cette énergie brute, presque sacrée, que j’avais envie d’approcher à travers ce nom.
Je crois que vous habitez un tout petit village en Suisse. Or votre musique est très urbaine. En quoi le fait d’être isolée vous inspire ?
J’aime vivre dans des endroits très reculés, parfois minuscules. Ce cadre me permet d’avoir un rapport très intime à la nature, un rythme plus lent, moins frénétique, qui me fait du bien- même en dehors de mon activité artistique. C’est un mode de vie qui me correspond profondément.
Et puis, d’un point de vue créatif, l’isolement ouvre un espace à l’imaginaire. Quand on est loin du tumulte, on peut s’autoriser à inventer, à construire des mondes, à faire appel à la fiction. En ville, on est souvent entouré d’autres artistes, d’influences multiples, parfois même de comparaisons. Alors qu’isolée, j’ai l’impression d’être dans une bulle qui favorise la création de mon propre univers, étape par étape.
Le premier EP, sorti en 2021, s’appelait Síndrome Premenstrual. Est-ce une manière de déstigmatiser le tabou des règles ?
Oui, tout à fait. À l’époque, j’avais composé un morceau qui s’appelait SPM parce que c’était la première fois que j’entendais vraiment parler du syndrome prémenstruel de manière claire. Je devais avoir 24 ans, et j’ai trouvé fou de découvrir ça aussi tard. Le simple fait de mettre un mot sur ce vécu m’a paru essentiel. J’ai ressenti un vrai besoin d’en parler, surtout face au tabou persistant autour de ces sujets.
C’est important pour vous de porter une parole féministe, engagée ?
Je dirais que c’est même une nécessité. J’écris et je crée à partir de choses que je ressens profondément, de ce qui me traverse. Ce n’est pas une démarche construite autour de ce qu’il faudrait dire ou défendre, mais plutôt une expression personnelle, intime, presque instinctive.
Qu’est-ce qui a nourri votre pensée féministe ?
La vie ! Tout ce qui peut nous arriver, toutes les remarques que l’on subies tous les jours… Il n’y a pas besoin d’aller chercher loin. C’est le vécu.
Avez-vous été confrontée au sexisme dans le milieu de la musique ?
Bien sûr, même si ce ne sont pas toujours des remarques frontales. Dans certains contextes, comme les festivals ou les lieux où l’on est accueilli par des personnes qu’on ne connaît pas, il peut y avoir des commentaires un peu lourds, parfois bêtes, souvent banal. Et puis, au-delà de ça, dans le travail au quotidien, il existe des formes de sexisme plus subtiles, plus ancrées. Il faut souvent se battre pour être prise au sérieux, de faire sa place…
Que peut-on attendre de votre prestation au Fnac Live 2025 ?
Il y aura beaucoup de surprises pendant le live. Le concert est très performatif, on peut dire ça comme ça. Ce sera un vrai spectacle, construit un peu comme une pièce de théâtre. J’ai envie, à certains moments du show, de travailler une émotion ou une énergie particulière pour le public. Du coup, je crée parfois des morceaux spécialement pour le live, parce que je sais qu’à tel moment, je veux que ça remue ou provoque une certaine ambiance.
Pour tout savoir sur le festival Fnac Live Paris 2025, c’est par ici