Une première bande dessinée à 55 ans, c’est rare. Une première bande dessinée qui est certainement le meilleur roman (graphique a minima) de l’année 2018, c’est exceptionnel. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, livre somme, chef-d’œuvre immédiat, aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.
Une première bande dessinée à 55 ans, c’est rare. Une première bande dessinée qui est certainement le meilleur roman (graphique a minima) de l’année 2018, c’est exceptionnel. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, livre somme, chef-d’œuvre immédiat, aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. Fauve d’or 2019.
Les créatures de Windy City
Fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, vit avec sa mère et son grand frère Deeze, féru de dessins et de tatouages, à Uptown. Dans ce quartier populaire de Chicago déambulent laissés-pour-compte, gueules cassées et prostituées. Pour échapper aux gamines de sa classe, à la dureté de la vie à Uptown, à l’absence de père, Karen se rêve loup-garou. Elle rêve des fantômes qui peuplent les rues et ne demandent qu’à surgir. Un jour, la voisine du dessus, la tendre Anka, belle femme abîmée au passé trouble, meurt. Suicide ou assassinat ? Karen se lance sur les traces d’Anka et se frotte à des humains bien plus monstrueux que les loups-garous et autres créatures des comics horrifiques qu’elle lit.
Une œuvre d’art
Impossible de parler de l’histoire de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, sans parler du dessin si particulier et fabuleux de l’auteur. Le trait d’Emil Ferris fait ressortir les émotions des personnages, la noirceur d’une ville et d’une époque. Construit comme le journal intime de Karen, l’ouvrage mêle textes à la poésie enfantine macabre et illustrations qu’on voudrait croire hasardeuses si la maîtrise visuelle n’était pas aussi absolue. Car ce premier roman graphique fantastique et social, à l’immense inventivité, confine à l’art, celui, pop, qui commence à trouver sa place dans les musées. Et pour cause : Emil Ferris a mis six ans à l’écrire. Chaque page est un tableau qui pénètre dans le cerveau des personnages – et hante durablement celui des lecteurs. Pour preuve, la multitude de prix qui pleuvent sur l’ouvrage depuis sa sortie outre-Atlantique en 2017, et la consécration par l’immense Art Spiegelman, qui tient Emil Ferris pour « l’une des plus grandes artistes de bande dessinée de notre temps ». Ca tombe bien, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres aura bientôt une suite.
Emil Ferris : talent monstre
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Angoulême – Fauve d’or 2019
Parution le 23 août 2018
Livre premier – 416 pages
Traduit par Jean-Charles Khalifa