Critique

Astérix en Lusitanie : enquête portugaise

23 octobre 2025
Par Robin Negre
“Astérix en Lusitanie”.
“Astérix en Lusitanie”. ©Éditions Albert René

Le 41e album des aventures d’Astérix et Obélix, par Fabcaro et Didier Conrad, plonge les deux héros en pleine Lusitanie.

Le rendez-vous est immanquable. Depuis 2013, Astérix et Obélix reviennent tous les deux ans, sous l’impulsion d’une nouvelle équipe créative. Après Jean-Yves Ferri (scénariste des cinq premiers albums), Fabcaro (lire notre entretien) prend le relai pour un temps et propose sa deuxième histoire – après L’Iris Blanc sorti en 2023 –, toujours accompagné du dessinateur Didier Conrad.

Dans Astérix en Lusitanie, les deux artistes proposent un album de voyage (en opposition aux albums de village), et explorent d’un lieu inédit dans les aventures du Gaulois : la Lusitanie, l’ancêtre du Portugal.

Astérix en Lusitanie.©Éditions Albert René

Lorsqu’un Lusitanien demande de l’aide au village d’irréductibles, Astérix et Obélix se rendent dans le pays et tentent d’aider un homme injustement accusé d’avoir voulu empoisonner César avec son garum, la soupe de poissons traditionnelle. Astérix et Obélix mènent l’enquête dans un album qui mêle l’exploration des coutumes locales à l’investigation.

Les deux protagonistes visitent la Lusitanie et découvrent les caractéristiques d’un peuple particulièrement mélancolique. Sans oublier de rentrer dans le tas lorsque la situation l’impose, Astérix essaie d’innocenter le dénommé Mavubès (et pas seulement de le libérer), tout en révélant un complot plus large entourant l’exploitation et le commerce de garum.

Mondialisation et exportation

Dès les premières pages, Fabcaro dévoile le thème majeur d’Astérix en Lusitanie : les enjeux de la mondialisation, de l’export de masse et de la surconsommation. Donnant un écho à des sujets contemporains – comme dans chaque album d’Astérix –, le scénariste parle du monde moderne en utilisant la période antique, se révèle incisif et précis dans les textes et les répliques.

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Avec un sens certain du rythme, de la narration et des interactions entre les personnages, Fabcaro fait voyager Astérix et Obélix à travers les villages, les routes et les champs de Lusitanie, dévoilant les paysages et les villes emblématiques du pays. Didier Conrad, de plus en plus assuré dans le trait, ajoute à cette belle découverte avec un découpage efficace. 

Astérix en Lusitanie.©Éditions Albert René

Obélix et Cie

Fabcaro ne s’en cache pas : il a un faible pour Obélix. Garant de l’aspect comique de l’univers d’Astérix, le Gaulois aux tresses était déjà central dans L’iris Blanc. Dans Astérix en Lusitanie, il garde cette place essentielle et crée le décalage entre la culture gauloise et la culture lusitanienne, tout en possédant les meilleures répliques de l’album, à l’origine de francs éclats de rire. Face aux spécialités culinaires du pays, Obélix n’en démord pas : les plats à base de morue ne lui conviennent pas. Si Obélix est vecteur de comédie, il sert aussi le dépaysement et l’exotisme, questionnant et commentant toute les spécificités et coutumes du pays et de ses habitants.

Sans être caricatural, Fabcaro intègre l’héritage de Goscinny, qui n’hésitait pas non plus à prendre des éléments clés et reconnaissables des peuples pour en faire des ressorts comiques immédiats (Astérix en Corse demeure une référence à la matière). Pour les Lusitaniens, Fabcaro utilise leur éternelle mélancolie teintée de pessimisme, arme redoutable face aux légions romaines et source de comédie.

Astérix en Lusitanie.©Éditions Albert René

Sans inonder l’album de gags et sans tomber dans la simple carte postale, Astérix en Lusitanie trouve le bon équilibre. Plus intéressant encore, il propose une « enquête » dans l’univers d’Astérix, les Gaulois allant d’indice en indice pour venir à bout de la conspiration entourant la production de garum et l’accusation fallacieuse de Mavubès.

Plus discrets, se fondant dans la masse, Astérix et Obélix prennent le temps de la découverte et de l’observation, offrant à Astérix en Lusitanie un rythme plus lent, plus posé et permettant au lecteur de s’imprégner de l’intrigue. Le retour d’Astérix en libraire a souvent eu cet effet : une fois lus, en dépit de leur qualité, les albums s’oubliaient rapidement. Astérix en Lusitanie semble avoir trouvé la formule pour éviter cet écueil, mais seul le temps le dira.

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Le 41e album d’Astérix s’inscrit dans la pure lignée des albums emblématiques de voyage. Rappelant Astérix en Hispanie, Astérix en Corse ou même Astérix chez les Helvètes, cet Astérix en Lusitanie est moins porté sur l’humour que le précédent, L’iris Blanc, mais se révèle plus exotique. En trouvant la voix juste pour Astérix et Obélix, Fabcaro affine son style et son univers, ne tombe jamais dans les clichés, mais s‘autorise l’humour de situation, la moquerie bienveillante et le regard authentique sur la société moderne.

« Il va me falloir encore une bonne trentaine d’albums pour m’approcher de Goscinny », affirmait Fabcaro à L’Éclaireur Fnac. En sortant d’Astérix en Lusitanie il ne fait aucun doute qu’il lui en faudra beaucoup moins pour faire de sa période sur Astérix une référence.

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