Décryptage

Les jeux Disney sont-ils à la hauteur des licences originales ?

30 mai 2025
Par Antistar
“Disney Illusion Island”.
“Disney Illusion Island”. ©Disney/Nintendo

Existe-t-il un nom plus populaire dans le monde de la pop culture que Disney ? Considérée comme premier groupe de divertissement, la société fondée par Walt Disney donne pourtant l’impression de peiner à exister au sein de l’industrie du jeu vidéo.

Depuis plusieurs années, le jeu vidéo est devenu le média culturel le plus populaire dans d’innombrables pays. Désormais on ne peut plus légitime dans un domaine artistique qui l’a longtemps boudé, celui que l’on appelle 10e art jouit d’une notoriété comparable à celle du cinéma et de la musique dans les années 1950 et 1960. Une période durant laquelle l’industrie vidéoludique est née, avant de gagner en popularité et en visibilité auprès du grand public durant les deux décennies qui ont suivit.

Une période qui coïncide avec de grosses difficultés du côté du géant Disney, en perdition depuis quelques années et qui fera en sorte, dès le début des années 1990, de nouer bon nombre de partenariats avec les constructeurs de jeu vidéo pour renforcer son image auprès des nouvelles générations. Toujours présent dans l’industrie vidéoludique plus de 30 ans après, Disney en est-il pour autant un acteur majeur ?

Quand Mario devient plus fort que Mickey

Au début des années 1990 se produit un phénomène aussi rare que fascinant : l’icône de plusieurs générations de fans de pop culture change soudainement. Alors que Mickey Mouse était LA plus grande star fictive aux yeux des enfants et des adultes depuis des décennies, c’est à un petit plombier italien à casquette rouge que revient l’honneur de changer la donne.

©Disney/Nintendo

Subitement, Super Mario devient plus célèbre auprès des enfants américains que la souris de Walt Disney, née un bon demi-siècle avant que Shigeru Miyamoto n’imagine celui qui le rendra célèbre à son tour.

En effet, moins d’une décennie après le premier jeu le mettant en scène explicitement en tant que héros, Super Mario est plus célèbre que Mickey Mouse aux États-Unis, à en croire une enquête effectuée auprès des Américains – une success-story épatante racontée avec brio dans l’excellent documentaire Mario, le plombier qui voulait détrôner Mickey de Paul Clouzet.

Il fallait être là pour le croire, mais, à l’époque, Nintendo a on ne peut mieux réussi son opération séduction au pays de l’Oncle Sam, imposant avec succès durant la seconde moitié des années 1980 la Nintendo Entertainment System (plus connue sous le nom de NES) et sa mascotte.

Cette dernière n’est autre qu’un simple plombier italien de Brooklyn, aux allures de monsieur Tout-le-Monde, à la fois déjà passé de mode et indémodable. Il faut dire aussi que la plus célèbre des créations de Disney était quelque peu en déclin à l’époque, devant lutter face à la popularité de nombreux autres dessins animés plus modernes que lui.

©Nintendo

Un univers dans lequel Super Mario n’excellait cependant pas du tout et n’a d’ailleurs jamais su vraiment s’imposer. On ne saura que vous recommander de NE PAS visionner le long-métrage d’animation japonais de 1986 mettant en scène Super Mario, longtemps considéré comme « lost media » et qui aurait peut-être gagné à le rester.

Disney à la recherche de son propre Mario

C’est probablement en réaction à cette situation délicate que Disney fait de sa mascotte un héros de jeu vidéo à part entière au début des années 1990. D’abord avec le mythique Castle of Illusion Starring Mickey Mouse, sur la nouvelle console phare du rival de Nintendo, la Mega Drive de SEGA.

Une collaboration qui symbolise d’ailleurs l’étonnante idylle entre le constructeur japonais et un marché américain qu’il arrivera à conquérir pour la seule fois de son histoire : la Genesis (nom de la Mega Drive en Amérique du Nord) s’est mieux vendue sur le territoire nord-américain que la Super Nintendo et il n’est pas à exclure que la présence d’une exclusivité Disney aussi forte ait eu sa part de responsabilité. Qu’on ne s’y trompe pas, Nintendo a aussi eu droit à ses « jeux Mickey » sur Super Nintendo, puis sur Game Boy Advance une dizaine d’années plus tard.

Mickey fut loin d’être le seul personnage de l’univers Disney à débarquer sur consoles dans les années 1990. Des succès colossaux en provenance des studios Disney, comme Aladin, Le roi lion, Le livre de la jungle ou encore Pocahontas furent conjointement adaptés sur Mega Drive et Super Nintendo, recevant même parfois des portages sur la petite Game Boy.

©Disney/Pixar

Puis, la première PlayStation connaîtra son lot d’adaptations en phase avec sa génération, comme Toy Story, Mulan, Hercule ou Tarzan. Cependant, en dépit de succès critiques convenables, ces titres parvenant souvent à éviter l’étiquette de « jeux à licence » de piètre qualité et ne rendant pas hommage à l’œuvre originale, Disney peinait à proposer un univers vraiment original sur consoles.

Il faut dire que, si l’on en revient au déclin de popularité de Mickey en comparaison de Mario, Nintendo n’avait que faire de la menace que pouvait représenter la souris en short rouge vis-à-vis de sa propre mascotte… ou n’accordait aucune importance à cette « guerre des icônes ». Ainsi, la popularité supérieure de Mario était devenue indiscutable, que ce soit sur sa terre natale ou adoptive.

©Square Enix/Disney

Mickey Mouse avait désormais besoin d’exister à travers plusieurs médias, là où Mario ne pouvait compter que sur le jeu vidéo pour cartonner (l’adaptation de ses aventures au cinéma en 1993 étant encore un énorme échec). Incapable d’exister en tant que héros de jeu vidéo face à un autre personnage l’ayant dépassé dans une culture populaire où ce nouvel art avait pris une place considérable, Mickey fut alors relégué au rang de personnage secondaire (bien qu’important) dans la série des Kingdom Hearts de Square Enix.

Kingdom Hearts, le vrai carton de Disney dans le jeu vidéo ?

Si l’on vous parle de la licence Kingdom Hearts, c’est parce qu’elle symbolise de la meilleure des manières le niveau d’implication de Disney dans le jeu vidéo. Apparue pour la première fois en 2002 sur PlayStation 2, il s’agit d’une franchise de jeu de rôle japonais développée par Square Enix sous la direction de Tetsuya Nomura, game designer ayant déjà beaucoup œuvré sur la licence Final Fantasy.

Bien qu’il ne s’agisse initialement pas d’une « licence Disney », Kingdom Hearts en est rapidement devenue une, puisqu’elle mélange des personnages créés par le développeur japonais (Sora, Riku et Kairi) et des personnages de l’univers Disney (Donald, Dingo et Mickey).

Ces derniers bénéficient d’ailleurs de leurs doubleurs officiels, ce qui ajoute encore un peu plus de cachet à une œuvre louée pour la qualité de son ambiance musicale, la bande originale étant signée Yoko Shimomura, référence absolue de la composition de bandes-son dans l’univers du J-RPG.

©Square Enix/Disney

Le succès du premier opus de Kingdom Hearts est tel que cette nouvelle franchise atteint un grand pic de popularité, permettant notamment aux personnages Disney de s’offrir enfin de véritables lettres de noblesse dans un secteur du jeu vidéo où ils peinaient à s’imposer.

En mélangeant des personnages et des lieux emblématiques du monde de Disney au gameplay et à l’ambiance d’une série aussi en vogue que Final Fantasy (sa franchise phare), Square Enix tenait en effet une véritable pépite qui allait s’installer dans le paysage du gaming sur la durée. Aujourd’hui, la licence Kingdom Hearts, dont le quatrième épisode principal est attendu dans les années à venir, représente près de 40 millions d’unités distribuées dans le monde.

Une infinité de possibilités

Le succès de cette licence a-t-il débloqué quelque chose entre Disney et le jeu vidéo ? C’est tout à fait possible. Une décennie plus tard, les fans attendent désespérément des nouvelles d’un troisième opus et doivent se contenter de nombreux spin-offs pour patienter. Mais Disney Interactive Studios a un autre atout dans sa manche et mandate le studio Avalanche Software pour concevoir une série de jeux de plateforme-action associée à des figurines, s’inspirant du concept de Skylanders, très populaire au début des années 2010.

Cette nouvelle licence, qui s’intitule Disney Infinity, va connaître un joli succès, bien que relativement éphémère. Mais surtout, elle prouve que ce n’est pas un personnage ou un univers précis qui fonctionnent : il faut capitaliser sur le nom Disney dans son ensemble. Ainsi, durant les années 2010 puis 2020, de nombreux jeux vidéo dont le titre commence par « Disney » voient le jour, de Disney Tsum Tsum (party-game) à Disney Speedstorm (jeu de course à la Mario Kart) en passant par Disney Dreamlight Valley (simulation de vie façon Animal Crossing).

Et encore, nous nous arrêtons ici aux titres souhaitant miser sur les licences historiques de la firme, car nous pourrions bien évidemment évoquer les innombrables jeux Star Wars et Marvel, propriétés de Disney depuis de nombreuses années. C’est dans ces conditions qu’est paru Disney Illusion Island, platformer rappelant quelque peu les exceptionnels Rayman Origins et Legends d’Ubisoft, et qui n’est pourtant autre qu’un jeu mettant en scène Mickey, Minnie, Donald et Dingo.

©Disney/Nintendo

Les licences Disney ont-elles déjà été aussi fortes dans le monde du jeu vidéo qu’en 2025 ? Rien n’est moins sûr. Cependant, ce qui peut le plus surprendre, c’est la manière dont elles sont exploitées. Aujourd’hui, si les jeux vidéo se basant sur l’univers de Disney sont légion et que nombreux sont ceux qui connaissent un certain succès, il semblerait que ce soit la « marque » Disney qui pèse le plus auprès des joueurs, et pas ses innombrables franchises à succès individuellement.

Tenter de vendre un jeu vidéo Mickey ou même basé sur un long-métrage d’animation ne fonctionnera jamais aussi bien que capitaliser sur le nom du plus célèbre des studios d’animation. Non seulement Disney vise un public familial, mais surtout, dans le domaine vidéoludique, c’est une très grande famille unie qui ne connaîtra le succès que de cette manière.

Disney Illusion Island, le 30 mai 2025 sur PlayStation 5 et Xbox Series.

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