Et si Marvel reprenait enfin des couleurs ? Le 23 juillet, Les quatre fantastiques : premiers pas dépoussière la franchise avec style. Une renaissance visuelle et narrative convaincante, sans pour autant faire trembler les fondations du genre.
Enfin, un sursaut. Après une succession de déceptions – Captain America: Brave New World, Venom: The Last Dance, Kraven: The Hunter –, symptômes d’un cinéma de super-héros à bout de souffle, tout semblait indiquer que l’âge d’or du MCU avait sombré dans les limbes de franchises épuisées. Mais contre toute attente, Marvel semble bien décidé à conjurer la malédiction.
Déjà, Thunderbolts*, premier film estampillé 2025, amorçait un virage bienvenu : celui de l’anti-héroïsme assumé, salué par la critique pour son audace et sa tonalité plus rugueuse. Un pas de côté salutaire après la fin des Avengers en 2019. Et voici que Les quatre fantastiques s’apprête à investir les salles, ce 23 juillet, avec la promesse de réinjecter du souffle et du style dans un univers qui, ces dernières années, en avait cruellement manqué.
Un matériau mythique souvent maltraité
L’héritage s’annonçait pourtant difficile à dompter. Adapter les aventures de cette équipe fondatrice de l’univers relevait du pari aussi exaltant que risqué. Exaltant, d’abord, par la richesse du matériau d’origine : imaginés par Stan Lee et Jack Kirby, les Fantastic Four ont vu leur premier comic paraître en 1961, marquant le début de la série la plus longue de la maison d’édition. Une mine narrative dense, précieuse, mais déjà largement exploitée – et souvent malmenée – par le cinéma.

Soyons honnêtes : pour les enfants des années 1990 – dont votre rédactrice fait partie –, les adaptations signées Tim Story n’étaient pas entièrement à jeter. Certes, les films de 2005 et 2007 (Les 4 Fantastiques et Le Surfer d’argent) n’ont brillé ni par leur mise en scène ni par la solidité de leur casting (Chris Evans, Jessica Alba, Michael Chiklis, Ioan Gruffudd), mais ils ont laissé une trace émotionnelle. Une madeleine de Proust d’un temps où les super-héros s’invitaient encore timidement sur grand écran… En bref, des balbutiements pleins de limites. L’adaptation de 2015, avec Miles Teller et Michael B. Jordan ? On ne s’étendra pas, mais, disons-le franchement : on s’en serait bien passé.
Difficile, donc, de faire pire. Matt Shakman le savait et s’est manifestement donné pour mission de relever le défi avec sérieux et ambition. Il aligne un casting quatre étoiles, s’autorise une esthétique totalement repensée et choisit d’inscrire son récit dans une version rétrofuturiste de New York, préservée des ravages de Thanos et des surenchères apocalyptiques du MCU. En somme, un terrain vierge, presque utopique. Et le pari, il faut le dire, est plutôt bien tenu.
Un Marvel inédit
Première qualité du film : il ne s’agit ni d’un énième robot ni d’un remake plus ou moins maquillé. Il s’impose comme une adaptation inédite, débarrassée du carcan narratif des précédentes versions. Cette fois, les héros ne découvrent pas leurs pouvoirs : ils les possèdent déjà et l’intrigue démarre quatre ans après l’accident spatial qui a altéré leur ADN. De « premiers pas », il n’est donc pas question dans le sens traditionnel. Le titre fait en réalité référence à une tout autre naissance : celle de l’enfant de Reed Richards (Pedro Pascal) et Susan Storm (Vanessa Kirby), couple central du récit.

C’est autour de cette trame intime que le film se construit, avec, en toile de fond, une mission d’ampleur cosmique : sauver la planète de l’attaque de Galactus, dévoreur de mondes, accompagné de sa messagère, la Surfeuse d’argent, campée par Julia Garner. Un double enjeu narratif – familial et héroïque – qui donne de l’épaisseur au film sans le surcharger.
Une famille de super-héros crédible
Ce qui frappe, c’est la volonté d’éviter les ressorts psychologiques éculés du MCU. Pas de rivalité fratricide, pas de trahison dans l’ombre, pas de secrets de famille en cascade. Les Quatre forment une équipe soudée, presque trop parfaite ; mais c’est aussi ce refus du conflit artificiel qui rend l’ensemble rafraîchissant. Chacun des membres a sa personnalité bien distincte, fidèle aux archétypes des comics, sans que cela vienne alourdir le récit.

Les interprétations, elles, sont à la hauteur : Pedro Pascal joue un Reed Richards modeste, calme et sensible. Joseph Quinn insuffle à Johnny Storm une énergie vive et juvénile. Ebon Moss-Bachrach campe un Ben Grimm droit et nuancé. Mais c’est surtout Vanessa Kirby qui marque : sa Sue Storm s’impose comme une figure forte, intelligente, centrale, loin des clichés habituels de la super-héroïne secondaire réduite aux seuls enjeux affectifs.
Un univers rétrofuturiste réjouissant
Mais ce qui distingue réellement Premiers pas, c’est son esthétique. Matt Shakman choisit d’installer son récit dans un New York rétrofuturiste délicieusement vintage : voitures volantes, robots ménagers, téléviseurs à tube cathodique et tourne-disques cohabitent dans une palette de couleurs saturées aux accents sixties. Le décor est soigné, précis, avec une vraie signature visuelle.

Le réalisateur lui-même résume l’approche par une formule : « Là où Jack Kirby rencontre Stanley Kubrick » – en référence directe aux premiers comics des années 1960 et au film 2001 : l’Odyssée de l’espace. Une idée de génie. Et le résultat, sans être révolutionnaire, est visuellement enthousiasmant.
Une réussite maîtrisée… peut-être un peu trop
Dans son ensemble, le film fonctionne. Le rythme est tenu, la mise en scène élégante, les effets spéciaux réussis, la musique bien dosée. Le film se regarde avec plaisir, sans temps mort. Mais sans véritable prise de risque non plus.
C’est un Marvel divertissant, propre, bien conçu, mais pas renversant. On y sent une application réelle, presque scolaire. Le renouveau est là, indéniablement. Mais on aurait aimé voir Shakman sortir un peu des cases, prendre le risque du coup de pinceau de travers. Car c’est souvent là que naît l’étincelle, celle qui transforme le bon en mémorable.