Thriller psychologique et suspense troublant, Un Homme idéal vaut autant par la prestation du fraîchement césarisé Pierre Niney que par la mise en scène élégante et habitée de Yan Gozlan. Une découverte !
Aspirant écrivain, Mathieu (Pierre Niney) vit dans l’espoir d’être publié mais ne reçoit jusqu’à présent que des refus polis des maisons d’édition. En attendant, pour payer le loyer de son petit appartement, il travaille comme déménageur. Un jour, vidant la maison d’un vieil homme décédé et sans descendants, Mathieu tombe sur un manuscrit, une sorte de journal de bord rédigé durant la guerre d’Algérie. Il le feuillette, puis le dévore avant de se l’approprier. Immédiatement publié, Sable Noir devient un best-seller et propulse Mathieu dans le gotha des auteurs en vue de la place parisienne. Trois ans plus tard, alors que son éditeur attend désespérément le nouveau manuscrit de Mathieu, ce dernier part séjourner dans le sud de la France chez les parents de sa fiancée, Alice (Ana Girardot). C’est dans ce cadre ensoleillé et bourgeois que l’imposture de Mathieu va violemment rejaillir…
Le cinéma a parfois ceci de fascinant de réussir à nous faire aimer les salauds. C’est la qualité première d’Un Homme idéal, second long métrage de Yann Gozlan (Captifs en 2010). Mathieu, le héros du film, est un usurpateur, son mensonge va même le transformer en criminel, mais on le suit paradoxalement avec empathie tout au long du film. A-t-on envie qu’il s’en sorte ou que son imposture éclate au grand jour, et avec quelles conséquences ? Toujours est-il qu’entre la partition impeccablement jouée par Pierre Niney et la mise en scène au cordeau de Yann Gozlan, Un Homme Idéal propose tout simplement l’un des meilleurs suspense français vu depuis longtemps sur grand écran.
Jouant habilement sur les faux semblants, les fantasmes, les cauchemars et les vagues-à-l’âme, Yann Gozlan sait instiller la notion de risque, d’inquiétude, par un seul regard, un mouvement de caméra ou une présence. Sans jouer inutilement ou maladroitement sur les fausses pistes, l’arrivée de Stanislas (Thibault Vinçon, magnifique d’ambivalence) dans le cercle familial agit par exemple comme un révélateur et appuie sur les culpabilités, les incohérences et les questions scotchées à Mathieu : il n’est pas à sa place dans ce milieu, il est en retard auprès de son éditeur, comment a-t-il pu écrire à 25 ans un roman si renseigné sur la guerre d’Algérie ? L’innocent Stanislas cristallise la culpabilité de Mathieu, qui ne peut dès lors plus garder la tête froide. Pour Mathieu tout et tout le monde devient suspect, même Alice… Le talent de Yann Gozlan est de rendre prégnant à l’écran des sentiments purement psychologiques comme l’étouffement, la culpabilité, la panique, la perte de repères et même l’angoisse de la page blanche.
À la fois solaire et étouffant, sobre, prenant et interprété avec une justesse indispensable, Un Homme idéal réussit avec une incroyable aisance à se hisser au niveau de ses modèles, en l’occurrence Plein Soleil et La Piscine. Ajoutez à cela un soupçon de maniérisme, une goutte de modernité, une maitrise totale de la mise en scène et vous obtenez un savoureux cocktail qui propulse immédiatement Yann Gozlan et son scénariste, Guillaume Lemans (Pour Elle, A Bout portant, Mea Culpa), parmi les artistes français à suivre de près ces prochaines années.
Un Homme idéal, un film de Yann Gozlan avec Pierre Niney, Ana Girardot, André Marcon, Valéria Cavalli, Thibault Vinçon, Marc Barbé.
Au cinéma depuis le 18 mars.
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