Décryptage

Objet culte – BlackBerry, l’âge d’or du téléphone à clavier

09 août 2023
Par Théo
Objet culte – BlackBerry, l’âge d’or du téléphone à clavier

C’est la marque d’un produit spécifique, le téléphone portable à clavier. BlackBerry a connu son heure de gloire dans les années 2000, lorsque le président américain Barack Obama s’affichait avec un modèle de cette gamme emblématique. Mais le téléphone préféré des professionnels n’a pas résisté au tsunami des smartphones à écran tactile.

Du pager au téléphone portable

RIM (Research in Motion), l’entreprise canadienne à qui l’on doit l’invention du BlackBerry, n’a pas toujours fabriqué des téléphones portables. Avant cela, la société fondée en 1984 par Mike Lazaridis a travaillé autour du pager, cet appareil de radiomessagerie permettant d’envoyer des messages par radio – l’ancêtre du SMS. La marque dévoile en 1996 le RIM 900, l’un des premiers pagers permettant de recevoir et d’envoyer des messages sous forme de notifications écrites en mode push. Un écran, un clavier : les bases sont posées. Deux ans plus tard, le modèle suivant – le RIM 950 – améliore l’ergonomie et se connecte à internet. Au téléavertissement, il ajoute la possibilité de gérer sa boîte mail – plusieurs même – en déplacement, ainsi que son agenda électronique. Il séduit les cadres pour son utilisation et les investisseurs pour son potentiel, permettant à RIM d’être coté en bourse.

L’entreprise basée en Ontario peut alors s’attaquer au marché de la téléphonie mobile… non sans passer par une étude marketing pour nommer sa gamme à venir de téléphones à clavier. Laxicon Branding, l’agence qui a trouvé le nom de « BlackBerry » (« mûre » en anglais) l’explique sur son site internet : « RIM avait besoin d’un nom qui apaise les inquiétudes des consommateurs par rapport à sa promesse, l’accès constant à courriers électroniques […] Le nom de la marque établit un lien subtil avec le clavier – la signature de l’appareil – à travers les petites drupéoles que l’on trouve sur le fruit ». Comprenez les petites graines qui composent une mûre. Un concept innovant, un nom qui claque : RIM était prêt à venir disrupter le marché des téléphones portables.

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Des téléphones BlackBerry jusqu’à l’overdose

C’est en 2002 que le premier téléphone BlackBerry voit le jour, le BlackBerry 5810. 117 mm de haut, 78,50 mm de large, 133 grammes sur la balance : l’ergonomie n’est à première vue pas le fort de ce modèle, mais sa prise en main est cohérente avec sa principale fonctionnalité, l’écriture sur un clavier QWERTY. La conversion du pager au téléphone ne se fait d’ailleurs pas sans défaut, car le 5810 n’intègre ni haut-parleur ni micro : il nécessite un casque pour passer et recevoir des appels ! Il est en revanche déjà compatible avec les SMS.

Son successeur en 2003, le BlackBerry 7230, s’apparente à un smartphone avant l’heure : écran couleur de 2,6 pouces et navigateur web. Il sera rapidement affublé du surnom de CrackBerry tant son utilisation devient addictive ! Peu à peu, RIM retravaille l’ergonomie de sa gamme BlackBerry en affinant ses dimensions avec le 7100t en 2004 (58 mm de large, 21,50 de moins que le premier modèle). Comment ? En mettant deux lettres sur chaque touche ! Cette entorse au clavier intégral est corrigée en 2007 avec le BlackBerry Curve 8300, qui trouve le parfait équilibre pour réinstaurer un clavier QWERTY et son vaste écran. Il assume le format « large » spécifique de la gamme (107 x 60 mm) et intègre de nombreuses fonctionnalités (éditeur photo, lecteur audio/vidéo, slot microSD, correcteur orthographique).

Retrouvez tous nos articles consacrés aux objets tech cultes : vous saurez tout sur l’origine de produits tels que l’iPhone, l’iPod, Windows, le Minitel, le Nokia 3310, le Macintosh, le Dynatac 8000x, le Thinkpad 700c, la GoPro Hero.

En 2008, RIM tente de répondre à l’iPhone avec un modèle à écran tactile – le BlackBerry Storm. Mais c’est un échec : les amateurs de la marque attachés au clavier ne sont pas prêts à ce changement, les autres préfèrent l’original d’Apple. En parallèle toutefois, la marque canadienne continue de défendre son modèle trackball + clavier QWERTY via les BlackBerry Tour. On voit aussi émerger un modèle à clavier coulissant – le BlackBerry Torch – et mêmes des déclinaisons à clapet – le BlackBerry Pearl Flip et le BlackBerry Style. La marque en arrive à conjuguer clavier QARTY et interface tactile dans le BlackBerry Bold 9900 en 2011. Le meilleur des deux mondes ? Le BlackBerry Classic en 2014 sera le dernier modèle fidèle à l’ADN de la gamme, mais il est déjà trop tard…

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La chute d’un empire

A clavier ou tactile, le téléphone BlackBerry n’a plus la cote dans les années 2000. Il ne trouve pas sa place entre l’iPhone et les modèles Android, qui ouvrent l’ère des applications. Des applis dont le magasin de BlackBerry – l’App World – manque cruellement, la faute à de mauvais choix stratégiques. La marque se convertira trop tardivement à l’OS de Google en 2015. Les cadres ont migré vers d’autres fabricants de modèles haut de gamme (Apple et Samsung en tête), tandis que les constructeurs chinois prennent les positions sur l’entrée de gamme. L’image de BlackBerry est devenue poussiéreuse, elle n’a plus aucun point de différenciation alors que son clavier QWERTY fut longtemps son porte-étendard. En 2013, Apple vendait davantage d’iPhone en un week-end que RIM de BlackBerry en un trimestre. Le vent a tourné. TCL en 2017 puis OnwardMobility depuis 2020 s’évertuent néanmoins à maintenir l’héritage, à l’image du BlackBerry Q5.

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BlackBerry, le téléphone culte des années 2000

Au plus fort de la BlackBerry mania, près de 50 millions d’utilisateurs ont plébiscité les téléphones à clavier de RIM. En 2009, RIM représentait 20 % des ventes de téléphones portables, et cette part sera divisée par deux d’ici 2012, avant de continuer de fondre sous l’effet de la panne mondiale frappant son système d’exploitation en début d’année.

Ce fut notamment l’objet fétiche des cadres dynamiques, qui appréciaient la praticité de son clavier QWERTY, mais aussi sa messagerie instantanée BBM (BlackBerry Messenger), précurseure en la matière à une époque où WhatsApp ou Facebook Messenger n’étaient pas de la partie. Elle permettait en effet de se substituer aux SMS, dont le nombre était alors contraint dans les forfaits mobiles.

Le BlackBerry a démocratisé l’internet mobile grâce sa technologie réduisant la taille des pièces jointes de grande taille. Avant l’avènement du très haut débit mobile, il consommait jusqu’à trois fois moins de bande passante que ses concurrents ! Cela a contribué à son succès auprès des grandes entreprises. Il a aussi participé à abattre la frontière entre vie professionnelle et vie privée avec ses notifications des réseaux sociaux et la possibilité de se connecter à plusieurs comptes e-mails. Mais à mesure que la vitesse de connexion a progressé, sa plus-value s’est dissipée et ses défauts se sont accentués.

Son plus grand ambassadeur fut le président américain Barack Obama, qui a souhaité conserver son téléphone BlackBerry à son arrivée à la Maison Blanche en 2008 contre l’avis du Secret Service. Il s’avérera après coup que les modèles de la marque souffraient d’importantes failles de sécurité…

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Théo
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