Critique

1 mois/1 classique : La Peste écarlate de Jack London

11 avril 2020
Par Sébastien Thomas-Calleja
1 mois/1 classique : La Peste écarlate de Jack London

À travers cette nouvelle d’anticipation, l’auteur de Croc-Blanc et de L’appel de la forêt nous conte l’apocalypse et la résurrection, grâce au pouvoir de la nature, à cause de l’orgueil de la culture, et pour une humanité renouvelée. Une fable catastrophiste inspirée.


« Un jour viendra où les hommes, moins occupés des besoins de leur vie matérielle, réapprendront à lire. »

la peste écarlateLa dévastation

« Dix mille années de culture et de civilisation s’évaporèrent comme l’écume, en un clin d’œil. »

C’est sur une terre désolée qu’avance le vieil homme et son petit-fils. Un paysage d’abandon duquel seul l’ancien connaît encore la signification, quand ils marchent ensemble sur une voie ferrée abandonnée, ou traversent les ruines d’une station balnéaire. Ce sont les signes d’un passé perdu, les traces d’une civilisation disparue.

Nous sommes en 2073. Le garçon ne sait ni lire ni écrire et s’exprime par des borborygmes qui peuvent parfois faire penser à un dérivé de la langue anglaise. Aujourd’hui, les ours dominent cette région de la Californie et les hommes se nourrissent de chasse et de pêche.

Le vieil homme est son grand-père et ils rejoignent tous deux leur campement précaire.

La catastrophe

« Ils lâchaient la bride à leur bestialité, s’enivraient et s’entretuaient. Peut-être, au fond, avaient-ils raison ? Ils ne faisaient rien que d’avancer la mort. »

Le feu de camp qui les réchauffera sera l’occasion pour le vieillard de leur raconter pour la énième fois ses souvenirs du monde qu’il a connu. Ce vieux radoteur retrouvant deux autres de ses petits-fils, leur racontera comment était la vie avant sa destruction. Sont-ils devenus plus matures ou seulement curieux de vraiment enfin savoir, ils l’écouteront pour la première fois sans le prendre pour un affabulateur sénile. Car ils n’ont jamais connu d’autres formes de vie que cette celle sauvage et préhistorique qui les a vus naître.

Mais il est temps pour eux aujourd’hui de savoir ce qu’il s’est passé il y a soixante ans, en cette année 2013. Car la maladie foudroyante qui emporta alors l’humanité à la vitesse de l’éclair ne fut pas qu’un fléau sanitaire. Elle plongea le monde dans la barbarie. L’homme face à l’imminence de la mort se révéla plus sauvage qu’une bête féroce : « une immense démence ». Chacun pour soi était le seul mot d’ordre, le seul et maigre espoir de survie. Mais si « le cœur de l’homme devenait dur comme la pierre », une poignée pourtant s’en sortira et repeuplera la Terre.

L’avertissement

« L’univers a été anéanti, bouleversé, et l’homme demeure toujours identique. »

Après l’apocalypse, il faudra réapprendre à vivre, dans une nature qui a repris ses droits, et en harmonie elle. Mais le vieil homme connaît mieux que personne la nature de l’homme et s’il est dur pour ces enfants du XXIe siècle de comprendre ce que peut être un avion ou même de l’argent, il craint pour le futur de ce nouveau monde et l’avenir de ses petits-enfants.

Car regrettant les douceurs gustatives, le confort sécuritaire et les plaisirs faciles de la civilisation, il redoute plus encore les élans destructeurs des hommes. La guerre : « les hommes se multiplieront, puis ils se battront entre eux », mais aussi l’injustice des sociétés à venir : « les trois types éternels de domination, le prêtre, le soldat, le roi y reparaîtront d’eux-mêmes. »

Ce texte écrit par Jack London en 1912, publié en France en 1924, imagine ce que pourrait devenir le monde après un fléau que l’on pourrait qualifier de biblique. Tel qu’annoncé dans les textes sacrés, l’auteur s’empare d’une peur millénariste, pour y apporter sa touche personnelle et engagée. Car les regrets et les craintes du vieil homme face à l’avenir de l’humanité sont celles du peuple dont l’auteur prend fait et cause. Cependant, une chance de rédemption subsiste. Elle se situe dans une grotte au fond de laquelle, l’ancien a protégé des ouvrages contenant le savoir, ainsi qu’une clé de compréhension de l’alphabet, grâce à laquelle il espère sauver la jeunesse et créer une nouvelle humanité juste et solidaire. La lecture et le savoir comme lueur d’espoir, c’est la leçon de ce classique essentiel et furieusement actuel.

Copyright visuel : 

*Photo d’illustration © Ken_Lecoq sur Pixabay

Aller + loin : 1 mois/1 classique, la bibliothèque idéale

Article rédigé par
Sébastien Thomas-Calleja
Sébastien Thomas-Calleja
Libraire à Fnac Bercy
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