Révolution féministe, santé mentale, guerres et migrations : L’Éclaireur a sélectionné pour vous six très beaux albums parus récemment qui abordent avec justesse ces sujets de société complexes.
1 Les contraceptés
Pendant près de trois ans, les journalistes Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain ont enquêté auprès des « contraceptés » – ces hommes qui défendent la contraception masculine et militent pour l’obtention de nouvelles méthodes (dont le slip-chauffant, mais pas que). Une bande-dessinée drôle et informative, qui permet présente l’avantage d’ouvrir la discussion sur la répartition de la charge contraceptive et d’envisager un futur où la contraception ne serait pas qu’une affaire de femmes.
2 Nos mutineries
« Elle l’avait (un peu) cherché », « on ne peut plus rien dire »… Que répondre à ces idées reçues et autres arguments antiféministes ultra-classiques ? Les dessinatrices et militantes féministes Blanche Sabbah et Eve Cambreleng proposent ici, avec beaucoup d’humour et de pédagogie, des ripostes imparables. Drôle et limpide, Nos mutineries s’inscrit ainsi dans la lignée des essais féministes dessinés – à la Liv Strömquist, par exemple. À mettre entre toutes les mains !
3 C’est comme ça que je disparais
Clara, jeune attachée de presse et poétesse montréalaise, sombre petit à petit dans un mal-être profond : cette envie de disparaître, ce sentiment de vide, de néant, dont elle n’arrive pas à se débarrasser, qui l’isole et l’épuise. Mirion Malle livre ici un magnifique premier roman graphique sur le sujet délicat de la dépression. Elle illustre avec justesse cette maladie mentale si répandue, encore tellement incomprise et taboue. On ne peut qu’éprouver une empathie et une tendresse infinies pour Clara et son « chien noir ». Indispensable.
C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle, La Ville Brûle, 2020, 19€.
4 René.e aux bois dormants
René ne se sent pas à sa place dans la grande ville qu’il habite et qui l’étouffe. Alors il s’échappe – littéralement – en s’évanouissant ; et chaque absence est l’occasion d’une aventure fantasmagorique dans des mondes oniriques. L’album, qui éblouit par ses graphismes époustouflants et sa palette aux couleurs intenses, fait voyager à travers les mythes fondateurs des Premières Nations. Elene Usdin conte ainsi avec beaucoup de poésie l’histoire tragique du génocide culturel des peuples autochtones au Canada perpétué jusque dans les années 1970.
René.e aux bois dormants de Elene Usdin, Sarbacane, 2021, 32€.
5 Migrations
En 2015, le LAB619 (5), collectif de dessinateurs et scénaristes du Monde Arabe basé à Tunis, se donne pour mission de « dessiner l’exil ». Migrations rassemble ainsi dix histoires illustrées, véritables témoignages relatant sans tabou les réalités de la migration – bien au-delà de l’image stéréotypée et déshumanisée qu’en font bien souvent les médias occidentaux. Une plongée intime et puissamment politique au cœur d’une problématique tragique qui nous concerne tous. Bouleversant.
Migrations de LAB619. Alifbata, 2021, 19€.
6 Kobane Calling
Le bédéiste italien Zerocalcare raconte dans Kobane Calling ses voyages à Kobané au Rojava (Kurdistan syrien). Dans cette bande-dessiné/reportage riche et émouvante, il relate avec pédagogie et recul toute l’ampleur du mouvement révolutionnaire kurde, pris en étau entre l’État turc et Daech. On découvre ainsi avec lui la complexité du conflit et l’absurdité de la guerre. Une bande-dessinée poignante, pleine d’autodérision et de sincérité.