Critique

Le Stabat Mater de Pergolèse par la fine fleur du baroque

06 novembre 2013
Par Frédérique
Le Stabat Mater de Pergolèse par la fine fleur du baroque
©dr

Il fallait bien que cela arrive un jour, le contre ténor Philippe Jaroussky aborde un des « tubes » du baroque italien : le Stabat Mater de Pergolèse pour soprano et alto. Deux mois tout juste après son album consacré à Porpora et Farinelli, c’est accompagné de la soprano Julia Lezhneva, de Diego Fasolis et de l’ensemble I Barocchisti, que le chanteur nous offre cette œuvre légendaire…

Une légende s’est bel et bien construite autour de l’œuvre et de son compositeur. En effet, ce Stabat Mater composé en 1736 pour être joué en période de Carême à l’église Santa Maria di Sette Dolori de Naples fut la dernière composition de Pergolèse qui mourut à 26 ans de tuberculose. L’immense succès posthume de cette œuvre (notamment reprise par Bach dans son Psaume 51 BWV 1083), la mort prématurée de son auteur firent de Pergolèse le héros romantique par excellence, et du Stabat Mater une sorte de Requiem de Mozart avant l’heure (comme une composition fatale pour le compositeur). De son vivant Pergolèse était plutôt connu pour ses opéras (il eut le temps d’en écrire 10), des compositions plus légères et plus gaies.

Loin des fastes de l’olezhnevapéra, des airs de bravoure et des vocalises périlleuses, le Stabat Mater doit sa force à la pureté des lignes mélodiques et à la simplicité de l’orchestration. Le thème, bien que religieux prend une dimension humaine : la déploration d’une mère devant la mort de son fils. Après la triomphale évocation de Nicola Porpora et de son illustre disciple Farinelli, Philippe Jaroussky change donc de registre mais il reste à Naples. Le fait que Jaroussky reprenne cette pièce après plusieurs autres contre-ténors (James Bowman, Gérard Lesne ou Andreas Scholl) n’est pas si évident que cela. En effet, celui qui a commencé sa carrière de chanteur sous l’étiquette de sopraniste (mais qu’est-ce qu’une étiquette), aborde ici une tessiture vocale plus grave et on peut dire que cela lui réussit plutôt bien. Je suis un peu plus réservée pour sa partenaire la soprano russe Julia Lezhneva dont les aigus enfantins ne me paraissent pas vraiment convaincants. Ces notes « acides » se glissent par intermittence mais la jeune chanteuse est aussi capable de très belles intonations. C’est visiblement un parti pris qu’on apprécie ou pas. Diego Fasolis et  son ensemble I Barocchisti ajoutent aux voix un accompagnement d’un extrême raffinement.

diego_fasolis

Le Laudate Pueri, pour deux sopranos, chœur et orchestre, est plus léger et festif, les deux solistes se trouvent dans un registre égal et les deux voix ainsi que celles du Chœur de la Radiotélévision Suisse se marient à merveille. Le Confitebor tibi Domine est une profession de foi donnée avec beaucoup d’allant et de ferveur par tous les protagonistes.

Voici globalement trois versions intéressantes, portées par le magnifique ensemble instrumental I Barocchisti et son chef Diego Fasolis. Le tout est plein de raffinement, de délicatesse mais aussi de conviction. Pour le Stabat Mater il existe déjà un grand nombre d’enregistrements concurrents, dans des formules variées (deux chanteuses, contre-ténor et voix d’enfant, soprano et contre-ténor). Celle-ci ne conviendra certes pas aux amateurs de versions plus dramatiques et opératiques. Elle ravira bien sûr les fans de Philippe Jaroussky mais sera aussi idéale pour les amateurs de raffinement et d’émotion contenue.

A noter : l’édition spéciale Fnac comprend un DVD bonus des coulisses de l’enregistrement.

Réservez ici pour les prochains concerts de Philippe Jaroussky.

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Frédérique
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