Critique

Connemara d’Alex Lutz : rendez-vous en terre inconnue

22 mai 2025
Par Agathe Renac
“Connemara” est une adaptation cinématographique d'Alex Lutz.
“Connemara” est une adaptation cinématographique d'Alex Lutz. ©Incognito Pictures/Supermouche Production/StudioCanal/Jean-François Hamard

Deux ans après Une nuit, Alex Lutz revient à Cannes avec son adaptation de Connemara. Présentée dans la sélection Cannes Première, l’œuvre portée par Mélanie Thierry et Bastien Bouillon nous a laissé sur notre faim.

Il y a ceux qui restent. Ceux qui partent. Et ceux qui reviennent. Avec son écriture percutante et ses réflexions toujours pertinentes, Nicolas Mathieu explore avec justesse le quotidien de ceux qui vivent dans la diagonale du vide. De ces étés qui transpirent l’ennui, de ces salles des fêtes au sol collant et de ces années à raconter les mêmes histoires, avec les mêmes personnes. Né à Épinal, l’écrivain décrit parfaitement ces rêves d’ailleurs et ces illusions perdues.

Particulièrement touché par ces histoires profondément humaines, Alex Lutz souhaitait adapter le roman Leurs enfants après eux. Cependant, les droits du Goncourt de 2018 n’étaient plus disponibles. Conscient du potentiel de Connemara – autre titre phare de Nicolas Mathieu –, l’acteur et réalisateur a donc décidé de porter l’histoire d’Hélène et Christophe à l’écran. Un projet ambitieux incarné par les excellents Mélanie Thierry et Bastien Bouillon, et présenté dans la sélection Cannes Première.

Teenage dream

Cadre supérieure dans un cabinet de consulting, épouse modèle et mère de deux enfants, Hélène (Mélanie Thierry) n’y arrive plus. Autour d’elle, tout est flou. Elle n’a plus l’envie ni la force d’animer une énième présentation. Le médecin est catégorique : la quadra fait un burn-out. Épuisée, elle décide de quitter Paris pour retrouver sa région natale. La famille fuit le bruit de la capitale pour la tranquillité des Vosges.

Mélanie Thierry dans Connemara.©Incognito Pictures/Supermouche Production/StudioCanal/Jean-François Hamard

Un soir, elle croise le chemin de son amour de jeunesse sur un parking. Star du hockey local à l’adolescence et populaire au lycée, Christophe n’a jamais quitté le pays – « Seulement un an à Mulhouse, avant de revenir à Épinal. » Marié, puis divorcé, il élève son fils avec son père et rêve de reprendre ce sport qui l’a rendu célèbre dans sa ville.

À son contact, Hélène redevient l’adolescente timide qu’elle était. Elle bafouille, rougit et ne peut cacher son attirance pour celui qui était la star du lycée. Commence alors une idylle maladroite et touchante dans laquelle ces deux adultes rejouent leurs rêves adolescents avec une tendresse désarmante. Les rendez-vous se multiplient, le passé et le présent se superposent. Les amants sont maladroits, curieux et se redécouvrent avec beaucoup d’innocence.

Une histoire qui manque de nuances

Avec Connemara, Alex Lutz dresse un portrait très juste de ces amoureux aux vies diamétralement opposées. Il explore avec finesse le désir féminin et cette illusion d’une seconde chance amoureuse. Aussi convaincants l’un que l’autre, Mélanie Thierry et Bastien Bouillon forment un duo sincère et touchant qui crève l’écran. En décrivant la trajectoire de ce couple maladroit, le film nous questionne. Peut-on réellement revivre ses rêves passés ? La passion peut-elle se transformer en amour ? Et surtout, peut-on construire une histoire solide avec une personne si différente de nous ?

Bastien Bouillon dans Connemara.©Incognito Pictures/Supermouche Production/StudioCanal/Jean-François Hamard

Ambitieuse et habituée à sa vie parisienne, Hélène ne se reconnaît pas dans les journées trop simples de Christophe. Derrière cette romance, le réalisateur interroge ainsi les déterminismes sociaux, l’appartenance à un milieu et les trajectoires de ceux qui restent et ceux qui partent. Malgré leur amour évident, ces écarts persistent. Si Monia Chokri apportait une analyse plus pertinente de ce sujet dans Simple comme Sylvain, Connemara brille par sa capacité à retranscrire la banalité du quotidien.

La construction des personnages et l’évolution de leurs sentiments sont très juste, mais on regrette parfois un manque de nuances. L’opposition entre la vie parisienne active qui mène nécessairement au burn-out et le quotidien de « beauf » dans « une ville où tous les enfants s’appellent Bryan, Brandon et Kévin » paraît réductrice. Malgré ces faiblesses, Alex Lutz signe ici une adaptation sensible et touchante, un film dans lequel tout le monde peut se reconnaître, une histoire universelle.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste