GONCOURT DES LYCÉENS 2015 – « Que peux-tu écrire après cela ? » se demande le personnage de Delphine. Comment passer à autre chose, tourner la page, reprendre la plume après l’incroyable succès de Rien ne s’oppose à la nuit. Comment revenir à la fiction après un roman autobiographique qui exposait la photo de sa mère en couverture ? D’après une histoire vraie s’impose au fil des pages comme une réponse évidente à toutes ces interrogations.
GONCOURT DES LYCÉENS 2015 – « Que peux-tu écrire après cela ? » se demande le personnage de Delphine. Comment passer à autre chose, tourner la page, reprendre la plume après l’incroyable succès de Rien ne s’oppose à la nuit ? Comment revenir à la fiction après un roman autobiographique qui exposait la photo de sa mère en couverture ? Autant de questions qui traversent la nouvelle prouesse littéraire de Delphine de Vigan.
Tout est tout et son contraire
D’après une histoire vraie s’impose au fil des pages comme une réponse évidente à toutes ces interrogations. Voilà ce qu’elle pouvait écrire. Ce qu’elle devait écrire. Un roman qui interroge les rapports de la fiction et du réel. Un roman qui se joue des conventions, jongle avec nos certitudes, titille notre curiosité. Un récit, comme une déclaration d’amour à la littérature qui rend perméable les genres entre eux. Thriller psychologique, récit de vie, essai littéraire…
Mais n’allons pas trop vite en besogne. De quoi s’agit-il ? De Delphine de Vigan donc, enfin de son double. Un écrivain à succès qui se retrouve un peu (beaucoup) désœuvrée, emportée, noyée par ce qu’elle a écrit : « un livre dont je n’avais pas imaginé la portée. Un livre dont l’effet au sein de ma famille et autour de moi (…) se prolongeraient longtemps ». Un livre qui lui vaut même de recevoir des lettres de menace. Alors lassée, fatiguée, la voilà qui s’oblige à sortir et rencontre lors d’une soirée mondaine, d’un dîner en ville une certaine L.
L. La quarantaine est drôle, intelligente, cultivée, sophistiquée. Les deux femmes sympathisent, se trouvent des points communs, se confient – surtout Delphine… Et L. d’investir (d’envahir ?) rapidement l’espace vital de Delphine. Une relation naissante, pleine de promesses, mais qui très vite laisse présager du pire. On pense à Jeune fille partagerait appartement de Barbet Schroeder, tandis que De Vigan multiplie les clins d’œil à Shining, Misery et Usual Suspect.
Truffant son roman de références à sa « vraie » vie publique (noms de ses enfants, d’ami-écrivain, de son conjoint, titres de roman, lieux fétiches, salons littéraires…), l’habile auteure nous tient par le bout du nez, suspendu à sa plume que nous sommes. À notre « Comment démêler le vrai du faux », elle répond « Pourquoi vouloir le faire ? N’est-ce pas là toute la puissance de la littérature ? » Car c’est bien cela le véritable enjeu de ce roman : interroger « l’accent de vérité », le travail d’écrivain et l’avenir de la forme romanesque. « Écrire un livre entier qui se donnerait à lire comme une histoire vraie, un livre soi-disant inspiré de faits réels mais dont tout, ou presque serait inventé. », déclare le personnage de Delphine. Ou pas, a-t-on envie de répondre en chœur.
D’après une histoire vraie a reçu le prix Goncourt des lycéens 2015.
Paru le 26 août 2015